Je n'avais jamais lu
Tom Wolfe. Et puis, l'année dernière, suite à l'annonce de sa mort et aux éloges du journaliste de la radio, j'ai mis "
Le bûcher des vanités" dans un coin de ma tête. Une année s'est encore écoulée avec tellement d'autres tentations littéraires à assouvir avant de me décider à en tourner les pages. Et quelle claque ! Un livre puissant, monstrueux, universel, avec un titre qui résonne comme celui qui lui ressemble tellement écrit par
Thackeray. Une grande comédie humaine, une parade tragicomique (très tragique et très comique si vous avez encore de l'énergie pour rire), à la fois chirurgicale et magnifique. Et si nous disons comédie, disons
Dante et disons voyage infernal, parce que c'est dans un voyage infernal que nous entraine avec un gout sadique l'impitoyable
Tom Wolfe. Même les chiens ne sont pas sauvés ici. Et si nous disons comédie humaine, disons
Balzac ou
Zola et disons étude méticuleuse d'une société, parce que c'est une dissection précise et sournoise de la société new-yorkaise des années 80 que nous délivre le fin observateur
Tom Wolfe avec un réalisme sans indulgence et une sincérité sans concession. Pour l'essentiel, ce livre examine trois hommes écoeurants : Sherman McCoy, un golden boy de Wall Street imbu de lui-même et se prenant pour un maitre de l'univers, Lawrence Kramer, un substitut du procureur du tribunal du Bronx, jeune homme ambitieux et voulant impressionner et Peter Fallow, un journaliste britannique alcoolique à la recherche d'une histoire sensationnelle pour sauver sa carrière (et toujours de quelqu'un pour lui payer son vin ou son dîner).
Tom Wolfe détaille comment leur ego et leur vanité contrôlent et détruisent leurs vies. Mais le personnage principal est la ville de New York dont on sent l'ambivalence des sentiments que
Tom Wolfe éprouve pour elle. de l'admiration bien sûr, pour une ville fascinante, spectaculaire, bourrée d'énergie, qui permet d'assouvir toutes les ambitions, qu'elles soient financières, politiques ou artistiques. Mais aussi du dégout pour une ville injuste, sale, raciste et violente où se croisent les appétits d'individus ou de communautés cyniques, cupides et corrompus. Malgré cette critique lumineuse et pointue de la société new-yorkaise, ce livre renferme quelques défauts. Nous ne suivons essentiellement que trois hommes, ce qui signifie que, malgré les tentatives de Wolfe de nous donner une large vue de la société, nous ne la voyons que dans les yeux d'hommes blancs des classes moyennes et supérieures. Certains personnages ne sont pas assez développés comme les femmes ou les Afro-Américains. Dans un livre qui parait assez moderne, cette restriction des points de vue ressemble plus à un retour en arrière. La fin est aussi un peu trop ridicule et rapide à mon gout. Néanmoins, je ne souhaite pas ternir toute la puissance diabolique qui la précède. À lire absolument.