Une chambre à soi (Un lieu à soi)

Les chef-d’œuvres ne naissent pas isolés et solitaires ; ils sont le fruit de nombreuses années à penser en commun, à penser par le corps des gens, de sorte que l’expérience de la masse est derrière la voix solitaire.

La constitution humaine étant ce qu’elle est, et non séparés dans des compartiments comme ils le seront sans aucun doute dans un million d’années, un bon dîner est de grande importance pour une bonne conversation. On ne peut ni bien penser, ni bien aimer, ni bien dormir, si on n’a pas bien dîné.

Ecrire une œuvre de génie est presque toujours une prouesse d’une prodigieuse difficulté. […] Le monde ne demande pas aux gens d’ écrire des poèmes et des romans : le monde n’en a pas besoin.

On ne peut ni bien penser, ni bien aimer, ni bien dormir, si on n'a pas bien dîné. (Page 23)

La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. La poésie dépend de la liberté intellectuelle. Et les femmes ont toujours été pauvres, et cela non seulement depuis deux cents ans, mais depuis le commencement des temps.

(...) car les livres, malgré notre habitude de les juger isolément, se continuent les uns les autres.

Sur la rive d'en face les saules, cheveux aux épaules, pleuraient dans leur lamentation perpétuelle.

Les femmes ont pendant des siècles servi aux hommes de miroirs, elles possédaient le pouvoir magique et délicieux de réfléchir une image de l'homme deux fois plus grande que nature. Sans ce pouvoir la terre serait probablement encore marécage et jungle.

... la lecture de ces livres semble accomplir sur les sens une curieuse opération ;
il semble qu'on voie avec plus d'intensité après les avoir lus, que le monde a été
dépouillé de son enveloppe, doué d'une vie plus intense.

En imagination, elle est de la plus haute importance, en pratique, elle est complètement insignifiante. Elle envahit la poésie d'un bout à l'autre ; elle est, à peu de chose près, absente de l'Histoire. Dans la fiction, elle domine la vie des rois et des conquérants ; en fait, elle était l'esclave de n'importe quel garçon dont les parents avaient exigé qu'elle portât l'anneau à son doigt. Quelques unes des paroles les plus inspirées, quelques unes des pensées les plus profondes de la littérature tombent de ses lèvres ; dans la vie pratique elle pouvait tout juste lire, à peine écrire, et était la propriété de son mari.