Quand on associe dans le même livre une écrivaine avec la réputation de
Claire North et ma mythologie chérie avec le prisme féminin des femmes d'Ithaque, patrie d'Ulysse, cela ne pouvait que m'obliger à courir acheter Pénélope, reine d'Ithaque. Peut-on dire que l'expérience fut à la hauteur de mes attentes ? Non, oui, plutôt, pas vraiment... C'est compliqué et je crois qu'il en fut de même pour mes camarades de lectures qui ont eu la bonté de m'accompagner, à savoir Steven, Audrey et Océane.
Nous partions pourtant conquis, du moins par l'objet et l'intention dûment énoncée de l'autrice : redonner sa place aux femmes qui ont encore une fois été effacée de l'histoire ou bien trop réduite à leur statut d'épouse et mère. Hauteville avait en plus mis les petits plats dans les grands avec une édition reliée en sus de la brochée, donnant en plus accès à de jolis cadeaux si on l'achetait en avance et qu'on le faisait valoir à l'éditeur. Avec sa couverture rappelant les céramiques grecques, ses dorures et son jaspage, la fan de beaux objets que je suis n'a pu que craquer, même si au final je trouve le cartonnage un peu léger et le jaspage moins abouti que d'autres que j'ai pu voir.
J'aurais dû me méfier de ma première rencontre avec l'autrice : La maison des jeux, qui avait aussi été mitigé même si pas pour les mêmes raisons. Mais je pensais que ça venait de moi vu son succès auprès des autres lecteurs, d'où sa seconde chance ici... Mais ça ne l'a pas fait non plus. Pourquoi ? La première et presque unique raison tient malheureusement à la plume de l'autrice beaucoup trop froide, beaucoup trop maladroite et familière également. Elle n'a pas eu la poésie et le sens du drame que j'attends dans ce type de récit, hormis dans les ultimes chapitres et pour un premier tome de plus de 500 pages, c'est un peu tard quand même. Heureusement tout ce même que c'est un premier tome et non un volume unique sinon la déception aurait été plus rude.
J'ai pourtant aimé le choix de l'autrice dans un premier temps, et je crois avoir été l'une des seules dans notre groupe. Je trouvais original de suivre justement avec ce regard froid donné par Héra, la narratrice, qui regarde tout ça du haut de sa divinité. Cela me rappelait ces narrateurs en mode oiseau qu'on trouve parfois au début des films / séries et qui survolent l'ensemble des lieux. Malheureusement, l'autrice en est un peu restée coincée là et c'est tout le problème.
Cependant, je dois aussi reconnaître que j'ai beaucoup aimé apprendre à découvrir le quotidien des femmes d'Ithaque à travers ses yeux. Ce fut un réel plaisir de suivre tous ces portraits de femmes : reine comme déesse, servante comme esclave, épouse comme fille, libre comme pourchassée.
Claire North n'oublie personne et donne corps à chacune. Elle nous les présente comme des femmes fortes, malignes, décriées et malmenées par les hommes, mais ayant de la ressource pour préparer une sorte de résistance souterraine surprenante afin qu'Ithaque reste libre en attendant le retour de son roi, libre contre les pirates qui l'attaquent, libre contre les prétendants de Pénélope, sa reine, qui l'assaillent. Et à défaut d'être passionnant, car c'est délayé dans de bien trop nombreux banquets virils avinés, ce fut très puissant avec un dénouement percutant.
J'ai trouvé une belle force dans les portraits de Pénélope, son esclave Leanira, son "amie" Clytemnestre l'épouse d'Agamemnon, et Electre la fille de celui-ci. Il leur arrive souvent ce qu'il y a de pire pour des femmes, mais elles ont un courage, une force et une intelligence qui force le respect. le portrait de Clytemnestre est celui qui m'a frappée en premier et elle sera tel un fil rouge guidant les autres à travers ce tome. Puis on sera frappé par le destin et le réalisme d'Electre, héroïne discrète, avant de réaliser toute la ruse de Pénélope et Leanira. J'ai adoré ! En particulier dans les tout derniers chapitres.
Cependant, il faut avouer que ces belles intentions, de récits de femmes fortes qui résistent à leur façon à la domination masculine et aux exactions de leurs représentants : père, époux, fils, amis, sujets... sont noyées justement sous les trop nombreuses descriptions du quotidien de ceux-ci. Certes j'aime les récits historiques détaillées retranscrivant richement les décors mais ici, entre le ton trop familier de l'autrice qui casse l'ambiance, sa vision anachronique de l'époque qu'on sent percer un peu partout et surtout ses longueurs et répétitions, j'avais l'impression de tourner en rond et de vivre un jour sans fin... ce qui m'a un peu gâché mon plaisir, sans parler des noms et noms de personnages que je n'arrivais plus à situer parfois car ils ont 2 lignes avant de revenir 100 pages plus tard... Et sentir en plus monter ma colère contre ses hommes et voir ceci se répéter en prime, n'a pas aidé. J'aurais bien mis un bonne fessée à Télémaque par exemple et castré plus d'un mâle de l'histoire, pour ne pas dire plus... Rester à Ithaque fut donc intéressant pour découvrir progressivement, grâce à notre persévérance, la résistance intelligente, brillante même des femmes. Mais rester à Ithaque fut aussi un chemin de croix, tant la narration était molle, sans enjeu clair pendant longtemps et sans réelle tension. On m'a habitué à mieux en récits mythologiques.
Je saluerai donc l'intention de
Claire North sur ce premier tome du Chant des déesses qui porte si bien son nom et nous fait entendre (un peu trop) la voix froid et lointaine de celle-ci, alors qu'on attendait tous dans notre lecture commune, celle plus chaleureuse des habitantes d'Ithaque si bien représentées, qu'elles soient anonymes ou célèbres, reines, déesses, suivantes ou esclaves. Ces femmes, filles, épouses et/ou mères m'ont séduite, fascinée, marquée dans ce monde qui ne leur est pas prédestinée. J'aurais aimé que l'écriture soit à la hauteur de leur force, de leur courage et ce ne fut le cas que dans les ultimes pages de ce tome. Alors ce n'est pas la chronique d'un coup de coeur que je vous livre, pas plus que celle d'un échec, mais celle d'une lecture qui m'a interpelée et que j'aurais aimé plus humaine.
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