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EAN : 9782363083302
144 pages
Arléa (06/04/2023)
3.72/5   123 notes
Résumé :
Un jour, Aloïs, libraire à Paris, reçoit la lettre d'un notaire d'Inverness lui annonçant qu'une inconnue, Heather McFerguson, lui lègue sa maison dans le village d'Applecross.
Qui est cette femme, dont Aloïs n'a jamais entendu parler et surtout pourquoi fait-elle de lui son héritier universel ? Après avoir hésité, il accepte et se rend en Ecosse pour essayer d'élucider ce mystère. Là-bas, dans ces paysages faits d'eau, de pierres et de lumière, il ressent ce... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
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Un petit livre emprunté à la médiathèque, parce que je me souvenais en avoir lu le titre. Mon cher et tendre (le mien Anna, pas le tien) l'a lu en premier et me l'a tendu en me disant : Tu l'auras lu en moins d'une heure et tu passeras un bon moment.

Un homme libraire de son état (premier bon point) hérite d'une maison en Écosse (deuxième bon point). Il ne connaissait absolument pas la vieille dame décédée, n'a aucun lien de parenté avec elle et décide après quelques hésitations de s'y rendre. On va découvrir avec lui quelques secrets de famille et ce petit bout d'Écosse.

La découverte de ces paysages, de ces ambiances, des éléments parfois déchainés m'a séduite beaucoup plus que celle des secrets de famille, et cela a été pour moi l'aspect le plus plaisant dans ce roman au style un peu plat, à l'intrigue pas très originale. Mais quelques personnages et les paysages, landes, mer, vent , écume, loch, sauvent l'ensemble et j'ai effectivement passé un bon moment.

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"Il comprendra vite qu'ici personne n'entreprend jamais rien d'important avant de boire une généreuse tasse de thé. Un thé fort, adouci par un nuage de lait frais, entier." (P.10)

En cette période fraîche et pluvieuse, il était temps pour moi de retrouver tout bon comparse qui se respecte pour une lecture réconfortante : une tasse de thé, un poêle qui laisse filtrer le crépitement des bûches, un plaid et ... la compagnie d'un de mes 3 chats qui veut bien se dévouer pour compléter le tableau parfait de la lecture automnale !

Une fois bien installée, j'entame cette lecture qui se veut assez légère, pas au point d'être qualifiée de littérature "feel good", mais d'un petit format, d'un style aisé à lire et qui n'étouffera pas le lecteur de description alambiquée ou d'une profusion de personnages. Peut-être au point de souffrir d'un style parcimonieux, aux yeux des lecteurs qui apprécient les lectures plus étoffées.
Cependant, cette petite excursion en Ecosse, sans retard de vol, perte des bagages ou barrière de la langue à l'accent bien typique, m'a fait beaucoup de bien !

Aloïs vit en France, où il est libraire. Il vient de se séparer de sa compagne Anne, certainement plus intéressée par son vaste appartement parisien que par leur relation affective.
Mais un mal pour un bien, dans le même temps, il hérite d'une petite maison en Ecosse, à Applecross dans les Highlands.
L'ennui, c'est qu'il ne connaissait pas la propriétaire, qui fit pourtant de lui son héritier : Miss Heather Margaret Jane Fergusson...
Et pour cause, cette dernière assure dans son testament qu'ils n'ont pas de liens familiaux.

Un petit tour sur une carte et quelques images sur internet pour planter le décor.
Applecross se situe sur une péninsule du Royaume-Uni, située dans le Nord-Ouest de l'Écosse, en face de l'île de Skye. Intriguée par le nom de cette bourgade, par curiosité je découvre qu' Applecross, en gaélique écossais "A' Chomraich", signifie en français "Le Sanctuaire". Intéressant vu le récit qui m'attend. Sanctuaire... Quel mystère repose donc enseveli sous le silence à Applecross ?

Avec rapidité et facilité, les démarches pour organiser le voyage nous sont épargnées et nous voilà directement dans le vif du sujet, pendant qu'Aloïs, lui, est précipité dans une situation étrange : habiter la maison d'une inconnue. Aucune photo, il ne peut même pas mettre un visage sur ce nom qui ne lui évoque rien. "Pour cela [trouver une photo], il faudrait chercher, ouvrir les tiroirs et les armoires, mais en a-t-il le droit? Il a hérité de sa maison, pas de son intimité." (P.23)

Heureusement, pour se réconforter il a apporté avec lui ce que son père, un homme réservé, pudique, autrefois antiquaire, mais aujourd'hui décédé, lui a transmis: un livre de Tolkien, "Le seigneur des anneaux". Cette édition en français, présente pourtant une 1ère page tamponnée au nom d'une librairie d'Inverness, très proche. le mystère s'épaissit et bien évidemment, vient amplifier le questionnement au sujet de cette maison léguée par une inconnue. Car il ne saurait relever du hasard que ce roman, tellement aimé de son père, provienne d'une librairie se trouvant seulement à quelques kms de ce nouveau"chez lui" tombé du ciel...
Quelques informations sont glanées auprès des proches de la généreuse défunte, notamment la voisine, Eileen, qui lui apprend qu'Heather était férue de lecture et amoureuse des livres.

Naturellement, le récit se tourne vers l'investigation du lien opaque d'Aloïs à ce lieu mais surtout à sa propre histoire familiale.
Par cette enquête sur l'origine du livre transmis par son père, Aloïs se remémore ce dernier et évoque des images chargées d'émotion :
"Il revoit le bonheur sur le visage de son père quand il dépliait la carte, ses gestes lents quand il feuilletait les pages, son corps figé et son âme absente quand il devait interrompre sa lecture et refermer le livre." (P.38)
" C'était le livre de son père. C'était aussi le seul lien qui ait jamais existé entre eux." (P.42)

Aloïs est parachuté dans un univers qui lui est totalement étranger, mais pas seulement du fait de la langue, surtout parce qu'il vient d'une famille où les liens étaient abîmés, le lien à la terre inexistant, le contact avec les éléments naturels, filtré et réduit, et le sens de la communauté, perdu. L'immersion dans ce petit village écossais typique est donc un bouleversement pour lui et il retrouve une joie de vivre qu'il ne ressentait plus.

J'ai apprécié cette incursion réconfortante dans un univers de plaisirs simples, où l'olfactif s'impose, comme une réminiscence de nos souvenirs d'enfance.
"Les murs sont tapissés de livres de poche bon marché, usés, écornés, serrés les uns contre les autres sur des planches de bois brut. En entrant, Aloïs se sent chez lui. L'odeur sèche du papier lui serre le coeur et le rassure à la fois. Parce que cette librairie lui rappelle la sienne, à Paris?" (P.37)

Outre l'olfactif, il y a aussi de nombreuses incursions gustatives avec la référence évidemment au sacro-saint thé bien fort, mais aussi quelques douceurs typiques : le "sticky toffe " "gâteau nappé d'une épaisse couche de caramel. Un biscuit brun, dense, pour affronter les bourrasques et les tempêtes."(P. 41)

Alors, c'est vrai, j'aurais certainement aimé un peu plus de descriptions, une immersion plus nourrie dans ces paysages de lochs, une peinture plus précise des personnages, mais l'intrigue se tient, et louvoyer aux côtés d'Aloïs est plaisant même si on aurait bien repris un petit whisky,... euh pardon, un thé, je voulais écrire un thé bien sûr !
Ces aventures à Applecross me donnent des envies d'Écosse, de pub où se réunir autour d'une bière locale, des envies de balades sous la bruine, emmitouflée dans un caban en laine, des envies de thé chaud au coin du feu... ou un whisky donc, Ecosse oblige, quand même !
Ce côté "retour aux choses simples" dans une vie où la communauté est importante m'a beaucoup plu.
"Depuis des générations, on vient s'abreuver de chants, se repaître de ces moments qui font lien. On se touche, on se serre, épaule contre épaule. Et bientôt on se lève, on danse. [...] le soir, dans un pub, et encore plus un soir de concert, on ne reste jamais seul. On se rejoint, on se regroupe, on partage." (P.55)
Et puis, de temps en temps, c'est réconfortant d'être plongée dans une atmosphère apaisante où ce qui prédomine, ce sont les liens d'ici et maintenant, et où la culture et l'histoire communes font "ciment" entre les habitants.
"Ces musiques celtes, c'est notre culture, c'est ce qui nous lie avec les anciens".(P.104)

J'entendrai presque la typique "cloche des marées" posée sur le sable et qui sonne lorsque monte la marée !
J'ai convoqué quelques images, du film "The Holiday" pour l'ambiance cosy cottage, du film de Ken Loach "La Part des anges" pour l'incursion dans le terroir écossais avec cet accent bien particulier, et de la série "Shetland" pour ses enquêtes et ses paysages sublimes!
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Les secrets de la maison d'Applecross

Avec ce second roman, Sylvie Wojcik confirme les espoirs nés avec Les narcisses blancs. Elle nous entraîne cette fois en Écosse sur les pas d'un libraire parisien bien décidé à comprendre comment il a pu hériter la maison d'une illustre inconnue.

Quand Aloïs découvre le contenu du courrier qui lui est adressé par un notaire d'Inverness, il croit d'abord à une erreur. Mais c'est bien son état-civil qui figure en détail sur le courrier venu d'Écosse et lui annonçant qu'il était l'héritier d'une maison appartenant à une défunte Heather McFerguson. le coup de fil passé à l'étude ne lui en apprendra pas davantage, sinon qu'il peut refuser ce leg. Après des recherches vaines dans le coffre où les souvenirs de famille sont rangés et une nuit censée porter conseil, il décide finalement de faire le voyage pour tenter de comprendre ce qui le lie à cette inconnue.
Ce qu'il ne sait pas encore, c'est qu'il emporte avec lui une pièce importante du puzzle, le Seigneur des anneaux de Tolkien que lui a offert son père et qu'il a lu et relu dans son enfance et qu'il a retrouvé dans la caisse aux souvenirs. Cette version française, illustrée avec la carte détachable du monde où se déroule l'intrigue porte la marque d'une librairie d'Inverness. Mais après avoir acquis la certitude que ce livre provenait bien de cette terre très éloignée, il lui faudra encore beaucoup de temps à rassembler les pièces du puzzle.
Mais après tout, il n'est pas pressé. Son ami et collègue Johan peut présider aux destinées de leur librairie en son absence. Lui doit se frotter aux habitants du village et essayer de leur tirer les vers du nez. Eileen, à qui Heather avait confié les clés de la maison avant sa venue n'est guère diserte. Elle peut tout au plus lui indiquer les personnes qui ont bien connu la vieille dame et l'aider pour l'intendance, elle qui tient la seule épicerie du village. Au fil des rencontres et des échanges avec Stuart le pasteur de Lochcarron, Jim McLeod, Archie et les rares clients du pub, la vérité va s'esquisser, le secret de famille se révéler. Entre promesses et renoncements va surgir un amour si fort qu'il ira jusqu'au sacrifice.
Une quête qui va transformer Aloïs, qui va s'attacher à sa maison inconfortable, à ce paysage de lande et de tempêtes que Sylvie Wojcik rend avec autant de précision que de poésie, donnant à ses lecteurs l'envie de partir eux aussi explorer ces paysages.
C'était du reste aussi le cas dans son précédent roman, Les Narcisses blancs, qui nous menait sur les Chemins de Compostelle. Et là encore, il s'agit de rencontres qui changent une vie. Émouvante et touchante, cette histoire est à la fois une invitation au voyage et une belle réflexion sur la transmission. N'hésitez pas à filer en Écosse!


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Les dernières volontés de Heather Fergusson de Sylvie Wojcik
Arléa

Chaque livre est un voyage. Ce voyage-là m'emmène en Écosse. Avec une thématique qui m'est chère, celle de la filiation.
Aloïs mène une vie un peu routinière entre sa librairie parisienne et l'appartement de son père, son refuge, entre son meilleur ami et associé et sa fiancée Anne qui vient de le quitter.
Un jour, à sa grande surprise, il hérite d'une maison en Écosse, à Applecross exactement face à l'île de Skye. Applecross signifie sanctuaire en gaélique, un nom dévolu, pour cet endroit battu par les vents et par les vagues, un repaire digne de pirates ou d'ecclésiastes esseulés. Là dans cette nature sauvage, la maison est modeste, les tapis bigarrés et les fauteuils fleuris avachis, et contre la maisonnette, le fumoir à saumon.
Aloïs tombe en résonance avec cette maison inconnue, sur place, il gagne la confiance des autochtones et essaie d'en savoir plus, sur la mystérieuse et généreuse Heather, l'ancienne propriétaire. Mais c'est avec parcimonie que les uns et les autres vont livrer à Aloïs des informations sur la vieille dame, sa vie, sa façon d'être au monde. Aloïs va dérouler le fil de l'histoire et ainsi cheminer dans son parcours de vie.
Sous le ciel délavé de l'écosse, l'enquête familiale va prendre la tournure d'une quête personnelle au fil des rencontres : une libraire à Inverness, un McLeod réfractaire au clan ancestral, un pasteur coincé dans le labyrinthe du temps.
Ce livre est un pur bonheur, il vous donne envie de poser vos valises ailleurs, et puis comment pourrait-il en être autrement avec un roman qui débute de cette façon : « ...ici personne n'entreprend jamais rien d'important avant de boire une généreuse tasse de thé. »
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Qui n'aimerait pas se voir léguer comme par magie une maison en Ecosse ?
C'est ce qui arrive à Aloïs, un libraire parisien, qui décide d'aller sur place voir de quoi il retourne.
Bon, même si le côté bobo parisien qui peut se permettre de quitter son appartement et son travail du jour au lendemain pour une durée indéterminée m'agace un peu, j'ai bien aimé suivre la quête de cet homme qui ne sait pas qui est la femme qui lui a légué sa maison, et qui va tenter de comprendre à quoi lui est dû cette bonne fortune.
Les descriptions des paysages du nord-ouest de l'Ecosse sont splendides, on s'y croirait vraiment.
J'ai beaucoup aimé me plonger dans ce court roman, qui allie une pointe de mystère, de beaux passages sur la nature ou sur les habitants de cette région, quelques secrets et un bon bol d'air iodé.
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critiques presse (2)
SudOuestPresse
26 juin 2023
Dans les paysages somptueux des rivages de l’Écosse, un libraire français vient à la rencontre d’une histoire familiale dont il ignorait tout
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Liberation
17 avril 2023
Naturellement, il s’agira de savoir en quoi son vieil exemplaire du Seigneur des anneaux relie Aloïs à Heather, mais le thème du roman – le troisième de Sylvie Wojcik – tourne autour de l’apaisement.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
En sortant de l’étude du notaire à Inverness, Aloïs rejoint immédiatement sa voiture. Si vous voulez y aller dès aujourd’hui, tâchez d'arriver avant la nuit. La route n’est pas évidente, lui a confié l'homme serré dans son costume trois pièces, avant de refermer la porte capitonnée de son bureau.
Après le pont de fer au-dessus de la rivière Ness, Aloïs entre dans le vif du paysage: un vallonnement de lande à perte de vue sous un ciel dessiné au couteau. Il quitte la route principale pour suivre une voie unique, bordée de traits blancs, avec des espaces de croisement sur le côté tels les renflements d'une veine.
La visibilité est réduite. Chaque tournant pourrait être un tremplin vers le vide. Aloïs serre à droite. Non, à gauche. Ici on roule à gauche.
Ses repères sont bouleversés. L'essentiel est de garder le cap.
Aloïs ne croise personne, ce qui le rassure et l’inquiète à la fois. Il a hâte d'arriver. La route tourne et grimpe jusqu’à un plateau surplombant la baie. Il s'arrête et relâche ses bras qui s'étaient crispés sur le volant. La lumière du soir s’est déposée par cristaux en contrebas, à la surface de l'eau. Mer, lac, fjord? Il ne sait pas très bien. Il y a l’eau, il y a la terre, la terre percée d’eau ou la mer recouverte d’îlots, il ne saurait dire. Tout cela l’attire mais ne lui rappelle rien, ne lui parle pas. Seul le vent qui s'engouffre dans son caban lui souffle de continuer sa route. La Fiat 500 rouge, louée ce matin à l'aéroport d'Édimbourg, descend prudemment vers la baie d’Applecross.
Le cœur du village est une rue bordée de maisons blanches, tapies les unes contre les autres, comme rejetées d'un bloc par la marée, Aloïs arrive avec le crépuscule. C'est la dernière maison, lui a dit le notaire, avec un ancien fumoir à saumon à l'arrière. À quoi peut bien ressembler un fumoir à saumon? Il n'en a aucune idée.
Il s'engage doucement dans la rue jusqu'au pub. L'endroit est animé. Les vitres sont couvertes de buée. Quelques personnes fument devant la porte, d'autres discutent dans la rue. Aloïs est obligé de s'arrêter. Les gens s'écartent lentement en faisant un signe de la main. Par la porte ouverte, il discerne des voix fortes et des verres qui s'entrechoquent. Bientôt des notes échappées de cordes pincées émergent du brouhaha. Les voix si inégales quand elles parlaient, avec le chant ne font qu'une. Aloïs reste là quelques secondes avant de poursuivre son chemin.
Il y a de la lumière à l'intérieur et des bottes en caoutchouc sur le paillasson. Il a dû se tromper. C'est pourtant bien la dernière maison. Il cherche une sonnette et ne trouve qu'un heurtoir à mi-hauteur de la porte, une main effilée en bois dur qu'il n'ose pas toucher, mais déjà la porte s'ouvre. Une femme emmitouflée dans un châle à franges trop grand pour elle lui fait signe d'entrer.
Elle s'appelle Eileen et était la meilleure amie de l'ancienne propriétaire, Heather McFerguson. C'est elle qui a entretenu la maison depuis le départ de Heather. Le notaire lui avait demandé d'être là aujourd'hui. Depuis ce matin, elle attend, mettant encore de l'ordre par endroits.
— Heather était tellement méticuleuse, s'empresse-t-elle d'ajouter. Elle n'aurait pas souhaité que sa maison soit laissée à l'abandon, même si, à la fin, la pauvre ne s'en préoccupait plus. Elle ne pouvait même plus dire où elle habitait. C'est triste. Vous avez acheté la maison avec le mobilier, je crois ?
Acheté? Aloïs croit avoir mal compris. Pourtant les paroles d'Eileen sont parfaitement claires malgré son accent. Non, cette maison, il ne l'a pas achetée. Elle semble l'ignorer et c'est certainement mieux ainsi. D'ailleurs, personne n'avait prévenu Aloïs de la présence de cette femme. Il ne s'en offusque pas, il est juste un peu surpris.
— Oui, bien sûr, j'ai tout acheté.
— Alors, je vous montre. Mais avant, vous prendrez bien une tasse de thé?
Aloïs a hâte d'être seul mais il lui est impossible de refuser. Il comprendra vite qu'ici personne n'entreprend jamais rien d'important avant de boire une généreuse tasse de thé. Un thé fort, adouci par un nuage de lait frais, entier.
Après lui avoir signalé plusieurs défauts de la maison, le chauffe-eau qui siffle, la fenêtre de la chambre qui ferme mal, le portillon qui grince, Eileen se décide enfin à prendre congé. S'il a besoin de quoi que ce soit, qu'il n'hésite pas à venir la voir. Elle tient l'épicerie du village.
— Ah, j'oubliais. Voici ma clé, dit Eileen, hésitante, pensant peut-être qu'Aloïs lui proposerait de la garder.
— Merci. La clé d'Eileen serrée au creux de la main, il reste quelques minutes adossé à la porte d'entrée, observant l'intérieur de la maison.

«Selon les dernières volontés de Miss Heather Margaret Jane McFerguson…» Heather Margaret Jane McFerguson. Combien de fois avait-il prononcé, à haute voix ou en lui-même, ce nom inconnu, cette suite de sons qu'il trouvait harmonieuse mais qui n'éveillait rien en lui? Chaque soir avant de s'endormir, il se répétait: Heather Margaret Jane McFerguson, Applecross, pour essayer de faire ressurgir ne serait-ce que l'esquisse d'un souvenir. Il l'avait même prononcé dans son sommeil. C'est ce que lui avait dit Anne lorsqu'elle était venue chercher ses cartons et qu'ils avaient dormi sous le même toit pour la dernière fois. Mais trop impatiente de partir et absorbée par sa nouvelle vie, elle n'avait fait aucun cas de ces paroles, ni posé aucune question.
Une fois seul pour de bon, un lundi après-midi, Aloïs ferma la librairie et, dans l'arrière-boutique, il relut avec attention la lettre venue d'Écosse. Qui pouvait bien être cette femme? Applecross, Highlands, Écosse, où était-ce exactement? Aloïs ne connaissait personne dans ce pays. Il avait cru d'abord à une erreur mais son état civil, décliné dans les documents, était en tous points exact: Aloïs François Marie Delcos, né le 11 juillet 1969 à Paris, VIe.
Il se récita quelques phrases toutes faites en anglais, piochées dans un vieux Harrap's, et après maintes répétitions et hésitations, se résolut à téléphoner à Inverness. Le notaire lui expliqua la situation dans un français impeccable. La défunte lui avait dicté son testament environ deux ans avant son décès. Elle était venue seule, avec toutes les informations en tête concernant son héritier. Avec clarté et détachement, le notaire expliqua à Aloïs qu'il pouvait refuser l'héritage sans donner de motif, par simple lettre recommandée. Il disposait d'un délai légal d'un mois avant de se décider. Aloïs essaya d'obtenir quelques informations sur cette femme, mais le notaire lui répéta ce qui figurait déjà dans le courrier : nom, adresse, date et lieu de naissance. Il ajouta qu'elle était décédée à «l'entité spécialisée» de l'hôpital d'Inverness, qu'elle avait toujours vécu à Applecross, dans cette maison qu'elle lui léguait et qu'elle tenait de ses parents. Elle était célibataire, n'avait ni frère ni sœur, ni aucune autre descendance. Sur le formulaire officiel du testament, elle avait certifié sur l'honneur n'avoir aucun lien de parenté avec Aloïs. D'après les recherches généalogiques d'usage, elle n'en avait pas non plus avec quiconque encore de ce monde. Toutes ces informations figureraient sur l'acte de succession qui lui serait remis s'il acceptait le legs. C'est tout ce que le notaire avait à lui dire. Il avait exclusivement pour rôle de faire appliquer le droit et de respecter la volonté de ses clients, pas de fouiller dans leur passé. Aloïs aurait voulu lui demander si elle lui avait parlé de lui mais il sentit bien qu'il n'obtiendrait rien de plus de cet homme si attaché à son devoir. Il lui dit poliment qu'il allait réfléchir. Le soir même, dans son appartement, Aloïs ouvrit l'ancienne malle de voyage où il conservait les quelques objets qui lui restaient de ses parents. Sous les coussins en soie élimés, il sortit le Polaroïd et la caméra Super 8 de son père, les paquets de lettres et de cartes postales serrées par des élastiques et les boîtes à chapeau de sa grand-mère maternelle, remplies de photos en noir et blanc. Il explora la malle de fond en comble et relut chacune des lettres, à la recherche d'une photo, d'un mot, d'un signe ou d'une allusion à cette femme ou à ce pays. Il y passa la nuit, la suivante et encore la suivante. Parce que la nuit, pensait-il, serait plus propice à révéler les secrets. Mais ces nuits-là le laissèrent dans les ténèbres les plus profondes. Pas un début d'explication. Rien, à part des anecdotes qu'il connaissait déjà et qui l'avaient toujours ennuyé. Rien d'Écosse ni d'Applecross, rien de Heather ni de Margaret, ni de Jane, ni de McFerguson. Il replaça le tout dans la malle, à l'exception de l'album photo de son enfance et de quelques livres de sa jeunesse qu'il fut heureux de retrouver.
L'album recouvert de cuir peint avait été confectionné par sa mère, restauratrice de livres. À l'intérieur, elle avait inséré des photos de son fils. Les photos classiques d'un jeune enfant, entouré et choyé: premier sourire, premier anniversaire, premier Noël, premières vacances à la mer. Aloïs les connaissait par cœur mais, ce soir, il avait l'impression de les regarder pour la première fois. Il s'attachait aux détails, surtout aux visages et aux expressions. Il observait son enfance avec recul et, peu à peu, avec effroi. Était-il vraiment un des leurs?
Parmi les livres sortis de La malle, il mit la main avec émotion sur Le Seigneur des anneaux de Tolkien, version illustrée avec la carte détachable du monde où se déroule l'intrigue: la Terre du Milieu. Un livre qu'il avait lu tant de fois pendant ses jeunes années et qu'il n'avait pas touché depuis. Un monde où, adolescent, il s'était si souvent retranché. Il dépoussiéra délicatement la couverture et, assis sur son lit, il l'ouvrit et entra chez les Elfes et les Hobbits, dans des lieux qui le fascinaient et l'effrayaient à la fois. Il entama une nouvelle lecture de son Seigneur des anneaux jusqu'à tard dans la nuit
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Impossible de quitter cette terre qui le retient par sa vérité, son authenticité et sa désolation heureuse, où la nature s’exprime dans toutes ses forces et où il est beau de ne pas pouvoir lutter contre parce que, même quand les éléments se déchaînent, quand la marée vient frapper violemment les rochers ou quand les nuages se mettent en ordre de bataille, il y a toujours une faille, un ruban d’écume assagie ou un rai de lumière qui apporte l’espoir d’un apaisement.
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Impossible de quitter cette terre qui le retient par sa vérité, son authenticité et sa désolation heureuse, où la nature s’exprime dans toutes ses forces et où il est beau de ne pas pouvoir lutter contre parce que, même quand les éléments se déchaînent, quand la marée vient frapper violemment les rochers ou quand les nuages se mettent en ordre de bataille, il y a toujours une faille, un ruban d’écume assagie ou un rai de lumière qui apporte l’espoir d’un apaisement.
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Plusieurs groupes entrent bruyamment dans le pub. Des voix claires s'élèvent au-dessus du bruit. Jim boit une longue gorgée de bière. Il fredonne en tapant légèrement sur la table. Aloïs est lui aussi peu à peu habité par ces mélodies. Une mousse nourrissante déborde des verres. Depuis des générations, on vient s'abreuver de chants, se repaître de ces moments qui font lien.
....
Le soir, dans un pub, et encore plus un soir de concert, on ne reste jamais seul.
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Impossible de rentrer, pour l'instant ou jamais. Impossible de quitter cette terre qui le retient par sa vérité, son authenticité et sa désolation heureuse, où la nature s'exprime dans toutes ses forces et où il est beau de ne pas pouvoir lutter contre parce que, même quand les éléments se déchaînent, quand la marée vient frapper violemment les rochers ou quand les nuages se mettent en ordre de bataille, il y a toujours une faille, un ruban d'écume assagie ou un rai de lumière qui apporte l'espoir d'un apaisement. 
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Vidéo de Sylvie Wojcik
Il sera question de hasard, d'audace et de renoncement, de choix, de promesses tenues ou non, de silence et de secrets. Les paysages d'Ecosse, omniprésents, grandioses et purs, qui gardent la trace de ceux qui passent et veillent sur eux, dévoileront la fuite, le déchirement entre passion et raison, fidélité et abandon. Une peinture de l'Ecosse magnifique !
À retrouver sur la librairie en ligne de la Griffe Noire : - Les dernières volontés de Heather McFerguson, de Sylvie Wojcik chez Arléa. https://lagriffenoire.com/les-dernieres-volontes-de-heather-mac-ferguson.html
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Belles lectures !
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