On vit une minute après l'autre, une heure, un jour.
L'avenir, c'est ce que vous rêvez.
La réalité, c'est seulement maintenant, le temps d'un battement de coeur.
Le reste, c'est une toile d'araignée dans votre tête.
Je suis un homme de tribu, pas un homme de groupe. Dans une tribu, tu ne prends pas d’engagements, c’est toi qui es engagé, de la naissance à la mort, dans des partages, des amours, des souffrances et des relations qui remontent aux anciennes divinités. Tout le monde pêche ensemble et on partage sa pêche. Les familles échangent leurs enfants sans que les gosses y perdent ni que l’ordre des choses en soit heurté. Tandis que dans un groupe de haolé… c’est différent. La famille dont on aurait échangé un enfant serait détruite, elle s’effondrerait. Tu dois dire qui tu es, insister, prouver ton identité, et ensuite faire le sacrifice de cette identité, la consacrer tout entière ou en consacrer une partie, comme prix de ton admission dans le groupe. Tu vois, Martha, je ne suis pas un homme de groupe, un homme de faculté, un homme de compagnie. Je refuse de travailler dans le conformisme. Je suis moi, et ça suffit...
Il y a comme ça quelque chose, quelque part, quelquefois, qui doit être cru sur parole ! Une profession de foi ! Kaloni Kienga est un grand homme. Il a mille ans de savoir et de tradition dans la tête. Je l’ai cru. Je le crois encore. Est-ce que tout homme, au monde, n’a pas le droit de faire profession de foi ?
Avant d’avoir parcouru la moitié du chemin, il était certain d’avoir fait une bêtise. Il n’avait jamais été attiré vers cette fille comme vers certaines de ses camarades d’études. Elle avait toujours été un peu dépenaillée, laconique, vague, irritante mais légèrement pathétique par sa soumission à quiconque voulait bien lui prêter la moindre attention. Et comme étudiante, elle était une élève attentive mais sans intérêt, une de ces personnes pour qui on a l’impression que les études, comme la vie, constitueront toujours un puzzle dont il leur manque quelques pièces.
Les dessins que Kaloni traçait dans le sable étaient des signes mystiques, comme ceux qui étaient tatoués sur ses bras et sur sa poitrine. Leurs noms ne pouvaient être prononcés que dans le langage rituel de ses ancêtres. La marée montante les effacerait et le vent en mélangerait les syllabes de telle sorte que personne, jamais, sauf les personnages sacrés, ne les comprendrait.