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EAN : 9782246374114
235 pages
Grasset (16/04/1986)
4/5   8 notes
Résumé :
Deux localités (lieux de présence et de projection) : les Pyrénées occidentales et le promontoire armoricain.
En prolongement de ces deux points focaux, quelques itinéraires, quelques passages réels et imaginaires à travers ce que les vieilles cartes appellent oceanus atlanticus occidentalis, ou encore la mer extérieure.
Le but : une « terre neuve », une géopoétique de l'esprit, une aire de reconnaissance et de respiration.


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I MÉDITATIONS PYRÉNÉENNES
ÉLOGE DU CORBEAU

d'abord
le corbeau est un polyglotte

le corbeau parle patagon
algonquin et esquimau
il parle russe
sanscrit, chinois, snohomish
ainsi que plusieurs variétés d'angliche

le corbeau a roulé sa bosse !

Edgar Allan Poe
était un corbeau

l'anthropologue enyerbado
s'est changé en corbeau
je suppose que tous les Corbeaux
étaient des corbeaux

j'ai pensé autrefois à fonder
une Académie des Goélands
(suivant en cela
un ancien modèle chinois)
dans un seul but:
redire le monde
parole d'aurore
grammaire de pluie, d'arbre, de pierre

je peux concevoir des goélands noirs
et des corbeaux blancs
(racistes s'abstenir)
oui, le corbeau aurait sa place
à l'Académie des Goélands
il en serait le membre croassant

mais ce projet est parti avec le vent
et j'ai échoué
les ailes brisées
sur une île glacée

fumant les herbes de mon cerveau

cependant
c'est un fait
les hommes-oiseaux sont toujours là
avec leurs ailes de rêve
et leurs cris d'outre-terre
des poids lourds, tous
c'est cela
pas de piaillements ou de pépiements

ce monde est rude
il faut pouvoir
traverser des blizzards

ka, kaya-gaya, ka
krr, krarak, krarak
krie, krie, krie

boire de l'eau froide
manger des os et des pierres
rester calme et fort

seul loin de tout

communiquer
à longue distance

pourquoi le corbeau croasse-t-il?
où le corbeau s'en va-t-il?
le corbeau, que sait-il ?

demande au faucon
qui là-haut plane en silence

demande au harfang des neiges

demande à l'outarde
ou à la mouette pillarde

tous les oiseaux parlent
la langue de l'aurore
dans des dialectes divers

p.21-23-25-27
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Cérémonie d’hiver
3
  
  
  
  
Je viens de lire l’étude de Boas
sur la cérémonie d’hiver des Kwakiutl
toutes ces danses
tous ces contes –
mais je préfère de loin cet espace de silence
à l’écart de toute communauté

« son nom était Loup Solitaire
il fit le tour du monde
suivant les contour de la terre
puis se blottit dans la neige
pour se souvenir
pour écouter la neige... »


/ Traduit de l’anglais par Marie-Claude White
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I MÉDITATIONS PYRÉNÉENNES
ÉLOGE DU CORBEAU

Depuis le temps qu'on en cause
tout le monde la connaît
la chanson du rossignol
mais le corbeau, ah
quand il croasse
c'est une tout autre chose

le corbeau, crois-moi, est un drôle d'oiseau

le corbeau est un revenant
qui s'en revient de loin

le corbeau
est le roi croassant
de son monde dément

d'ordinaire
on n'écoute guère le corbeau

mais quand un de tes amis part
pour le pays des glaces
et dans une lettre te raconte
une étrange rencontre
sur la neige avec un corbeau
et si quelques jours plus tard
en passant la porte
d'un appartement à Montparnasse
la première chose que tu vois
est un corbeau maousse
qui jamais plus ne croasse
mais qui semble connaître
le dessous des cartes

alors en toi l'étonnement croît
et tu cherches le comment et le pourquoi
du corbeau

pourquoi le corbeau croasse-t-il?
où le corbeau s'en va-t-il?
le corbeau, que sait-il?

p.19-21
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Hölderlin à Bordeaux

Peu enclin à la conversation
quand les langues commençaient
à débiter les opinions
il préférait partir
se promener le long du fleuve

« pourquoi des poètes en un temps de manque ?…
je fais ce que je peux du mieux que je peux…
tout prend place
dans le travail en cours… »

c’était aux jours rouges d’automne
le raisin était mûr
sur les coteaux de Garonne
et il gardait le souvenir d’amis embarqués
au promontoire venté…

là-bas, en Allemagne
il n’y avait rien pour lui
mais il y retournerait
il y retournerait
pour trouver quoi ?
une fenêtre sur une forêt, peut-être
un peu de lumière philosophique…

chaque jour des bateaux quittaient le port
pour les Indes, les Amériques
il arpentait les quais
et les regardait partir
son voyage à lui
le conduisait ailleurs –
mais jusqu’où pourrait-il aller
quand tout avait disparu
sous l’habitude et l‘insignifiance
et les opinions creuses ?

on avait beau penser à la Grèce
traduire les tragédies
se complaire à cette hyperbole archaïque
rêver à l’idéal
le paysage avait changé
totalement changé
il l’avait senti cette horrible nuit
en traversant l’Auvergne
perdu
dans la glace et la neige
il l’avait senti
le paysage avait changé
plus froid
plus escarpé
informe –
la poésie elle-même devait changer

nul dieu à célébrer
dans un théâtre ensoleillé
un néant à affronter
dans un espace ouvert…

errant dans les rues de Bordeaux
aux jours rouges de septembre
il regardait les ombres
lentement se déplacer
voyait à quelque haute fenêtre
un beau visage
apparaître, puis disparaître

il lui faudrait apprendre
à voyager seul.
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Cérémonie d’hiver
1
  
  
  
  
Il fait encore nuit
de gros flocons voltigent devant la vitre
et les toits des dépendances
sont tous bossus
quand j’allume la radio

« Sémaphore de Bréhat, bonjour
voici le bulletin
de la Météorologie nationale
pour la zone côtière
entre le cap Fréhel et la baie de Lannion
prévisions pour la journée du 8 janvier :
temps très froid
sous un ciel très nuageux
vent variable de dix à quinze nœuds
mer peu agitée
visibilité souvent inférieure
à un mille
sous des averses de neige. »

tout le département des Côtes-du-Nord
est sous la neige
il a neigé à Ouessant
pour la première fois depuis cent ans
ici à Gwenved
au-dessus de la baie de Lannion
près du vieux sanctuaire
il n’ y a rien
pas un bruit
seulement la forêt bleue, le ciel gris
et le long murmure de la mer

des oiseaux traversent le ciel par instants
sternes et goélands
et pies de mer
blancs, blancs et noirs dans le blanc
parfois une grive, ou un moineau tout brun
volette autour du seuil
mais le plus souvent il n’ y a rien
seulement la neige qui tombe
et le ronron du radiateur
ici dans l’atelier
et la lumière blanche
la douce lumière banche
filtrée par la neige qui recouvre la fenêtre.


/ Traduit de l’anglais par Marie-Claude White
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