Petra a 37 ans, elle est mère et belle-mère au foyer. Enceinte de son deuxième enfant, elle s'occupe de son fils de deux ans, Alban, et d'Arthur et Alice, les deux enfants de son compagnon, « le clown » (ce n'est pas un surnom : quand ils se sont rencontrés, il était réellement clown de son métier…). La jeune femme se sent dépassée, imparfaite, marâtre ; elle a devant les yeux l'exemple de la mère qu'elle croit parfaite : Marie, l'ex-femme du clown. Un jour, une idée lui traverse l'esprit : elle voudrait disparaître telle l'eau sale de la vaisselle qui s'évacue par la bonde de l'évier de sa cuisine… Et puis, tout bascule…
Dans ce roman, on retrouve les petits problèmes du quotidien, ceux que chaque mère rencontre, et les questions que toute mère se pose un jour, dont LA question « Suis-je réellement une bonne mère » (
Sophie Weverbergh connait son sujet, elle a beaucoup écrit sur son quotidien à une époque où elle avait fait le choix de faire une pause dans sa carrière pour s'occuper de ses enfants. Et de ses notes est né «
Précipitations »). le texte fait défiler devant nos yeux le destin d'une femme qui s'interroge sur ses capacités à être mère, sur qui elle est en tant que femme et sur comment elle en est arrivée à être derrière cet évier et cette vaisselle, tous les jours de sa vie. Mais réduire son histoire à un simple roman qui évoque les difficultés au quotidien des mères au foyer est très réducteur. C'est beaucoup plus que ça parce que le destin de la jeune femme est réellement particulier et la figure ambigüe de Petra ne laisse pas indifférent…
Le style est assez déstabilisant mais épouse à merveille les pensées qui se précipitent dans la tête de Petra : son passé, sa rencontre avec le clown, le début de leur histoire ; son présent, ses actes au quotidien, ses réflexions sur sa vie actuelle ; son futur aussi, ce qu'elle imagine, ce qu'elle pourrait dire mais qu'elle ne dira jamais… Rien n'est linéaire, tout se bouscule telles les pensées qui peuvent nous traverser l'esprit au cours d'une journée. A mesure que le roman progresse, le style se fait de plus en plus précipité : phrases dans lesquelles s'accumulent les énumérations, parfois sans queue ni tête, jusqu'au dégoût, mélange de pensées et de phrases sorties de comptines qui se transforment au gré des divagations de Petra, mimant sa descente précipitée dans la folie.
Si je n'avais pas eu la chance d'entendre l'auteure parler de son roman et de sa genèse, je ne l'aurais probablement pas lu. Et, après l'avoir refermé, je me demande encore si je l'ai apprécié ou pas. Si je dois bien reconnaitre que ce roman a beaucoup de qualités (dont celle de parler d'un sujet qui n'est pas toujours facile à aborder et de passer en revue les différents rôles dans lesquels on enferme encore trop souvent la femme), je ne peux me défaire d'un certain malaise créé à la fois par le style de
Sophie Weverbergh et par la tournure que prend l'histoire de Petra. Sans aucun doute, ce roman mériterait-il d'être décanté, le temps de laisser cette drôle d'impression se précipiter tout au fond de moi pour n'en garder que le meilleur…
(
Centre Culturel de Huy, « Les Matins du Livre, Décembre 2022)