Je suis un lecteur fidèle de Delphine de Vigan, j'ai aimé la plupart de ces romans, j'ai même offert
No et moi à ma nièce, et l'ai aussi conseillé à mon fils comme lecture. J'ai débuté avec en 2012,
Les heures souterraines, puis pêle-mêle,
Les jolis garçons,
Un soir de Décembre, Rien de s'oppose à la nuit,
D'après une histoire vraie et Jour sans faim, mise à part
Les gratitudes je poursuis avec
Les loyautés publié en 2018. Il y a dans l'écriture de Delphine de Vigan, une forme de socialisation anthropique de notre société, une petite scène contemporaine figeant par une prosaïque simple, la brutalité sourde de la famille et de cette inertie des aléas de la vie et de ces incertitudes.
Les loyautésLes loyautés débutent par une définition personnelle du titre, ce petit passage est un concentré de la verve de l'auteur, ce nectar qui la caractérise, ce cru débute avec beaucoup force et de puissance.
Chaque chapitre donne la parole à quatre personnages du roman, qui porte leurs prénoms, Hélène, Théo, Cécile et Mathis, deux jeunes garçons proches de 13 ans, en classe de 5éme, leur professeur principal respectif et la mère de Mathis. A la première personne du singulier, le roman se raconte par le biais de ces quatre personnes, en entremêlant leurs pensées, nous plongeons dans l'abime de leurs sentiments propres et intimes. C'est la force de ce roman, cette parole quadriphonique, où s'entrechoquent à chacun les souvenirs, les faiblesses et les doutes, et les évènements aspirant chacun à l'autre.
Hélène, cette femme solitaire au passé traumatique d'un père violent, despotique, de sa faiblesse face à sa fille érudite, la brisant devant la roue de la fortune, l'humiliant, la frappant comme une moins que rien, étendant au sol, brisée par les coups pieds au ventre pour lui voler à jamais son rôle de mére utérine. Cette professeur, silencieuse sur la violence de son père, absence de justice, Hélène navigue dans les eaux troubles de ce non-dit, sa chair est le stigmate de ce désert de non procréation, son passé grignote ses humeurs lorsqu'elle voit celui-ci se poser sur une de ces élève comme Théo Lubin. La trame s'articule sur ses soupçons, le premier chapitre commence par cette phrase.
« J'ai pensé que le gamin était maltraité. »
Delphine de Vigan creuse les sillages des profondeurs de l'âme humaine et des cicatrices invisibles avec Hélène désirant de son passé sauver ce jeune Théo en proie à la séparation de ces parents, de leurs mutisme, le laissant prisonnier de leur silence. Mais le mal perçut peut en cacher un autre encore dangereux et sournois, dès le début du premier chapitre sur Léo, le mal est là dans les premiers mots.
« C'est une vague de chaleur qu'il ne sait pas décrire, qui brûle et embrase, à la fois une douleur et un réconfort… »
Ce garçon de douze et demi Théo se dédouble chaque semaine avec cette garde alternée, entre son père et sa mére se jouant une guerre froide et de mensonge d'orgueil. La rancoeur de la séparation, la mère de l'adolescent vit dans le déni de son ancien mari, forçant la purge de son fils à chaque retour de son fils en le forçant à prendre une douche et de mettre tout le linge à la machine à laver, c'est obsessionnelle, maladif, Théo ne doit pas avoir l'odeur du responsable de sa solitude, le père de Théo. Qui au fil des années coule lentement dans une déprime après les aléas de la vie, séparation de sa maitresse et licencié de son travail, Théo doit supporter encore les « ne le dis pas à ta maman », souffrant du poids de la déchéance de son père, l'appartement devenant un capharnaüm, le frigo vide, plus d'argent pour les sorties scolaire. La honte force le jeune collégien à ne pas donner l'adresse de son père, comme ses parents de dialogue plus, il chavire lentement dans l'alcool, pour cette sensation ultime de l'ivresse, celle effaçant ces acouphènes et libérant son corps du poids sourd de son mal être, c'est sa carapace, sans cette sensation, il devient cet enfant avec la peur au ventre. Il entraine dans sa chute son camarade Mathis, buvant ensemble au collège dans une cachette sous un escalier, mais sa mére est là qui rode.
Cécile la maman de Mathis, marié avec William, elle est issue d'une famille rurale, la fuyant lors d'une journée pluvieuse sur le bord d'une route, se faisant éduqué linguistiquement par son mari, elle consulte un psychologue sur son mal être, elle se parle à haute voix, deux elles cohabitent en elle et communiquent. Elle est une plante verte avec son mari, soumise, muette en société, elle s'imagine le couple comme consortium de petits arrangements, pour conclure par cette phrase.
« le couple est une association de malfaiteurs. »
Mathis est un garçon fragile, il fasciné par Théo, il boit avec lui pour tout autre raison, c'est une découverte et un jeu, il se souvient du manège et de l'étourdissement dans l'hélicoptère, c'est une recherche d'une sensation déjà vécue dans son enfance, petit à petit il s'éloigne de son ami, par sa mére, l'éloignant de Théo, le trouvant néfaste, ce sixième de mère, lui désire devenir vétérinaire, c'est pour lui un parcours initiatique le conduisant à agir par Loyauté.
Dans la spirale des tableaux que peint
Delphine de Vigan, tous ses personnages se percutent dans ce paysage orageux, vers un final à la trame dramatique. Cette destination finale est inéluctable…
Le roman se construit comme une tragédie Grec,
Delphine de Vigan se contente de suivre les mouvements de chacun comme la naissance d'un fleuve avec ses petits ruisseaux, mais l'ambition était trop pesante, le roman se fragilise d'un manque.
Lorsque j'ai fini le dernier mot de ce roman, j'ai cherché à savoir s'il y avait une suite, même si c'était l'objectif, je suis déçu de cette intrigue fainéante, j'avais même l'impression d'avoir lu un demi roman, juste subir un instantané de vies, nous laissant dans l'émotion…