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sur 3262 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le dit-on vraiment ? Entre les convenances et les automatismes, quelle est la valeur du mot merci ? Delphine de Vigan examine ici nos échanges entre obligeance et bienveillance pour mieux sonder notre besoin de reconnaissance et examiner nos consciences

Après Les loyautés en 2018, qui auscultait ce sentiment étrange et pluriel, ces « fidélités silencieuses » qui nous lient aux autres et à nous-mêmes, Delphine de Vigan inspecte de nouveau dans Les gratitudes, nos fragilités intimes à travers notre sociabilité.

Ma chronique :
Lien : https://www.fnac.com/Les-Gra..
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« Vieillir, c'est apprendre à perdre. »
Perdre des gens qu'on aime, forcément, c'est mathématique.
Mais aussi ses facultés physiques et mentales :
« Perdre ce qui vous a été donné, ce que vous avez gagné, ce que vous avez mérité, ce pour quoi vous vous êtes battu, ce que vous pensiez tenir à jamais.
Se réajuster.
Se réorganiser.
Faire sans.
Passer outre.
N'avoir plus rien à perdre. »

A 80 ans passés, Michka perd quelque chose.
Quoi ? Elle ne sait pas exactement. La mémoire, les mots. Et cet effacement la terrorise : « Et puis ça ne sert à rien tout ça, je sais très bien comment ça va finir. A la fin, il n'y aura plus rien, plus de mots, tu comprends, ou bien alors n'importe quoi, pour remplir le vide. »

Dans son Ehpad, trois personnes viennent lui rendre visite. On fait la connaissance de deux d'entre elles : Marie, une jeune femme qui lui doit beaucoup, et Jérôme, l'orthophoniste.

Ce roman pourrait être une pièce de théâtre tant les mots y sont importants, et le décor volontairement minimaliste.
J'ai commencé par trouver le propos trop léger.
C'est sous-estimer Delphine de Vigan. Elle démarre en douceur, sur le ton de l'anecdote autour de sujets rebattus (personnes âgées, fin de vie, enfance, famille), et fait monter la tension, éveille l'empathie, suscite l'émotion.
Ses personnages lui ressemblent, et cela me touche, comme Marie ici - les cheveux en bataille, les yeux cernés, femme douce au passé douloureux, fragile et en proie aux doutes mais déterminée.

Malgré le tragique de l'histoire, on arrive à sourire, notamment avec ces 'jeux' de mots. Lesquels méritent qu'on s'y arrête, parce qu'ils en disent long sur les souffrances et traumatismes de Michka :
« C'est à cause des mots, je t'ai dit. C'est la nuit que... ça se terre... ça se perd, quand je n'arrive pas à m'endormir, je sais bien que c'est à ce moment là qu'ils s'enfouillent, qu'ils s'enfuitent, j'en suis sûre, mais il y a rien à faire, des wagons entiers… ».
Des wagons...

Je ne suis sans doute pas la première et ne serai pas la dernière à conclure avec un MERCI à l'auteur pour sa sensibilité, et pour les échos que je trouve en la lisant.
Parce qu'on oublie parfois de le dire - c'est l'un des sujets de ce roman, d'où le titre.
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C'est bien court : une grosse nouvelle ou un petit roman. Attendrissant, un peu triste, plein de bons sentiments.

Mishka vieillit. Et chez elle, les mots s'échappent, sont remplacés par d'autres, qui démontrent la richesse du lexique chez cette ancienne correctrice de journal. Sauf que ce ne sont pas les bons mots qui prennent place dans les phrases qu'énonce la vieille dame. Et cette aphasie s'accompagne de crises d'angoisse qui compromettent son autonomie à domicile. Place donc à l'institution, où l'on est admise après ce qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un entretien d'embauche! Humour grinçant qui cache les failles de l'institution mais révélera la fragilité des capacités de notre héroïne.

Suivront les visites de Marie et celle de Jérôme l'orthophoniste, qui tente de ralentir l'évolution, sans illusion sur l'issue.

C'est donc très court, et par conséquent on reste un peu sur sa faim. Les personnages sont esquissés, leur histoire se résument à quelques paragraphes, alors qu'on aurait voulu en savoir plus sur ce qu'était Mishka avant que la maladie ne l'atteigne. On aurait aimé en savoir plus sur la relation de Jérôme avec son père, et sur ce qui se passe dans cette maison de retraite. Tout est abordé mais survolé.


C'est dommage car le ton est juste, l'écriture belle et adroite (belle prouesse que de faire sentir l'évolution vers l'aggravation du langage de Mishka). Et puis le thème principal, annoncé dans le titre est si important, savoir dire merci.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Touchée en plein coeur. j'aime Delphine de Vigan, l'auteure et la femme. Touchante et enveloppante, intelligente, hypersensible, humble, attentive bref l'amie que l'on aimerait avoir.
Dans ce roman : La vieillesse et sa fatalité, thème universel mais traité avec tellement de subtilité, d'élégance et de sensibilité qu'une aura particulière s'en dégage.

C'est l'histoire de l'attachante Michka, personne âgée qui perd progressivement ses mots (elle devient aphasique ), ses capacités mnésiques, son corps mais pas sa lucidité.
Sa solitude a un goût métallique et synthétique de téléalarme.

Placée dans une maison de retraite, elle est épaulée par sa jeune amie Marie et Jérôme son orthophoniste. Leur sollicitude sera un rempart à sa détresse.
Surgit régulièrement la directrice de l'établissement figure caricaturale de ce système parfois abusif dont le rendement et la performance sont le seul leitmotiv.
Michka vibre, enfin, elle voudrait encore vibrer sauf que ses envies, ses désirs ses espoirs sont désormais cadenassés et ont basculés dans une zone de non-droit. le temps, ce tueur légitime, a nettement amoindri ses possibilités, ses espérances. Sa pulsion de vie ne trouve plus suffisamment d'écho dans son corps, dans sa psyché, dans ses sens, essoufflés, s'exprimant à bas régime.

L'auteure met ses mains dans la glaise pour sculpter un portrait de la vieillesse et ses errances avec grâce et réalisme.
Le regret de ce que l'on fut, la peur de ce que l'on devient, la nuit devant soi.


Quel espoir quand tout se déglingue et que la seule vision de l'avenir est le mur inévitable du destin ? : La compassion.

Contre la fatalité du vieillissement on ne peut pas grand chose si ce n'est un regard, une écoute chaleureuse et des actes et gestes compatissants, de l'amour donc.

Delphine de Vigan nous transporte, non sans humour, dans son monde sensible avec pudeur et réserve, elle explore la perte d'autonomie, la perte de soi dans un récit émouvant ponctué de dialogues touchants et drôles.
Très beau.
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D'un coup, les mots se sont envolés, enfouis ou perdus... Autonome jusqu'à aujourd'hui, Michka vit seule chez elle. Elle lit, regarde la télé, reçoit quelques visites. Notamment celle de Marie, son ancienne petite voisine. Autonome jusqu'à ce jour d'automne où, assise sur son fauteuil, Michka ne peut plus bouger ni se lever. Elle appelle alors la téléassistance et Marie accourt pour l'aider. Il ne fait aucun doute que la vieille dame ne peut plus rester toute seule. Alors, les deux femmes se rendent dans un Ephad où la directrice les reçoit gentiment et les prévient dès qu'une place se libère. Ceci acté, la vie de Michka bascule. Des jours routiniers, les visites de Marie, les exercices avec l'orthophoniste, les petites balades dehors... Tout semble étriqué, rétréci. Et les mots, eux, se perdent de plus en plus...

Delphine de Vigan dépeint avec une grande sensibilité et empathie la vieillesse. L'on suit Michka qui devra tout quitter, sa maison, ses bibelots, sa routine si rassurante pour retrouver, du jour au lendemain, dans un Ephad. Elle devra, par-dessus tout, composer avec son nouveau moi, avec ses mots qu'elle perd. À son chevet, Marie, une jeune femme pleine de gratitude et de reconnaissance envers cette vieille dame, et Jérôme, l'orthophoniste qui voudrait tant l'aider à retenir ses mots et l'éloigner, autant que faire se peut, du gouffre. Ce roman, qu'on imagine un brin autobiographique, laisse la place aux silences, aux mains qui se frôlent, aux regards reconnaissants et aimants, aux gestes attentifs et à la vie qui s'effiloche. de ces liens d'affection et de gratitude, l'auteure tisse un récit sensible, touchant et lumineux.
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On peut trouver beaucoup de qualités au dernier livre de Delphine de Vigan. La pertinence du portrait des vieilles personnes en fin de vie en est une. On peut trouver aussi le parti pris de décrire un entourage intime et professionnel uniquement bienveillant et empathique (trop beau pour être vrai), irréaliste. Quel que soit son ressenti, on ne peut nier l'intérêt du sujet qui nous touche ou nous touchera tous à un moment de notre vie.

Pour avoir vu ma grand-mère adorée et adorable perdre pied avec la réalité et peu à peu le sens des mots, je sais que vieillir trop est une punition. Alors merci à Delphine de Vigan de le rappeler pour ceux qu'il nous faut accompagner, qu'on aime qui faseillent et qu'on ne reconnaît plus.
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Je savais que ce livre allait être éprouvant. Mais il est aussi touchant, très juste. Et l'écriture sensible exprime au plus près les ressentis de chacun.

J'ai reconnu en Michka, personnage si attachant, la même fragilité , le même désarroi que celui de ma tante, quand elle est entrée en maison de retraite. J'ai reconnu ce parcours angoissant vers le vide, celui des mots qu'on cherche, qu'on finit par ne plus dire, du corps qui s'affaisse...

L'humour lié à l'aphasie de Michka allège un peu le propos. Surtout quand les mots qu'elle substitue aux autres se révèlent si bien adaptés finalement au contexte. Si drôles, si émouvants. Mais il n'arrive pas à atténuer la tristesse qui se dégage de cette fin de vie, vécue comme un fardeau. " Je suis en train de perdre", confie Michka. Oui, il s'agit bien de perte. D'autonomie, de dignité, d'espoir...

J'ai beaucoup aimé aussi l'humanité de l'orthophoniste, Jérôme, et la tendresse de Marie envers celle qui l'a aidée à vivre. Sa gratitude...

Je sais que ce livre, je ne le prêterai pas à ma petite maman, il est trop plombant, j'aime imaginer qu'elle restera chez elle. Je l'imagine très fort...

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Dans « Les gratitudes » Delphine de Vigan dépeint la vieillesse et la maladie sans pour autant alourdir l'atmosphère et sans excès de pathos. Ce roman plein d'humanisme raconte l'histoire d'une vieille femme atteinte d'aphasie (qui perd peu à peu l'usage de la parole) et qui vit ses dernières années dans un EHPAD. Elle est entourée de Marie, une jeune femme dont elle est très proche depuis de longues années, et qu'elle considère un peu comme sa fille et de Jérôme, jeune orthophoniste chargé de la suivre dans la maison de retraite.

La vieille dame, Michka, ne voudrait pas quitter le monde avant d'avoir la possibilité de retrouver un couple qui l'a recueillie et sauvée pendant la guerre, alors qu'elle était encore une petite fille, afin de lui témoigner sa reconnaissance. Son espoir est que Marie ou Jérome lui permette de dire « Merci » afin de partir sereinement…

Le récit, bien construit, est essentiellement constitué de dialogues et chaque personnage, par petites touches, prend la parole d'un chapitre à l'autre. Ces personnages sont simples, gentils et dévoués, et ont de beaux sentiments, tout comme l'auteur.

« C'est avec des beaux sentiments qu'on fait de la mauvaise littérature » a écrit André Gide dans une correspondance avec François Mauriac. C'est bien sur excessif ici, car même s'il ne s'agit pas de « grande » littérature, c'est bien écrit, parfois émouvant, dans un style sobre, simple et efficace.
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Un Delphine de Vigan comme je les aime: pas du dernier bateau , sans parfum de scandale, sans esbrouffe et même un peu en demi teinte.

Mais sensible, profond, grave.

Il y est question de vieillesse, de mots qui se dérobent et se perdent, d'autres qui se créent, parfois cocasses, entre souvenir et invention, qui tentent de faire pièce au silence et de dire, contre l'oubli, ce qu'on a à dire, malgré l'effacement de la mémoire, la trahison du langage, quitte à dévoiler l' effroi et maltraiter le dictionnaire..

Il y est question de lien. Celui entre une femme jeune qui va donner la vie et une femme âgée qui va bientôt la perdre. Celui entre un orthophoniste plein d'empathie et de souffrance tue et de sa patiente que les mots fuient mais qui entend les silences douloureux de son thérapeute.

C'est la fin de Michka. C'est la fin de ses mots. C'est drôle et c'est triste. C'est cruel et c'est tendre.

Un beau livre simple et fort qui m'a vraiment touchée.
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Michka, une vieille dame de 88 ans, qui, atteinte d'aphasie, a de plus en plus de mal à se rappeler les mots les plus simples du quotidien, entre dans un Ehpad. Son histoire est alternativement racontée par Marie, une jeune femme dont elle est très proche et par Jérôme, son orthophoniste. ● Le quotidien dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes n'est pas rose (mes deux parents et ma grand-mère y sont malheureusement passés…) et pourtant le livre de Delphine de Vigan, s'il est plein d'émotions, n'est pas triste. On sourit souvent, même aux mots que Michka utilise les uns à la place des autres. J'ai vu que certaines critiques reprochaient à l'auteure un abus de bons sentiments, mais je ne pense pas du tout que le livre soit gnangnan. Au contraire, la vie dans un Ehpad est très bien observée et les remarques sur les personnes âgées et sur la vieillesse souvent très pertinentes ; tout sonne juste. Si le style est simple, il est aussi beau et très agréable à lire. Ce livre a de vraies qualités littéraires que je ne comprends pas qu'on lui dénie. J'ai connu Delphine de Vigan par son livre Les Loyautés, et je n'ai pas été déçu par ma deuxième expérience, qui ne sera pas la dernière !
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