Voici un roman pourvu de toutes les qualités qu'on souhaite retrouver au sein d'une oeuvre de SFFF voire d'une oeuvre littéraire tout court. Aussi bien sur la forme que sur le fond. Il est truffé d'hommages appuyés à un nombre impressionnant d'oeuvres du XIXème siècle. Et en tout premier lieu à
Trois hommes dans un bateau de
Jerome K. Jerome dont la seconde partie du titre n'est autre que
Sans parler du chien (Le titre complet étant, pour ceux qui ne suivent pas :
Trois hommes dans un bateau,
sans parler du chien). La balade en barque rappelle bien sûr celle qui forme l'ossature du livre de Jerome. On rencontrera même, au détour d'un méandre de la Tamise, les fameux trois hommes et leur chien, Montmorency. Jusqu'aux chapitres du récit de
Connie Willis qui reprennent ces petits résumés énigmatiques et savoureux en guise d'en-têtes qu'avait utilisé l'auteur britannique. Autre point commun avec le roman "initiateur" : l'humour. de l'humour léger, malicieux, pétillant, érudit, ironique. L'auteure donne aussi dans l'auto-dérision. Elle n'hésite jamais à tomber (pour rire) dans les travers qu'elle vient juste de dénoncer chez d'autres écrivains.
Autre qualité du livre et non des moindres : ses dialogues. Ils sont très nombreux sans être envahissants. Et surtout, ils sont bien ciselés, vivants et ils sonnent authentiques. Certaines répliques semblent tout droit sorties de dialogue de cinéma tant le découpage est juste, précis.
Le roman est également très érudit, comme j'ai déjà pu le signaler, mais sans pour autant faire paraître le lecteur stupide comme le font parfois certains auteurs. Même si certaines références nous échappent, ces lacunes ne gâchent en rien le plaisir de la lecture. Au pire, elles nous invitent à lire les auteurs cités.
Les personnages sont, c'est selon, extrêmement attachants ou prodigieusement antipathiques, mais les plus imbuvables sont la cause de situations tellement drôles qu'on leur pardonne aisément. Il y a les historiens (les voyageurs du temps) toujours comme un peu perdus au sein d'époques qui ne sont pas les leurs, sortes d'apprentis sorciers qui jouent avec des forces qui les dépassent. Et puis tous les autres. L'étudiant exalté, la jeune fille de bonne famille écervelée et futile (Henri VIII s'appelait ainsi parce qu'il avait 8 femmes), le professeur distrait, la mère autoritaire mais crédule, le père passionné et donc absent, le majordome irréprochable ... J'en passe.
Sans parler du chien. Et du chat.
Quant à l'histoire, elle est de celle qui devrait réjouir, à mon sens, les amateurs de Science-Fiction comme les autres. Les voyages dans le temps ne sont ici qu'un prétexte pour nous entrainer dans un voyage délicieux dans l'Angleterre Victorienne. J'avoue même que les passages se situant au XXIème siècle n'ont pas eu ma préférence, même s'ils restent tout à fait agréables à lire. Les explications des incongruités inhérentes aux voyages dans le temps ne sont pas toujours très claires et sont souvent incompréhensibles pour le lecteur. Reste qu'il y a par ailleurs des démonstrations extrêmement brillantes et pour le coup, tout à fait claires, notamment sur les répercussions qu'auraient pu avoir quelques détails mineurs sur l'issue de la bataille de Waterloo.
Bon, en un mot comme en cent,
Sans parler du chien est un véritable coup de coeur. Alors, si vous êtes tentés par de la SF drôle, intelligente, érudite, n'hésitez pas une seconde.
(Chronique écrite le 2 août 2010)
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