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EAN : 9782851972644
80 pages
L'Herne (22/01/2014)
3.54/5   13 notes
Résumé :
S’il est un travail vivant - mode d’activité essentiellement humain - c’est d’abord le travail manuel, méprisé par les Anciens, véritable levier qui met le monde en mouvement et pivot spirituel de la communauté réconciliée. Il faudra libérer le travail, pour que naisse une société d’hommes libres, pour qu’autour de la production se cristallise la fraternité. Il appartient aux travailleurs de se réapproprier l’appareil productif, pour que s’élargisse « peu à peu le d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique

"Exister n'est pas une fin pour l'homme." S'il faut travailler seulement pour subsister, le travail n'est pas animé par le désir. Et travailler pour ne pas mourir, c'est l'esclavage. C'est le point de départ de l'analyse de Simone Weil : " ...dans la nature humaine, il n'y a pas pour l'effort d'autre source d'énergie que le désir. (...). Et il n'appartient pas à l'homme de désirer ce qu'il a." Il faut une finalité autre pour le travailleur.

Ses réflexions s'appuient sur l'expérience de travail en usine qu'elle a connue en 1934-35, après s'être mise volontairement en congé de l'enseignement (cette expérience est relatée dans la seconde partie de ce Carnet de L'Herne). La finalité ne s'accroche nulle part dans le travail en usine. "La chose fabriquée est un moyen : elle sera vendue. Qui peut mettre en elle son bien ? La matière, l'outil, le corps du travailleur, son âme elle-même, sont des moyens pour la fabrication. La nécessité est partout, le bien nulle part."

Supporter ce vide n'est possible qu'à une série de conditions décrites par Weil qui adopte une position tranchée sur l'idée de révolution : "L'absurdité est que, dans ce rêve, la domination serait aux mains de ceux qui exécutent et qui par suite ne peuvent pas dominer." Si la révolution en tant que remède à l'injustice sociale est saine, elle est un mensonge si elle se dresse contre la condition même des travailleurs. Weil assimile la révolution à un opium, comme Marx l'a fait pour la religion.

Que propose la philosophe ? La beauté rend la monotonie supportable par sa lumière d'éternité. "Puisque le peuple est contraint de porter tout son désir sur ce qu'il possède déjà, la beauté est faite pour lui et il est fait pour la beauté." Voici la charnière où s'articule la pensée de Simone Weil : si la beauté et la poésie sont nécessaires au peuple comme le pain, elle n'a qu'une source, Dieu, et elle ne peut être que religion. La faim de finalité des travailleurs ne peut être rassasiée que par des valeurs spirituelles.

Par suite, l'athée pourra quitter la réflexion. Je crois qu'il s'agirait d'une erreur. Chacun sait croire en une valeur qu'il porte assez haut pour permettre à ce texte de conserver sa portée.

La démonstration débouche sur la notion essentielle d'attention, d'abord discursive (basée sur le raisonnement) puis intuitive (sensitive, de l'esprit) qui débouche sur l'art, le beau et les découvertes scientifiques lumineuses. Travail manuel et travail intellectuel sont liés par le point commun d'une transcendance acquise grâce cette attention située au-dessus de toute obligation sociale.
Les souffrances dues à une certaine subordination et une certaine uniformité du travail ne dégradent pas. Mais les circonstances du travail qui excluent toute source d'une forme de poésie supérieure sont mauvaises. La première étant la souffrance physique, hors celle qui est manifestement inévitable par les nécessités du travail.
D'autre part, le superflu n'est pas à sa place, selon Weil, dans la vie ouvrière. "Il est possible de sortir de la condition ouvrière ou paysanne par manque d'aptitudes professionnelles ou par la possession d'aptitudes différentes, mais pour ceux qui y sont, il ne devrait y avoir de changement possible que d'un bien-être étroitement borné à un bien-être large ; il ne devrait y avoir aucune occasion pour eux de craindre tomber à moins ou parvenir à plus." La sécurité dans les deux directions. On retrouve le superflu, aigu de nos jours.

L'écrit proposé dans la seconde partie est intitulé "Expérience d'une vie d'usine". On trouve un développement, parfois effrayant, de ce que représentait le travail à la chaîne dans les années 30. La question se pose de l'actualité de cette analyse. Les conditions de travail ont beaucoup évolué. On ne travaille plus chez VW ou Renault aujourd'hui comme chez Alsthom en 1934. Pourtant.

Éviter, surtout, de travailler avec dégoût. Actuellement, est-on sûr que ceux qui fabriquent dans l'ombre vêtements et objets, de luxe ou pas, en Europe ou ailleurs, sont exclus des conditions décrites par Simone Weil ? À quelle source puise-t-on encore les moteurs de l'attention ?

Remerciements aux éditions de L'Herne et à Babelio pour la découverte de ces textes.

Lien : http://www.christianwery.be/..
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"Conditions premières d'un travail non servile" introduit un début de ce qui est un passage fondamental dans la pensée de l'auteur, la voie de la spiritualité. le travail manuel apparaît dans son lien inévitable avec la nécessité, l'absence de finalité dans l'action est responsable du malheur qui domine la vie des ouvriers en la rendant monotone, modifiant ainsi leur rapport au temps, qui devient long.
L'argent, seule récompense de l'effort du travail effectué, ne saurait être une finalité valable, mais rendrait plus aiguë la souffrance des ouvriers, par l'action de l'attente.
Weil annonce comme unique possibilité de secours, l'accès à beauté, dont la source serait Dieu. Pour transformer la nécessité inhérente au travail en liberté il faut trouver en lui le lieu de réalisation de cette spiritualité, de cette lumière. Dieu serait ainsi le seul qui pourrait rassasier la "faim de finalité" des travailleurs.
Pour constituer cette possibilité d'accès à la beauté divine et à Dieu, le travailleur nécessite de l'attention, Nous trouvons ici développé un concept très important pour Simone Weil, car en association à la vigilance il permettra de réaliser le passage de la nécessité vers la liberté au sein du travail.

"Expérience de la vie d'usine" analyse le vécu précis de Weil en usine. La démarche de l'auteur répond au compromis personnel de vivre l'expérience du travail en usine pour comprendre de l'intérieur les dynamiques qui l'animent. Ainsi ce texte nous présente multiples détails de la vie d'usine, et pointe sur les rouages de la construction de la servitude et la nécessité. Un des points forts de la description de cette expérience est l'analyse qui fait l'auteur sur la transformation même de la pensée, qui est contrainte de devenir la source des "chaines" qui obligent l'homme à se soumettre; "des fouets, des chaines rendraient peut être la transformation plus facile".
La temporalité de l'asservissement et l'étrangeté de la pensé vis-à-vis de 'objet produit et des raisons mêmes des gestes quotidiens sont des éléments fondants de la condition d'oppression des ouvriers.
Weil conclut en insistant sur le fait que la transformation de cette condition servile doit surgir des usines elles mêmes, pour qu'en étant le lieu de réalisation d'objets elle n'admettent pas en même temps la destruction des hommes.
Je remercie Babelio et l'édition de l'Herne pour cette lecture.
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Ce petit ouvrage regroupe deux textes de Simone Weil. le premier porte sur l'acceptabilité du travail et le second sur son expérience de travail en usine dans les années trente. Ce dernier texte m'a paru beaucoup plus convaincant que le premier. C'est un témoignage de l'intérieur qui cherche à n'omettre aucune question liée à la vie du travailleur, y compris ses relations avec sa famille, ses camarades de travail et sa hiérarchie. Ce dernier aspect d'une conception pyramidale de l'organisation du travail, qu'on retrouve également fortement dans le premier texte, distingue ceux qui savent de ce qui se contentent d'exécuter une tâche dans l'ignorance de sa finalité. Simone Weil insiste à juste titre sur la place du travailleur dans l'économie et cette réflexion est encore d'actualité : c'est un élément, et même un objet, interchangeable. le marché du travail devient un euphémisme hypocrite du marché des travailleurs, inspiré directement du marché aux esclaves. Peut-on de là parler de partenaires sociaux et de négociations sociales sur un tel pied d'inégalité ? La nature de l'économie (productiviste) induit le rapport au travail (aliénant).
Surtout dans son premier texte, Simone Weil met en avant l'humanité et la dignité à retrouver dans le travail sans s'encombrer de considérations idéologiques laïques. Pour paraphraser Laplace, elle utilise cependant une hypothèse (Dieu) dont elle n'avait pas besoin pour nous convaincre. Ce côté prosélyte m'a un peu déçue. Plutôt que d'envisager les conditions d'un travail décent pour tous, il semble qu'elles ne soient pas concevables en dehors de Dieu comme phare ultime de la vie.
Il n'en demeure pas moins que ces textes posent les bonnes questions sur ce que doivent être le travail et plus généralement la participation de l'individu au fonctionnement de la société.
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La découverte du monde des usines a permis à mme Weil de découvrir le nouveau visage de l'esclavagisme contemporain . Celui qui se base sur la productivité et le rendement pour mettre à bas l'humain . Celui qui conditionne les hommes à étres ni plus , ni moins que des robots . La machine n'est pas l'ennemie , le progrés technologique non plus . Ce qui découle de cela une fois que l'homme à compris qu'il peut gagner beaucoup d'argent avec ces outils , voila ce qui est problématique pour l'homme . Loin d'une idéologie communiste qui finalement nelui parle pas beaucoup , mme Weil dresse un bilan sans concession sur la destruction de l'humain dans le travail et sur ce qu'il faut faire selon elle pour remédier à cela . Ce texte aborde aussi la problématique de disparitions des métiers manuels , ce qui à l'époque était il est vrai problématique . En cela également mme Weil fait preuve d'une trés grande acuité et livre une réflexion pertinente qui résonne encore fortement aujourd'hui . Un ouvrage une fois de plus trés important venant de l'un des grands esprits français du 20 éme siécle .
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Ce livre est composé de 2 essais sur la condition ouvrière dans les années 30.
Simone Weil y déploie un puissant plaidoyer pour l'amélioration des conditions de travail en usine qui avilissent et déshumanise le travailleur.

Ce livre contient de bonne idées et est partiellement transposable à notre époque avec ses emplois de bureau dénués de sens.

Un livre agréable qui est une lecture complémentaire mais non nécessaire à la lecture de l'enracinement.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
"Conditions premières d´un travail non servile" introduit un début de ce qui est un passage fondamental dans la pensée de l´auteur, la voie de la spiritualité. Le travail manuel apparaît dans son lien inévitable avec la nécessité, l´absence de finalité dans l´action est responsable du malheur qui domine la vie des ouvriers en la rendant monotone, modifiant ainsi leur rapport au temps, qui devient long.
L´argent, seule récompense de l´effort du travail effectué, ne saurait être une finalité valable, mais rendrait plus aiguë la souffrance des ouvriers, par l´action de l´attente.
Weil annonce comme unique possibilité de secours, l´accès à beauté, dont la source serait Dieu. Pour transformer la nécessité inhérente au travail en liberté il faut trouver en lui le lieu de réalisation de cette spiritualité, de cette lumière. Dieu serait ainsi le seul qui pourrait rassasier la "faim de finalité" des travailleurs.
Pour constituer cette possibilité d´accès à la beauté divine et à Dieu, le travailleur nécessite de l´attention, Nous trouvons ici développé un concept très important pour Simone Weil, car en association à la vigilance il permettra de réaliser le passage de la nécessité vers la liberté au sein du travail.

"Expérience de la vie d´usine" analyse le vécu précis de Weil en usine. La démarche de l´auteur répond au compromis personnel de vivre l´expérience du travail en usine pour comprendre de l´intérieur les dynamiques qui l´animent. Ainsi ce texte nous présente multiples détails de la vie d´usine, et pointe sur les rouages de la construction de la servitude et la nécessité. Un des points forts de la description de cette expérience est l´analyse qui fait l´auteur sur la transformation même de la pensée, qui est contrainte de devenir la source des "chaines" qui obligent l´homme à se soumettre; "des fouets, des chaines rendraient peut être la transformation plus facile".
La temporalité de l´asservissement et l´étrangeté de la pensé vis-à-vis de ´objet produit et des raisons mêmes des gestes quotidiens sont des éléments fondants de la condition d´oppression des ouvriers.
Weil conclut en insistant sur le fait que la transformation de cette condition servile doit surgir des usines elles mêmes, pour qu´en étant le lieu de réalisation d´objets elle n´admettent pas en même temps la destruction des hommes.
Je remercie Babelio et l´édition de l´Herne pour cette lecture.

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Ce vide pesant fait beaucoup souffrir. Il est sensible même à beaucoup de ceux dont la culture est nulle et l'intelligence faible. Ceux qui, par leur condition, ne savent pas ce que c'est ne peuvent pas juger équitablement les actions de ceux qui le supportent toute leur vie. Il ne fait pas mourir, mais il est peut-être aussi douloureux que la faim. Peut-être davantage. Peut-être il serait littéralement vrai de dire que le pain est moins nécessaire que le remède à cette douleur.
Il n'y a pas le choix des remèdes. Il n'y en a qu'un seul. Une seule chose rend supportable la monotonie, c'est une lumière d'éternité ; c'est la beauté.
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Même si on est préparé, le malheur même empêche cette activité de la pensée, et l'humiliation a toujours pour effet de créer des zones interdites où la pensée ne s'aventure pas et qui sont couvertes soit de silence soit de mensonge. Quand les malheureux se plaignent, ils se plaignent presque toujours à faux, sans évoquer leur véritable malheur ; et d'ailleurs, dans le cas du malheur profond et permanent, une très forte pudeur arrête les plaintes. Ainsi chaque condition malheureuse parmi les hommes crée une zone de silence où les êtres humains se trouvent enfermés comme dans une île. Qui sort de l'île ne tourne pas la tête. Les exceptions, presque toujours sont seulement apparentes. Par exemple, la même distance, la plupart du temps, malgré l'apparence contraire, sépare des ouvriers l'ouvrier devenu patron, et l'ouvrier devenu, dans les syndicats, militant professionnel.
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Au niveau de l'ouvrier, les rapports établis entre les différents postes, les différentes fonctions, sont des rapports entre les choses et non entre les hommes. Les pièces circulent avec leurs fiches, l'indication du nom, de la forme, de la matière première ; on pourrait presque croire que ce sont elles qui sont des personnes, et les ouvriers qui sont des pièces interchangeables. Elles ont un état civil ; et quand il faut, comme c'est le cas dans quelques grandes usines, montrer en entrant une carte d'identité où l'on se trouve photographié avec un numéro sur la poitrine, comme un forçat, le contraste est un symbole poignant et qui fait mal.
Les choses jouent le rôle des hommes, les hommes jouent le rôle des choses ; c'est la racine du mal.
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L'arbitraire humain contraint l'âme, sans qu'elle puisse s'en défendre, à craindre et à espérer. Il faut donc qu'il soit exclu du travail autant qu'il est possible. L'autorité ne doit y être présente que là où il est tout à fait impossible qu'elle soit absente. Ainsi, la petite propriété paysanne vaut mieux que la grande. Dès lors, partout où la petite est possible, la grande est un mal. De même la fabrication de pièces usinées dans un atelier d'artisan vaut mieux que celle qui se fait sous les ordres d'un contremaître. Job loue la mort de ce que l'esclave n'y entend plus la voix de son maître. Toutes les fois que la voix qui commande se fait entendre alors qu'un arrangement praticable pourrait y substituer le silence, c'est un mal.
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