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EAN : 9782493339003
338 pages
Éditions Les Féaux (25/08/2021)
4.69/5   8 notes
Résumé :
Depuis qu’une guerre a opposé les hommes et les robots, la vie renaît lentement sous les seize Cités d’Ark, conçues pour que la Terre polluée redevienne respirable. La Coupole et l’Aiguille protègent les habitants qui mènent leur existence selon les règles immuables d’un plan tracé par le Professeur Malcolm, père des Cités.
Mais le Programme prévoit la réintroduction d’une créature qu’on croyait faite pour la destruction de l’humanité. C’est pourquoi, dans l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Ce livre veut aider à faire comprendre ce que c'est que d'être un homme. Pour y parvenir, l'auteur adopte la forme d'un roman de science-fiction. Et c'est réussi, car ni l'essai ni le roman ne prennent le pas l'un sur l'autre. le roman tient ses promesses, il s'agit bien de S.-F. Qu'est-ce qu'être un homme est abordé, creusé, dans ce tome 1. Si le tome 1 est une adolescence, que sera le tome 2, la maturité venant ?

Impossible de ne pas penser à Rimbaud... le tome 2 sera-t-il l'Abyssinie du poète ou Nietzsche guidera-t-il les pas du héros vers des hauteurs impensées ?

Une foule de réminiscences cinématographiques viennent dès le début de la lecture. Terminator... La saga de George Lucas avec sa Guerre des étoiles... La Volante pour l'Étoile noire... Les cyborgs... La guerre entre machines et humains... Et puis, toutes les citations en tête de chapitre étant d'Asimov, j'ai craint que nombre d'allusions, hommages, références ne m'échappent, à cause de ma culture parcellaire en matière de S.-F.

J'ai vu, notamment, (parce que j'ai cherché) que « Robbie » était le titre d'une nouvelle d'Asimov dans laquelle un robot sauvait la vie d'un humain parce que c'était dans son code de le faire. J'ai retrouvé un parallèle ou un symétrique — au lecteur de juger de la géométrie — dans une scène inattendue avec un « Passeur ».

Le bras de la Volante renvoie à cette séquence mythique de la Guerre des Mondes, ces tentacules inquisiteurs. Combien d'autres clins d'oeil ? Je ne sais. La S.-F. a ses grands auteurs, c'est un genre que je ne connais qu'un peu. Ma lecture n'en a pas été gênée, un néophyte se laisse embarquer dans le récit, un expert noterait les références et paradoxes du genre. Chacun trouve sa pitance. le suspense est gradué. Des indices sont graduellement semés pour que le lecteur s'interroge, mais le mystère tient jusqu'au terme du tome 1. le comportement des Arkéens interroge. Que cachent Linda ? David ? Susan ? Quels sont ces rêves qui gagnent cette dernière ? Qui est le plus humain, le moins, l'ami, l'ennemi ? Qui sert qui et qui dessert qui ?

ArkOne et Asimov.
L'écrivain américano-russe est là, un peu partout. Sa présence n'est pas cachée, elle est revendiquée. Où n'est-il pas ? Il faudrait aller le lire pour s'en faire une idée. La curiosité naît. le livre donne envie d'aller voir plus loin, d'aller aux sources de la création de l'auteur, de voir en quoi il diffère et en quoi il est l'enfant de son modèle, ici Asimov. En quoi il le dépasse et en quoi il l'égale.

ArkOne et Nietzsche.
Un jour, Robbie se voit offrir Ecce Homo  et ses yeux s'ouvrent plus grand.
Deuxième auteur que le livre donne envie de découvrir. Qu'y a-t-il donc dans Ecce Homo qui bouleverse ainsi le destin du personnage? Henry War, dans d'autres ouvrages qu'une requête sur le net permet de découvrir, ne cache pas l'émoi dans lequel le plonge le philosophe. À tous les coups, j'aurai mal choisi le mot « émoi », j'espère que War ne va pas me déclarer la guerre pour cela.

ArkOne et Henry War.
Le troisième auteur pour lequel ce roman excite la curiosité sera finalement Henry War lui-même. le contraire aurait été étonnant.
War, donc, pour la suite du roman — s'il y en a une —, car le tome 1 s'achève sur une énigme porteuse d'espoir qui pourrait aussi bien être une fin. D'ailleurs, c'est un pari de faire un tome 2 quand la fin du tome précédent contient déjà en elle une foule de possibles que le lecteur a tout le temps d'imaginer en attendant la livraison de la suite.
Pour le tome 2, donc, mais aussi pour ses autres oeuvres, car des thématiques découvertes ailleurs dans d'autres tires (La Fortune des Norsmith 1 & 2, Anomalies de l'Espace et du Temps) font s'interroger. Les rapports fils/mère, fils/père, homme/femme...

La langue.
La langue utilisée par l'auteur pour la narration est bien celle d'Henry War, ce n'est pas une langue créée pour ce roman, c'est celle des autres livres du même que j'ai déjà lus. J'ai retrouvé un vocabulaire riche et précis, des mots ressuscités d'autres forgés de neuf. Je ne dis pas lesquels, ce qui est rare pour moi est peut-être du tout-venant pour un autre. Peut-être mettrais-je un petit bémol personnel pour quelques tournures archaïsantes (nous l'allons voir) qui titillent mon cartésianisme mais c'est peu de chose au regard de pages entières de narration captivantes qui en sont dépourvues, de pages entières inspirées, lyriques qui entraînent dans les tourments d'une âme. À voir si War, comme Flaubert avec son salammbô, a chié des catapultes en écrivant. Lui seul pourra dire s'il a ressenti la « maladie noire ». Il excelle à montrer la souffrance (les souffrances) du personnage central, mais celle de l'auteur qui la raconte ? La langue, là, est envoûtante. Il y a des pages enflammées, enfiévrées, poétiques, précieuses, inventives. Ces pages-là, je les trouve vraies. Éprouvées. En fait, je l'ai plus que lu, ce livre, je l'ai habité pendant plusieurs jours et, revanche, après la lecture, c'est lui qui m'habite encore,

Le narrateur.
Je me suis demandé qui était le narrateur, sans pouvoir trancher. Il est proche du personnage qu'il anime, ne connaissant souvent pas plus que lui le monde où le personnage évolue et parfois c'est un Français du XXe siècle. Quand des comparaisons viennent au narrateur, parfois, il a l'intelligence de nous dire que ce sont des références que Robbie doit à ses lectures (le roman dit la difficulté de se procurer des livres), afin que l'on comprenne bien que le narrateur ne sait du monde que ce que Robbie en connaît, mais pas toujours... (par exemple, il en faut bien un, le fonctionnement du moteur à explosion ? Robbie avait-il donc lu un ouvrage de mécanique expliquant les mystères du procédé avant de monter sur le buggy ?) parfois, lisant, je me suis demandé d'où le narrateur tirait ses connaissances. Pas de la Cité. D'ailleurs.

J'ai fini par me convaincre que c'était peut-être David (ouvrons le livre pour savoir qui est David !) le narrateur, ou un clone du même, et cela m'a rassuré : un être composite, doué de la mémoire d'avant la Guerre, fait de rouages de précision, de peau et de chair, de ligaments, d'huile, de sang, de neurones, de terres rares, une belle mécanique lubrifiée recouverte d'un vieux pantalon sale et déchiré, le père de tous : Arkéens, Uhmuns, Robbie.

Après tout, on découvre que des gènes qu'on croyait là étaient ici, pourquoi pas dans les veines du narrateur ? le portrait qu'Henry War dresse du professeur Malcolm — celui d'Asimov ou un autre—, quand Robbie et lui gagnent un repaire dans le désert permet de faire un pont entre David et l'écriture. David est composite, l'écriture l'est aussi. C'est ainsi qu'on doit la prendre (ou qu'on la doit prendre ?).

Pour conclure, ce que j'en aime le plus de ce tome 1, c'est ce qu'il laisse comprendre de l'auteur, c'est que c'est un morceau supplémentaire de son travail, c'est que chaque ouvrage ouvre une fenêtre sur son univers et que chacun apporte plus de questions que de réponses.
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Un lecteur peut beaucoup exiger d'ArkOne – en complexité narrative, en apport philosophique, en subtilité psychologique ou en belle poésie –, car il recevra toujours, par l'éveil graduel de son esprit, une matière satisfaisante qui répondra à ses attentes, et même, les dépassera. Un lecteur peut beaucoup exiger d'ArkOne, à l'exception d'une chose qu'il n'y trouvera jamais – la facilité. Il n'y a pas de chapitre, dans ArkOne, qui soit plus négligé qu'un autre, où la négligence serait un relâchement, un écart d'innocuité propice à la dérive indolente du lecteur, un début de péripétie divertissante et banale. Il n'y est pas d'anodin : on n'y lit pas pour « passer » une scène ou pour expédier un épisode émotionnel nécessaire à la suite. D'ailleurs, on n'y lit pas comme on a l'habitude de lire, souvent, au point qu'on doute qu'il puisse exister un pareil récit derrière cette couverture nette et sobre, tant c'est un livre qui ne ressemble pas aux autres.

Pourtant, ArkOne n'impose pas de difficultés spécieuses susceptibles de sélectionner d'emblée un unique profil de lecteurs : chacun y puise un contenu à sa mesure, selon qu'il est plus ou moins prêt à certaines réalisations sur lui-même et sur le monde, selon ce qu'il se sent l'audace d'intégrer à sa première lecture, sans pour autant perdre l'intérêt du récit qui comporte bien des dimensions d'analyse et des enseignements. Quelques-uns se plongeront aussitôt, dès l'ouverture du roman, dans un enchaînement fluide et accaparant de mystères à résoudre, de rebondissements qu'on essaie d'anticiper, de véraces tourments intérieurs et de beautés contemplatives. Ceux-ci liront sans gêne, glisseront aisément sur les mots, de pages en pages, appréciant ci et là, par touches constantes, une formule dont la justesse les émouvra durablement, une succession de sonorités délicates et savamment agencées, jusqu'à se soucier sincèrement du sort de Robbie et de Susan, et du formidable dénouement de la cité d'ArkOne. D'autres ne se contenteront pas de ce simple passage des yeux sur les phrases – il voudront, en plus de l'agréable, démêler la profondeur exacte du récit, s'attarder sur le sens des mots et révéler entièrement sa portée, car ils se seront aperçus que l'auteur leur pose, presque à chacune de ses expressions nouvelles, le défi d'en comprendre véritablement l'entière intention, sachant que tout y est accessible après quelque effort de réflexion, rien n'y est placé hors d'atteinte. C'est ainsi qu'un lecteur très minutieux et appliqué peut, très vite, tout augurer d'ArkOne, s'il « étudie » avec lenteur, parfois plusieurs fois, pour ne rien manquer de la multitude d'indices et de nuances qui s'y disséminent, et ainsi saisir l'amplitude de chaque proposition qui n'est jamais qu'un seul effet de style.

Aussi, ArkOne n'est pas seulement d'une beauté cadencée, quasi versifiée, comme un objet qu'on ne ferait que contempler : elle est une invite à une certaine complexité de figuration et de pensée. On n'y trouve pas que des mots qui sonnent « bien », pas que des envolées lyriques, mais le souci premier d'y transmettre une juste idée, à ce point exacerbé et poursuivi qu'il se manifeste en longues déclinaisons de métaphores et d'impressions proches – « comme », « comme si » – qui explorent chaque abord possible et ne sacrifient à aucun blanc, nul non dit, cherchant avant tout la traduction précise et exhaustive de ce qu'elles ambitionnaient d'exprimer. Parfois, le sens usuel des mots n'y suffit pas, et il y faut une licence supplémentaire que l'auteur s'approprie au service de son idée, plus large, moins évidente pour un lecteur habitué aux évocations stéréotypées, que son « mentor » n'abandonne pourtant jamais sans les outils nécessaires à sa compréhension. Tout cela est un rythme et une ampleur, mais est également une lourdeur, et quelque fois, quand on ne laisse rien « passer », un labeur de lecture : c'est précisément que ce qui est dit là, plus loin, dit toujours « autre chose », par degrés progressifs, mais aussi par insistances – rien n'est entamé qui ne serait pas ensuite fini, exploité jusqu'au bout, rien n'est une rêvasserie confortable qu'on laisserait ensuite joliment planer, sans solide conclusion.

Il n'y a pas de banalité dans ArkOne – ou du moins, la banalité y revêt la forme d'un récit sensible et dense, qui incarnerait autre part, dans une oeuvre moins aboutie, l'apogée d'un style, tandis que les phrases les plus fulgurantes y sont d'une pertinence et d'un effet proprement stupéfiants. Les scènes classiques d'un roman de science-fiction y sont entièrement revisitées, si bien que les dialogues et les actes les plus familiers ne semblent jamais avoir été décrits, auparavant, semblablement que dans ArkOne. Notamment, il s'y trouve tout un symbolisme singulier, qui l'éloigne des récits ordinaires : un chapitre est une petite oeuvre à part entière, individuelle, pièce autonome et distincte qui participe par une révélation inédite à l'ensemble du récit, tout en constituant une sorte de « fin » en elle-même. le lecteur est tenté, à l'issue d'un tel chapitre, de ne pas tourner immédiatement la page, le temps d'intégrer pleinement cette nouvelle perspective, peut-être de méditer un peu sur ce morceau de réflexion qui appelle à une pause pensive autant qu'à un suspense et une immersion. Les titres des chapitres eux-mêmes annoncent une scène symbolique, qui synthétise une étape psychologique ou le sursaut d'un acte titanesque, fondation d'un genre de mythologie « warienne » – non pas que les scènes d'action y soient abondantes et ridiculement « mythiques », car elle sont en vérité rares et d'une sobriété réaliste, sans ressorts ou exagérations invraisemblables, mais les nombreuses introspections consistent à chaque fois en une grande et flagrante révolution tant à l'endroit des personnages que du lecteur qui s'en édifie, initiatiques.

Un personnage, Susan. Susan est extraordinaire, ou plutôt, extraordinairement femme. Elle n'éclipse pas la complexité narrative, les indices savants, la profondeur du style, les autres personnages tels Robbie lui-même, le Dr. Calvin ou le Général Harper, mais elle est à elle seule une réussite d'exactitude – des mots faits « femme ». Elle est l'âme du récit. Parfois, elle semble plus humaine que nous-mêmes, elle nous « autorise », nous « permet », nous « ouvre » de nouvelles perspectives psychologiques, encore jamais expérimentées. Elle paraît, au départ, le seul appui « sympathique » – entendre ici, qui fait écho en nous – d'un récit qui rend par ailleurs une tonalité irréelle et aberrante, trop épurée, immaculée, loin de l'ambiance rassurante d'un ouvrage commun où se discerne une agitation « humaine », échanges badins, schémas familiaux, descriptions prosaïques de fonctionnalités et d'activités. Tout un espace y est vacant, vide d'images amicales – il y manque les fondements d'une société normale, la sophistication artificielle de tout ce qui a rapport avec les hommes. On ne sait pourquoi, on le devine néanmoins, on le soupçonne en loin, et puis on doit tout remettre en doute, alors qu'on pensait avoir tout compris – Susan, vraiment, est différente, et puis Robbie l'est encore différemment, mais… Et ainsi de suite, on n'ignore tour à tour de quoi chacun est fait, on s'interroge et on vacille, jusqu'au verdict final. Alors, on veut chercher dans les indices antérieurs la confirmation de nos premiers soupçons, sans réussir à les situer précisément, tant ils sont multiples et nombreux – à la fin, on souhaite même relire le tout, parce que cette seconde lecture sera encore meilleure, augmentée de ce qu'on aura déjà assimilé et qui nous fait comme un vertige et un questionnement dont on ne peut immédiatement se défaire. On a été soufflé du dénouement, malgré nous, parce qu'il se mêlait encore trop étroitement dans nos esprits les concepts d'homme et de robot, et qu'on avait pas bien saisi le gouffre qui les séparait, et le robot dans l'homme, et l'homme dans le robot. On est surpris, enfin, d'avoir gagné ainsi en matière, en complexité, car le récit est d'une évidente gradation de style et de sens, et il n'y est pas de facilité quant au « mal » à discerner et au « bien » à célébrer, chaque idéal, chaque aspiration, après avoir été longuement dépeints, s'y voyant jetés à bas, jusqu'au triomphe du tout dernier – mais là encore, est-ce vraiment un triomphe, ou bien la suite, un potentiel tome deux, renversera nos certitudes et stimulera une fois de plus notre profondeur et nos capacités de raisonnement ?
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Peut-on, quand on a l'exigence de la fiction qui éclaire, interroge et édifie, se sentir subjuguée et fascinée par un roman de science-fiction ? J'aurais dit que non, à priori. J'avais tort. On ne peut lire ArkOne sans ressentir ce terrible et salvateur vertige, cette pensée tenace et lucide que l'homme a pour devoir, pour sa fierté, de devenir un individu, un être émancipé et autonome, un esprit libre qui se doit, pour lui-même et pour faire honneur à sa nature d'homme, de ne pas se conformer au commun et à la masse qui a cessé de réfléchir de manière individuelle.
Qu'est-ce que Robbie ? Un être crée dans un laboratoire, éduqué par une seule femme, Susan, et nourri de livres et de leçons sur la cité ArkOne.
ArkOne, lieu parfait en tous points, cité utopique, pensée par un homme supérieurement intelligent, le Professeur Malcolm. Citée entretenue par ses habitants et dirigés par son haut conseil. Tout dans ce beau lieu a son utilité, de la coupole à l'aiguille, comme l'a voulu et pensé Malcom. Et ses habitants honorent sa mémoire tandis que ses dirigeants s'évertuent à réaliser son « programme ». ArkOne, cité refuge construite après une guerre terrible entre les robots et les humains, censée protéger ses habitants et leur offrir une vie sereine et loin de toute passion destructrice.
Robbie aussi doit adhérer au programme, doit aimer ArkOne. Voilà ce qui importe principalement dans son éducation. Parce qu'il faudra lier les deux, Robbie et ArkOne, l'intégrer à la cité, faire de lui un Arkéen et observer sa capacité d'adaptation. C'est ainsi que le professeur Calvin a conçu, pensé, mesuré ce projet d'envergure et à haut risque : réintégrer un être comme Robbie. Une fois Robbie sorti du laboratoire, qu'adviendra-t-il de lui, de la cité, de la faisabilité du Programme ?
Un roman de science-fiction peut-il, en plus (ou à la place) de le distraire, élever son lecteur, l'édifier, lui montrer ce qu'est d'être un individu ? Il le peut. Dans un équilibre parfait, rendant la fiction édifiante, instructive autant qu'un discours. Et peut-être même bien plus. L'expérience d'un homme, sa construction, son élévation, ne sont-elles pas plus parlantes que n'importe quel essai que l'on voudrait, par défense, contredire ?
On ne pourrait pas démentir Robbie.
Qu'est-ce que Robbie ? Il est l'intrus qui tente, au départ, de ne pas en paraitre un. Robbie entre à ArkOne par adhésion d'abord. Chacun n'est-il pas, dans son jeune âge, celui qui veut se montrer digne d'amour et de la confiance qu'on lui fait ? C'est en toute sincérité qu'il cherche sa place dans cette cité parfaite qu'il admire, qu'il aime et à laquelle il veut rendre quelque chose, comme un juste retour. En jeune homme curieux et avide de savoir, il observe et apprend au contact des Arkéens, tente de s'adapter pour en être accepté. Il pourrait les imiter, contribuer à la cité sans prétention, cependant il mesure ses forces et sent comme jamais il ne pourrait égaler un habitant de la cité dans l'une des fonctions communes. Alors… alors, empli de bonne volonté, Robbie trouve un domaine qui ne trouve aucun expert à ArkOne. Il sera poète. Il se sent le désir, sincère et sain, d'apporter quelque chose que nul autre ne peut apporter aux Arkéens. Pourquoi, d'ailleurs, n'y a-t-il ni littérature ni poésie à ArkOne ? Pourquoi n'y a-t-il pas non plus d'amour ?
Qu'est-ce que Robbie ? L'auteur sème graduellement quantité d'indices sur sa nature et celle des habitants de la cité. Qui est cet être étrange qui lui offre, un jour, un livre de Nietzsche ? Et comment se l'est-il procuré ?
Pourquoi Susan est-elle si troublée en présence de Robbie ? D'où lui vient cette ambivalence intérieure, cette sorte de déchirement entre devoir et conscience ?
Qui est homme et qui est robot dans cette cité parfaite et lisse, où règne la paix et l'ordre, mais où personne ou presque n'entend la poésie ?
Ce roman émouvant s'achève de manière radicale et magistrale, après un procès fort brillant dans lequel deux intelligences s'affrontent. Il n'y aura pas de gagnant, la partie semble terminée. Est-ce une fin malheureuse pour autant ? Sans doute pas, même si l'une des dernières scènes est fort poignante.
Le roman est écrit en haut style, dans une langue élégante et poétique, belle à chaque tournure. Henry War a le gout de la formule inédite et profondément juste. le tout dans une clarté éblouissante, sans jamais basculer dans l'abscons et l'hermétique. Un style et une façon d'écriture dignes d'un équilibriste, qui avance droit, regardant bien devant lui et sans trembler ni jamais basculer ni dans la facilité ni dans l'inintelligible. C'est remarquable.
Lien : http://www.editionslesfeaux.fr
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arkone est un livre comment dire intéressant très intéressant du point de vue dur héros Robie il prête à réfléchir sur notre place dans la société .Au delà de ça c'est un livre qui est rédige avec une grande précision on sent que l'auteur a une grande connaissance de la littérature et la langue française.je pense que ce livre est fait pour les lecteurs avertis ils contient du langage assez soutenu par moment . Ce livre a été publié comme de la science-fiction mes je trouve qu'il n'est pas que ça et qui peu facilement entré en comparaison avec notre société actuelle sans en faire trop . félicitations à l'auteur c'est une belle oeuvre
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Dès l'abord, ArkOne déconcerte et séduit son lecteur. Henry War propose ici un conte philosophique, qui s'inscrit sans peine dans la veine des classiques du genre, un Bildungsroman qui fera songer à Candide, ou à un Voyage de Gulliver au pays des robots. Mais il le situe dans un futur post-apocalyptique, et y entretisse un hommage virtuose et décalé au Asimov du « Cycle des robots », ce qui plaira aux amateurs d'une science-fiction portée sur la réflexion autant que sur l'action.
Est-ce pour autant un pur exercice de style, lu avec plaisir puis remisé sur les rayons de sa bibliothèque ? Non. On s'attache rapidement à des personnages qui prennent de l'épaisseur, révèlent leur part d'ombre, leurs doutes, leurs aspirations, qui luttent avec les circonstances et cherchent à comprendre. de plus, dans cette Arche de Noé improbable, cette Cité du Soleil futuriste, cette Utopie robotique, la vie politique est intense : on s'y dispute sur l'intérêt général, on complote, on prépare des coups d'État ! le lecteur avance donc dans les méandres d'une intrigue bien construite, fertile en rebondissements. Et cet ensemble est sous-tendu par des questions majeures : que signifie être humain ? Qu'est-ce qui caractérise l'humanité ? Quelle est la portée d'une intelligence artificielle ? Les humains peuvent-ils coexister avec des intelligences artificielles ? Et longtemps après avoir refermé l'ouvrage, le lecteur – humain, trop humain – se demande encore : comment être digne de notre humanité ?
Dernière précision : ce roman se suffit, mais fait partie d'une série. On attend donc avec impatience de retourner dans le monde des Cités d'Ark !
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Il fixait le ciel, tout en songeant. Il devinait que la perspective d’un départ lui était une libération tout autant qu’un danger : une mise à l’épreuve, et il redoutait de ne pas s’en tirer. S’il lui était donné l’occasion de partir, il lui faudrait éviter seul les pièges de l’existence ; or, il ne savait rien de la vie, quoique n’ignorant aucune des lois de la réalité. Il ne savait que des principes, n’avait pas connaissance des actions ; il croyait pourtant avoir retenu les principaux faits.
ArkOne était une Cité lumineuse, magnifique, admirable. Abritant des milliers d’êtres qui y vivaient dans une paix profonde, elle les rassemblait par la cohésion d’un même devoir universel : cultiver la terre et rendre l’air pur. Une supérieure autonomie sourdait de ce système d’une beauté divine : la Coupole, l’Aiguille ; l’acier et le verre composite ; un prodige, une aubaine, une manne. Il aurait aimé s’en approcher, les observer de près, les toucher. On disait qu’il y avait un plan d’eau à l’est, comme creusé par miracle au milieu du désert. Et partout, une végétation splendide, minutieusement agencée, chaque arbre étant sacré, chaque point de verdure constituant une fierté vivante ponctuellement placé dans le plan d’ensemble de la toute première Cité d’Ark.
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Nuit.
Nuit encore. Et non pas nuit logiquement, puisqu'il y avait une impression de lumière. Pourtant : nuit.
Les yeux de Susan étaient ouverts dans le noir. D'où était venu le jour, la clarté ? Un souvenir de soleil jeune lui poignait l'esprit, mais le soleil était tombé depuis cinq heures et le souvenir ne pouvait pas exister. Que lui arrivait-il ? que lui arrivait-il donc _encore_ ?
Elle refusa de bouger, comme si l'image risquait de s'évanouir sur un mouvement. Une curieuse torpeur l'avait prise ; sans savoir pourquoi, elle demeurait perplexe et intriguée, scrutant l'espace invisible et tâchant de fusionner avec l'impossible vision qui l'avait inondée de façon subliminale.
De la chaleur, une impression de chaleur... Mais qu'était-ce : une chaleur sans rapport avec la température ? Comment une appréhension des degrés peut-elle donc être intérieure et intime ? De la lumière, ça oui, mais une sensation chaude déconnectée de cette source - douce plutôt - de confort émané de soi-même, comme une onde, une bienveillance. Pas de la chaleur à proprement parler, non : un fonctionnement doux, un principe de paix, et peut-être quelque petite chose davantage...
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