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EAN : 9782757704943
208 pages
Editions du Patrimoine (19/05/2016)
4.75/5   2 notes
Résumé :
L'architecte Hector Guimard (1867-1942) est principalement connu comme l'auteur des célèbres entrées du métropolitain de Paris. Mais aussi du Castel Béranger (1898), immeuble au décor très novateur, point de départ d'une carrière placée sous le signe d'une originalité sans concession. Principalement créateur de maisons singulières, mais aussi d'édifices industriels ou d'habitation, de tombes et de pavillons d'expositions, il fut en outre un remarquable concepteur de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
HECTOR GUIMARD (1867-1942)
Un isolé surnommé « Bel Hector », sans qu'on sache par qui, tant ce personnage est secret. Logique, harmonie et sentiment sont son credo. « Référence peut-être, mais pas modèle, la trop grande complexité de ses réalisations empêchant toute velléité d'imitation », écrit Georges Vigne.

Il y a quelques années encore, je n'observais pas l'architecture des rues. Je passais sans admirer amplement tant d'oeuvres remarquables, toujours pressée. À quoi bon, si ce n'est pas et ne sera jamais ma maison, vu le peu que je gagne ! La maison où je loge ne me ressemble pas, parce que ce n'est pas la mienne non plus. Moi, j'habiterais bien au Castel Béranger, par exemple ! J'ai petit à petit rejeté ce sentiment « prolétaire » (ou est-ce ce sentiment qui m'a abandonnée doucement ?) et compris que la richesse est dans mon regard, elle n'est jamais dans le fait de posséder. Pas besoin de révolution ! J'ai commencé à vivre l'architecture comme je m'offre un bain de magnolias fleuris en marchant sans but ni contrainte. Tant pis si je ne ramasse plus de gros billets sur l'asphalte, mes yeux sollicités ailleurs, ma tête dans les nuages. Par contre, heureusement, rien ne m'a jamais interdit de contempler les peintures, les sculptures, parce qu'elles sont exemptes du côté purement utilitaire de l'architecture.
Dans mon enfance, mon père m'emmenait souvent dans des quartiers en construction d'Odessa. C'était là ses promenades culte. Les immeubles étaient standardisés et identiques, pareils à des boîtes d'allumettes d'une même marque et ayant d'ailleurs la forme de celles-ci. Ce n'est que dans la vieille ville qu'il y avait des bâtiments originaux. Mais nous y regardions d'innombrables oiseaux posés sur les grues de chantier : pourquoi ils aimaient tant se percher si haut, si entassés… Leur vacarme me revient en mémoire dès que j'y pense.

L'exposition monographique dédiée à Guimard en 1970 au Museum of Modern Art de New York est une bombe. Au-delà de l'artiste lui-même, c'est tout l'Art nouveau qui ressurgit au grand jour, ce style considéré jusqu'ici comme excessif, béotien et déliquescent et dont certaines productions sont même taxées de "nouilles".
Créateur singulier, Guimard tend à inventer une nouvelle architecture et presque refaçonner la vie en prévoyant tous les éléments des décors intérieurs de ses édifices. Il s'engage dans une recherche instinctive, où le geste du dessinateur se manifeste clairement, avec ses impulsions, sa souplesse et sa fraîcheur. Rapidement, ses fioritures et clins d'oeil s'accentuent. Très tôt, il veut convaincre de l'existence d'un « style Guimard » sans qu'on devine s'il le fait ingénument ou par le goût pour la provocation.
Que de bâtiments qui me plaisaient avant, par leur esthétique des lignes courbes, et entre lesquels je ne remarquais pas de lien, se sont révélés, grâce à ce livre, oeuvres de l'Art nouveau et précisément de Guimard : d'une petite école du Sacré-Coeur jusqu'à la Synagogue de la rue Pavée, dans le Marais ! L'ouvrage de Georges Vigne éclaire également dans la question pourquoi il y a tant de Guimard dans le 16ème arrondissement de Paris, là où le Castel Béranger m'a fascinée en premier, en coup de foudre, par sa porte, sa façade aux hippocampes et son vestibule étincelant.
La baroquerie de ce style est dans les arabesques de couleurs et les ornementations inspirés de la faune et de la flore. J'y trouve un parallèle au cubisme curvilinéaire de Picasso que j'aime. Comme quoi tout se tient, et rien n'est par hasard ! Après la Première Guerre mondiale, ce mouvement évolue vers un langage plus géométrique, caractéristique du mouvement Art déco (1910-1940).

On distingue quatre périodes dans l'oeuvre de Guimard :
1) 1889-1895 : le jeune architecte est sous l'influence de Viollet-le-Duc, mais aussi de Victor Horta (Belgique). Il se cherche. Il apprend à accorder une vive attention à la couleur, soit par l'origine même des matériaux, soit par l'utilisation de panneaux de céramique ou de vitraux.
2) 1896-1903 : c'est la période puissamment revendicatrice. Son Castel Béranger est considéré comme la première manifestation significative de l'architecture Art nouveau à Paris. Durant ces années, d'autres castels apparaissent en tant que « maisons de campagne », et surtout la maison Coilliot de Lille, un véritable chef-d'oeuvre, célèbre pour sa façade en lave émaillée verte. Guimard élabore aussi les fameuses entrées du métro parisien avec de jolies marquises vitrées !
3) 1904-1909 : dans cette phase, Guimard se dirige vers une plus grande simplicité formelle, la symétrie et l'élégance précieuse. L'hôtel Guimard, conçu pour le couple Guimard, au 122 avenue Mozart, est un manifeste ambitionnant d'éclipser l'excentrique Caste Béranger, rendu caduc par le besoin de l'architecte de décanter ses trouvailles.
4) le dernier Guimard, l'après-guerre, déroute par sa sobriété. Il reste fidèle à ses fontes, comme une signature ainsi qu'à ses enseignes, en lettres très spéciales, qui font bondir le coeur de ses fans. L'immeuble Guimard, au 18 rue Henri-Heine, 1928, est totalement différent des constructions précédentes. L'architecte y habite avec son épouse et s'en sert comme d'une nouvelle « image de marque », l'hôtel Guimard devenu à son tour obsolète. Il gagne le concours de façades de la Ville de Paris, trente ans après sa victoire avec le Castel Béranger !!! Cependant son passage dans l'Art déco est difficile et ne laissera pas suffisamment de sillage. Il n'a pas réussi à s'imposer dans l'architecture des années 1920.

Georges Vigne nous explique que Paris demeurait sous forme de quartiers très individualisés contrairement aux autres villes retentissantes, marquées par un seul architecte éminent, comme Gaudi à Barcelone. Les représentants d'Art nouveau à Paris qui rivalisent avec Guimard sont Jules Lavirotte (7ème arrondissement), Xavier Schoellkopf (11ème et 17ème arrondissements, Charles Plumet (quartier de Passy). Guimard, lui, était appliqué à Auteuil.
Que d'adresses à ne pas manquer donne l'auteur érudit de ce livre ! Par bonheur, c'est souvent dans le périmètre de mes marches hygiéniques ! Mais il y en a un peu partout dans la région parisienne et en France (dans le Calvados, dans le département de l'Aube). de quoi faire des pèlerinages à pied vers des petits châteaux de conte de fées pour ceux et celles qui aiment les gargouilles de la cathédrale Notre-Dame de Paris et le style néo-gothique qui a nourri l'Art nouveau !
On se demande en lisant ce livre, pourquoi certaines constructions ont été démolies précipitamment malgré leur élégance évidente, sauvée pour nous par les photographes et les collectionneurs de cartes postales. Décidément, que d'oeuvres détruites, c'est ahurissant ! Que de travail titanesque perdu sans qu'on parle de barbarie ! Est-ce plus facile de conserver un tableau, une symphonie ? L'homme anéantit les expressions d'architecture comme les arbres, quand bon lui semble, question d'espace vital...
L'invention perpétuelle de Guimard méprise la médiocrité de beaucoup de ses confrères. Si ses fantaisies dispendieuses attirent l'oeil des connaisseurs, son furieux désir de n'être comparé à aucun autre collègue, est fort mal reçu. Ses contemporains, les passants « profanes », comme toujours réfractaires à toute innovation, lui sont souvent hostiles. Mon coeur leur crie, à ceux d'hier et d'aujourd'hui : « Les passants, comment peut-on ne pas s'éclater à la perception de telles merveilles ? » Quoique même le grand Jean-Sébastien Bach a d'abord été totalement oublié ! … Personnellement, ce décor étrange, c'est exactement ce qu'il me faut pour m'inspirer. Que d'escapades en perspective en compagnie noble et privilégiée de Bel Hector ! Que c'est fantasque, que ça me parle, moi qui ne veux qu'être bouleversée ! Déjà embrasser un arbre est suspect, pourtant c'est plus ou moins faisable, mais étreindre un édifice ? C'est si vaste, c'est à se perdre dans une folie choisie ! Je suis partante !
Chers amis babelio, cette lecture vous sortira ! Vous serez fiers, comme moi, de sentir ce « style Guimard », malgré l'insuccès du terme, si jalousé du vivant de l'architecte. C'est souvent ovoïde, ondulé comme une mèche de cheveux. La lecture de l'ouvrage de Georges Vigne affinera davantage votre perception, vous allez détecter sans faute ces appuis de fenêtres et ces balcons en fer forgé typiques de Guimard !
J'ai encore une pensée à vous confier. Quand je lisais récemment la vie romancée de Botticelli par Sophie Chauveau, je me demandais de temps en temps : qu'est-ce qui est vrai là-dedans, mais c'était une lecture si exaltante que j'acceptais tout. Là, lisant l'ouvrage documentaire de Georges Vigne, très riche, je savais que tout y est vrai mais le côté émotionnel de l'« imaginaire », cette larme cathartique me manquaient. Les blonds veulent être bruns et les bruns veulent être blonds. Ô la nature humaine !

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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
C’est donc surtout dans l’ornement, et par extension dans l’objet, que Guimard a donné le meilleur de lui-même, avec une liberté absolue. Habile à concevoir une composition compliquée mais toujours harmonieuse, il usa de l’intérêt que lui inspirèrent toutes sortes de techniques pour inventer les éléments décoratifs nécessaires à ses maisons, mais aussi des vases, des cadres, des meubles. Sa curiosité alla jusqu’à dessiner les broderies des rideaux de l’hôtel Guimard, la robe de mariée de sa fiancée, sa propre canne en argent, quelques bijoux, et même une automobile !
[…] Dans les creux du dessin de Guimard, se cache le geste de l’artiste, son impétuosité, son énergie. Sa nervosité aussi. Sans aller jusqu’à affirmer que l’ornement guimardien permet de faire le portrait psychologique de son auteur, il est certain que sa pratique évolue d’une façon logique qui ne nous fait jamais oublier qui en est l’auteur. Son imagination, presque dénuée d’antécédents, est foncièrement personnelle. Et donc incomparable.
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La manière développée par Guimard au cours de ces années [1896-1903] peut être définie comme dynamique et effervescente, parfois non dénuée d’une certaine brutalité. On en voit la force vitale dans les meubles conçus à la même époque, extraordinairement inventifs, mais parfois inutilement compliqués. Si l’architecte put s’appuyer sur une clientèle convaincue, il n’est pas certain que son art ait été compris par beaucoup de ses contemporains ; les édicules du métro, qui suscitent étonnement, crainte, voire incompréhension, en sont les témoins.
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Il [Hector Guimard] se refusa à s’imposer comme le chef de file de la nouvelle architecture, préférant rester un novateur isolé. Il n’était pourtant pas misanthrope, aimant se montrer à des réceptions, des bals ou des conférences. Causeur spirituel et homme élégant, il savait vivre en société et s’y faire remarquer.
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