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EAN : 9782916266824
128 pages
Editions Sillage (03/08/2011)
3.38/5   13 notes
Résumé :

Miss Lonelyhearts est le pseudonyme d'un jeune chroniqueur chargé de dispenser ses conseils aux coeurs brisés et aux laissés-pour-compte qui lui adressent quotidiennement un flot de lettres emplies de leur misère, de leurs échecs et de leurs humiliations. Incapable de faire preuve du cynisme et de l'indifférence que requiert son emploi, échoué un peu malgré lui dans le milieu à la page des journalistes new-yorkais, en cette Amérique puritaine et hypocr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'énergie noire et comique de Miss Lonelyhearts de Nathanael West - son exubérance caustique, l'étrange flottabilité de sa souffrance - est une réalisation remarquablement américaine, une sorte de danse de la mort sur le cadavre d'un Manhattan du début des années 1930 au rendu saisissant. Dans la boucle sombre de la Dépression, la misère est le pivot de l'expérience nationale, un moteur lugubre qui ronronne en particulier pour le protagoniste titulaire de West. En tant que chroniqueur conseil dans un journal, il est au courant du désespoir secret d'un choeur américain : les perdus, les jeunes, les difformes, les oubliés. Il résume ainsi sa crise existentielle :

Un homme est engagé pour donner des conseils aux lecteurs d'un journal. le travail est un coup de pub et toute l'équipe considère que c'est une blague… mais après plusieurs mois de travail, la blague commence à lui échapper. Il voit que la majorité des lettres sont des demandes profondément humbles de conseils moraux et spirituels, qu'elles sont les expressions inarticulées d'une véritable souffrance. Il découvre aussi que ses correspondants le prennent au sérieux. Pour la première fois de sa vie, il est obligé d'examiner les valeurs selon lesquelles il vit. Cet examen lui montre qu'il est la victime de la plaisanterie et non son auteur.

Perchée entre l'angoisse imposante de ses lecteurs et les sophismes antiques de son éditeur Shrike - un Satan au visage de hachette, la source du rayonnement négatif du roman et l'une des plus belles créations de toute la littérature - Miss Lonelyhearts est inexorablement écrasée sous la dynamique , variétés indigènes du désespoir américain.

On ne peut le lire que derrière la rubrique du coeur de son quotidien favori – s'il en est encore...avec bien sûr un bourbon.


effleurements livresques, épanchements maltés http://holophernes.over-blog.com © Mermed
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Peu après le départ de Mrs. Doyle, Miss Lonelyhearts se sentit physiquement malade et incapable de quitter sa chambre. Les deux premiers jours de sa maladie furent oblitérés par le sommeil, mais le troisième jour son imagination se remit à travailler.
Il se trouvait dans la vitrine d'un bureau de prêts sur gages, où s'entassaient les manteaux de fourrure, les bagues en diamants, les montres, les fusils de chasse, les cannes à pêche, les mandolines. Tous ces objets étaient le bric-à-brac de la souffrance. Une haute lumière torturée se tordait sur la lame d'un couteau de fantaisie, un cor de chasse bosselé gémissait de douleur.
Il s'assit dans la vitrine pour le méditer. L'homme est atteint du tropisme de l'ordre. Les clefs dans une poche, la menue monnaie dans l'autre. Les mandolines sont accordées : sol, ré, la, mi. Le monde physique obéit au tropisme du désordre : entropie. L'Homme contre la Nature : bataille des siècles. Les clefs aspirent à se mêler à la menue monnaie. Les mandolines font des efforts pour se désaccorder. Tout ordre renferme en soi le germe de sa propre destruction. L'ordre tout entier est voué à la mort, mais le combat vaut d'être livré.

(P. 51)
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I am twenty-six years old and in the newspaper game. Life for me is a desert empty of comfort. I cannot find pleasure in food, drink, or women--nor do the arts give me joy any longer. The Leopard of Discontent walks the Streets of my city; the Lion of Discouragement crouches outside the walls of my citadel. All is desolation and a vexation of the spirit. I feel like hell. How can. I believe, how can I have faith in this day and age ? Is it true that the greatest scientists believe again in you ?
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Miss Lonelyhearts s'aperçut que croissait en lui un besoin de symétrie côtoyant la démence. Tout devait former un dessin régulier : les souliers sous le lit, les cravates dans leur râtelier, les crayons sur la table. Lorsqu'il regardait par une fenêtre, il composait la ligne d'horizon en mettant les constructions en équilibre l'une contre l'autre. Si un oiseau traversait de son vol cet arrangement, il fermait les yeux de colère jusqu'à ce qu'il eût disparu.
Pendant quelque temps, il sembla tenir bon, mais un jour vint où il se trouva acculé. Ce jour-là, tous les objets inanimés sur lesquels il avait tenté d'exercer son autorité se mirent en guerre contre lui. Dès qu'il touchait une chose, elle coulait ou roulait sur le plancher. Les boutons de col disparaissaient sous le lit, la pointe du crayon se brisait, le manche du rasoir se détachait, le store de la fenêtre s'obstinait à remonter. Miss Lonelyhearts se défendit, mais il y mit trop de violence et le ressort du réveille-matin remporta sur lui une victoire décisive.
Il s'enfuit dans la rue, mais le chaos y était multiple. Des groupes disloqués passaient hâtivement sans jamais former une étoile ou un carré. Les réverbères étaient mal espacés et les dalles du trottoir de dimensions différentes. Il ne put rien obtenir non plus des bruits durs et discordants que faisaient les tramways et des appels rauques des camelots. Nulle combinaison de mots répétés ne s'ajustait à leur rythme, nulle gamme ne pouvait leur donner un sens.

(P. 21)
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Miss Lonelyhearts entoura de son bras les épaules du vieux monsieur.
- Racontez-nous l'histoire de votre vie, répéta-t-il d'une voix qu'il alourdissait de sympathie.
- Je n'ai pas d'histoire.
- Vous devez en avoir une. Tout homme a son histoire.
Le vieux se mit à sangloter.
- Oui, je sais, le récit en est mélancolique. Racontez, nom de Dieu, racontez !

(P. 32)
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Il bafouilla volontairement afin qu'elle prît sa gêne pour une émotion sincère, mais le truc échoua. Elle attendit la suite de sa phrase.
- Faites moi le plaisir de dîner avec moi.
- Désolée. Pas libre.
Et elle épanouit son sourire en un éclat de rire.
C'est de lui qu'elle riait. Sur la défensive, il tenta de classer ce rire sardonique : "sardonique", "ils sont trop verts", "cœur qui se brise" ou "je-m'en-fichiste", mais, à sa grande humiliation, il ne pût rien trouver dont il pût se moquer en retour. Le sourire de Betty s'était ouvert naturellement, pas comme un parapluie, et tandis qu'il la regardait, son rire se replia et redevint un sourire, un sourire qui n'était ni "torve", ni "railleur", ni "énigmatique".

(P. 23)
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