Ce portait d'une femme indépendante et qui donne envie de lancer des projets est un vrai coup de fouet. Elle ne s'est rien interdit. En perpétuelle réinvention, elle ne s'est pas laissée enfermer dans une case.
« Je ne suis pas architecte, surtout pas designeuse, je suis une inventeuse. Pour tout vous dire j'ai du mal à me définir. Si on me demande ce que je suis, je ne sais pas répondre…une femme de l'art peut-être, mais je n'en sais rien ».
Engagée dans l'équipe de le Corbusier pour s'occuper de la partie intérieure et mobilier, dédaignée par ce dernier, elle ne restera pas à la place à laquelle on l'avait assignée. Son nom disparaitra de nombreuses créations issues de cet atelier auxquelles elle participe avec un rôle plus que proéminent, comme celui de Pierre Jeanneret, puisqu'elle en avait dessiné les plans comme pour la fameuse La chaise longue basculante. Leurs noms apparaitra d'abord par ordre d'importance, donc le sien, puis par ordre alphabétique jusqu'à être totalement effacé au profit de le Corbusier. Mais elle n'en gardera pas ombrage, c'est une femme qui va de l'avant, aime participer aux projet de groupes et ne retient que le meilleur de son expérience chez
Le Corbusier. Elle n'était pas en recherche de reconnaissance. Elle souhaitait oeuvrer pour le bien commun jusqu'à s'oublier parfois.
Charlotte Perriand a de multiples talents, le livre contient des photos saisissantes en majorité prises par elle. Elle portait un regard aiguisé sur le monde qui l'entourait et passait de longues semaines d'observation sur les lieux avant de se lancer dans l'exécution de projets comme par exemple en montagne ou au Japon. Elle prenait le temps d'observer la nature environnante, les espaces, avant de créer. Pour elle il y a une nécessite d'harmonie entre l'intérieur et l'extérieur, tout est lié, on est proche du taoïsme.
Toujours en pleine communion avec la nature, pour un projet à Méribel, elle associera les artisans de la région pour qu'ils ne quittent pas les lieux et pour créer un espace en harmonie la nature. On était bien avant la folie des grandeurs des stations de ski…
Ce sont ces mêmes principes qui seront appliquées pour répondre à l'appel à d'offre qu'elle remportera pour les Arcs.
Ce fut aussi une humaniste. Engagée politiquement elle dénonça notamment dans des installations l'insalubrité de quartiers parisiens, dans ses propositions de projets elle prit en compte la situation des SDF qui se raccrochaient à leur baluchons et aménagea un espace pour qu'ils l'aient à portée de leur main dans leur lit, elle fera réaliser des fresques pédagogiques pour les femmes avec des enfants à la Cité de refuge de l'armée du salut...
Sa 1ère création fut un « bar sous le toit », elle décloisonna les espaces avec une cuisine ouverte…pour elle le beau n'était pas antinomique de l‘utile. Elle a poussé son indépendance jusque dans ses créations et a mené une existence libre en s'affranchissant des règles imposés.
Talentueuse pour saisir la vie à bout de bras, on la suit au Japon, en Russie dans les montagnes…Un parcours qui donne le tournis et donne l'impression de ne vivre sa propre vie qu'à moitié, un vrai modèle !