Le Dernier revival d'Opal & Nev

Le lecteur se rendra bientôt compte que, dans le Dernier Revival d'Opal et Nev, la fiction commence dès la « Note de l'éditrice ». S. Sonny Shelton (S. Sonny Curtis plus tard, SarahLena de son vrai prénom) annonce l'histoire « aussi proche de la vérité » que possible du mythique duo formé dans les années 70 par Opal Jewel et Neville Charles, une Noire américaine flamboyante et un « Anglais blanc un peu gauche ». Nous savons, dès le tout début du roman, qu'Opal était la maîtresse d'un batteur très talentueux, Jimmy Curtis, dont Sunny est la fille. Après la mort du musicien dans une émeute raciste, comprend le lecteur, c'est Opal qui financera ses études et s'attachera à suivre pas à pas sa carrière. C'est elle aussi qui suggère à Sonny, première rédactrice noire d'un magazine musical important, d'enquêter sur le duo et sur les évènements immortalisés par une inoubliable photo, pour en faire un livre qui devrait profiter d'une énorme publicité. En effet, Opal confie un scoop à Sonny : à l'été 2016 doit avoir lieu une « tournée revival » alors qu'Opal n'est pas remonté sur une scène depuis plus de 25 ans. Voici donc l'enquête sur ce légendaire duo rock dont l'histoire est racontée ici par ceux qui les ont côtoyés de près ou de loin.
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Dans le premier chapitre apparaissent trois narrateurs différents qui s'expriment tous à la première personne sur ce qu'ils ont vécu et sur ce dont ils ont été les témoins. Ils racontent les événements tels qu'ils les ont vus et perçus, sans se concerter. Chacun donne donc sa propre version des faits, sa vision personnelle qui vient parfois en contradiction avec celle d'un des autres protagonistes. Tous les chapitres du livre seront construits de la même manière : plusieurs narrateurs, chacun livrant à Sonny ce qui s'est passé pour ce qu'il en sait ou ce qu'il en pense. J'ai beaucoup aimé ces prises de paroles successives, ces entretiens qui mènent petit à petit à se forger une opinion sur les gens et les événements. Pour ma part, j'ai trouvé le personnage d'Opal particulièrement intéressant. Dès avant les années 70, elle se bat contre le racisme, contre la discrimination envers les femmes, qui semble plus forte et plus brutale encore envers les femmes noires. Elle ne cesse au fil du temps de lutter selon les moyens dont elle dispose, malgré les revers de fortune et les malentendus. Elle se montre parfois obtuse, naïve, têtue, mais toujours généreuse et entière. Nev n'est pas aussi complexe et on découvrira peu à peu certaines facettes bien peu plaisantes de son caractère. Pourtant, celle qui m'a touchée le plus, c'est Sonny, SarahLena, avec ses doutes, ses déboires, ses victoires et la manière dont elle réussit à orchestrer son enquête malgré sa très forte implication personnelle et les terribles révélations qu'elle subit. Elle est toujours en filigrane, sauf dans la note de l'éditrice, les parties en italique, les notes de bas de page et dans la troisième partie du roman où c'est généralement elle qui s'exprime. Ses combats nous laissent percevoir que la bataille est bien loin d'être gagnée. Dawnie Walton connaît apparemment particulièrement bien la musique et le milieu musical. Elle nous en donne une image réaliste, je crois, tant sur l'incompétence de certains producteurs que sur les intrigues entre musiciens, les déceptions, les joies et les plaisirs que les artistes éprouvent comme les drames qu'ils vivent. J'ai trouvé passionnant ce premier roman qui souffre malgré tout de quelques longueurs.

[Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices Elle 2024]

Nous sommes en 2016, aux États-Unis; le duo de rock mythique des années 70, Opal et Nev, donne un concert 45 ans après le dernier et après une carrière en solo de chacun d'entre eux. Opal est une Noire de Detroit, que la colère et la révolte sur la façon dont les Noirs et plus particulièrement les femmes noires sont traités n'ont jamais quittée; Nev, est un Anglais blanc, venu faire de la musique aux États-Unis et qui a toujours rêvé de gloire. A cette occasion, Sunny, première rédactrice noire d'un magazine musical, fille d'un batteur célèbre, assassiné alors qu'il défendait Opal dans un concert qui a viré au drame, décide de faire un livre sur leur parcours et interroge tous ceux et celles qui les ont côtoyés depuis leur rencontre en 1970.
Le roman est construit autour de ces entretiens, comme une enquête; l'auteure intègre ses personnages dans la vraie scène musicale de l'époque, les mêlant à des évènements et à des personnes réels, rendant son propos très réaliste par des notes de bas de page. Nous sommes également immergés dans les États-Unis, des années 60 à 2016, avec leur situation politique, sociale, culturelle : émeutes raciales, Watergate, enlèvement de Patti Hearst.... C'est un roman engagé et militant, comme l'est le personnage d'Opal qui traite de thèmes très importants comme le racisme, le sexisme, la césure dans la société américaine, le caractère explosif de symboles politiques comme le drapeau confédéré du Sud ségrégationniste qui est ressenti comme une injure par les Noirs.
Le roman nous fait découvrir le monde de l'industrie musicale avec ses gros sous, la recherche de stars, les coulisses pas toujours reluisantes et le processus de création musicale.
Ce primo-roman est original tant par ses personnages, par le milieu dans lequel ils évoluent que par la façon dont il est construit comme une succession d'entretiens qui offrent des points de vue différents sur les évènements et les personnes; l'écriture est trépidante, nerveuse comme l'est la musique d'Opal et Nev; le style parlé et très visuel nous plonge au milieu des personnages. Il y a des moments où on est presque persuadé que les deux musiciens ont réellement existé.
Cependant, malgré toutes ces qualités, je n'ai pas été totalement séduite et emportée par ce roman ; sa mise en route est très lente, trop longue (environ 70 à 80 pages); le luxe de détails sur les tâtonnements musicaux de Nev, sur le milieu musical, sur les difficultés de la maison de disques, confère certes un grand réalisme au roman mais ont provoqué chez moi un certain ennui.
Je ne manquerai pas de suivre l'actualité littéraire de cette auteure très prometteuse.

"Le Dernier Revival d'Opel & Nev nous plonge dans une aventure rock'n'roll plus vraie que nature.", nous dit la quatrième de couverture. On ne pourrait dire mieux. C'est tellement plus vrai que nature que j'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'une biographie documentée d'un duo ayant vraiment existé ! Mais, j'ai eu beau cherché, je n'ai jamais rien trouvé sur Opal Jewel et Nev Charles. Pour la simple et bonne raison qu'ils sortent tout simplement de l'imagination de Dawnie Walton, l'auteure de ce roman.

Il faut dire aussi que la narration de ce roman est particulière. Roman polyphonique donnant la parole à différents protagonistes témoins de cette histoire et plus particulièrement à Opal Jewel, chanteuse afro punk au caractère survolté et au look d'enfer, cet ouvrage semble tout droit venu d'une enquête journalistique mêlant habilement fiction et personnages réels.

En dehors de cette narration particulière, c'est surtout le personnage d'Opal Jewel qui m'a vraiment séduite. Opal est une femme incroyable qui tient à la fois de Grace Jones et de Tina Turner. On imagine quel duo détonnant elle formait avec Nev, qui, lui, me fait plutôt penser à un mélange de Kurt Cobain et d' Ed Sheeran. Je regrette de ne pas les voir sur scène pour de vrai !

Ce roman est une ode à la musique, certes, mais c'est aussi un roman qui traite de sujets actuels comme le féminisme et le racisme. À travers les combats d'Opal et ceux de la rédactrice en chef, Sunny , l'auteure démontre à quel point il peut être difficile de trouver sa place et la notoriété lorsqu'on est une femme, noire de surcroît.

Pour finir, je remercie Babelio et les éditions Zulma pour l'envoi de ce livre.
Ce fut une belle découverte. Très rock'n'roll et pleine d'émotions !

Entretiens.

Sunny S. Shelton tient un scoop: le mythique duo Opal & Nev se reforme pour un ultime concert. Ces figures ont marqué durablement l'année 1970 après un concert fracassant.

Ce premier roman brille par sa forme audacieuse. Dawnie Walton a créé un duo de rock fictif dans les années 1970. La narration prend la forme d'un livre d'entretien qui doit être publié à l'occasion de la reformation du duo pour un unique concert en 2016. Ce travail est mené par Sunny première rédactrice en chef noire d'un prestigieux magazine musical.

Outre l'aspect musical, l'intrigue se concentre sur les inégalités aux Etats-Unis, plus particulièrement sur le sort des personnes noires. En filigrane se dessine l'apport des negro spirituals à la musique rock. Cet héritage a été spolié par les blancs.

Le personnage d'Opal est intéressant à plusieurs titre. C'est une femme noire qui ne rentre pas dans les canons de beauté. Elle est chauve. Mais sa révolte lui permet d'avancer. Piètre chanteuse, elle se démarque toutefois par sa présence sur scène. Sa rencontre avec Nev, britannique blanc, va faire décoller sa carrière.

Si Nev reste policé et consensuel, Opal quant à elle va se faire le porte voix des noirs américains. Peu à peu l'expression de sa révolte va faire d'elle un modèle, une icône pour toute une génération. Mais cette franchise contribuera à son exclusion progressive du milieu musical. Quant à Nev, il deviendra un chanteur à succès.

Si les personnages sont bien construits, l'intrigue au contraire souffre de longueurs. La forme qui fait la force de ce roman, s'avère être également sa plus grande faiblesse. En effet, si les interview apportent une touche de fraîcheur, ces derniers entraînent néanmoins des longueurs et des redondances dans l'intrigue. Celle-ci est très longue à démarrer et fait du surplace par moment.

Bref, un premier roman audacieux par la forme mais qui souffre d'un rythme lent.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices ELLE 2024.

Dawnie Walton imagine dans ce roman polyphonique très dense la brève vie et la mort d'un duo de rock fictif dans les années 70, Opal et Nev.
Opal est une jeune femme noire chétive, chauve, aux performances vocales moyennes mais dotée d'un tempérament volcanique et d'un charisme redoutable. Nev est chanteur-compositeur, anglais, blanc et roux. Son manager pense qu'il n'est pas prêt pour mener une carrière solo et lui suggère de s'associer avec une chanteuse. Il choisit Opal. "C'était une exclue, elle venait d'une autre planète. Elle était la différence dont j'avais besoin."
Avec son ami et styliste Virgil Lafleur, Opal crée une diva au look improbable, dont son producteur dira :" On dirait des vacances sur Mars".

Alors que le duo commence à trouver sa place au sein d'une scène créative flamboyante et funky, un groupe rival  brandit un drapeau confédéré lors d'un concert commun. La protestation courageuse d'Opal et la violence qui s'ensuit déclenchent une série d'événements qui non seulement changeront sa vie, mais aussi causeront la mort de son amant et nous montreront que les répercussions sont toujours plus dures pour les femmes, en particulier les femmes noires, qui osent s'exprimer librement.
Dans cette industrie, constituée pour l'essentiel d'hommes blancs, Opal apparaît rapidement comme une figure révolutionnaire et une icône noire et féministe.
Elle va donc cristalliser à la fois les commentaires racistes et sexistes les plus abjects et un culte un peu distant puisqu'elle n'occupe plus la scène médiatique. Mais une photo a immortalisé la colère d'Opal et cette photo mythique participera à la postérité de la chanteuse.
Alors que sa carrière musicale est arrêtée, l'auteure nous permet de comprendre l'influence culturelle de certains musiciens et le rôle d'une iconographie qui demeure vivace alors même que les musiciens ont quitté la scène.

Ces voyages dans le passé et le présent ont été induits par une jeune journaliste Sunny Curtis. Première rédactrice en chef noire d'un magazine musical, Sunny veut écrire sur la carrière d'Opal qui la fascine d'autant plus que son père était son musicien et son amant et qu'il a été tué lors du terrible concert. Elle a également un scoop à révéler puisque le duo envisage de se reformer en 2016 pour une nouvelle tournée après des années de séparation.
Son enquête, sous la forme orale d'interviews plus ou moins longs, lui permet de rencontrer une multitude de personnages, de la guichetière anonyme aux grandes stars du rock.
C'est aussi pour Dawnie Walton l'occasion d'affûter sa plume et de prouver son talent en attribuant à chacun des personnages une manière de s'exprimer parfaitement cohérente.

Cette biographie fictionnelle est une réussite absolue, tant l'ensemble paraît authentique et les personnages incarnés. L'auteure a utilisé dans son roman des procédés du discours historique. Elle emploie le plus souvent la focalisation externe, et tout un système paratextuel de notes infrapaginales qui font référence à des sources utiles à la vérification des données. Ces notes de bas de page sont rédigées avec cette meticulosite et cette précision à laquelle un lecteur exigeant peut prétendre.
Loin d'être pesant ou ennuyeux, cet assemblage d'entretiens fictifs, de notes, de transcriptions d'émissions-débats, de lettres et de notes de l'éditeur-narratrice fonctionne parfaitement.
Pour accentuer la crédibilité de ses personnages, l'auteure parseme son roman de repères spatio-temporels historiques et de personnalités emblématiques.  Lou Reed et Santana assistent aux concerts d'Opal et Nev , ils se produisent comme David Bowie au Dick Cavett Show, et des groupes comme Rage Against the Machine les considèrent comme des précurseurs.

Et puis dans ce voyage des années 70 jusqu'en 2017, un constat terrifiant : la persistance du racisme envers les Afro-américains, la répétition des violences policières, le sexisme qui continue à bafouer la dignité des femmes.
Et l'élection honteuse de Trump.
Note de bas de page : " Elle a embauché Jamilah Read pour gérer ses pages Twitter et Instagram, @RealOpalJewel, sur lesquelles, le jour de l'investiture du président, elle a demandé à Jamilah de poster une photo de poulets aux plumes orangées massées sur leur perchoir."