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Citations sur Une chambre à soi (Un lieu à soi) (427)

Vraiment, si la femme n'avait d'existence que dans les œuvres littéraires masculines, on l'imaginerait comme une créature de la plus haute importance, diverse, héroïque et médiocre, magnifique et vile, infiniment belle et hideuse à l'extrême, avec autant de grandeur que l'homme, davantage même, de l'avis de quelques-uns. Mais il s'agit là de la femme à travers la fiction. En réalité, comme l'a indiqué le Pr Trevelyan, la femme était enfermée, battue et traînée dans sa chambre.
Un être étrange, composite, fait ainsi son apparition. En imagination, elle est de la plus haute importance, en pratique, elle est complètement insignifiante. Elle envahit la poésie d'un bout à l'autre ; elle est, à peu de choses près, absente de l'Histoire. Dans la fiction, elle domine la vie des rois et des conquérants ; en fait, elle était l'esclave de n'importe quel garçon dont les parents avaient exigé qu'elle portât l'anneau à son doigt. Quelques-unes des paroles les plus inspirées, quelques-unes des pensées les plus profondes de la littérature tombent de ses lèvres ; dans la vie pratique elle pouvait tout juste lire, à peine écrire, et était la propriété de son mari.
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p 79 « Les difficultés matérielles auxquelles les femmes se heurtaient étaient terribles; mais bien pires étaient pour elles les difficultés immatérielles. L'indifférence du monde que Keats et Flaubert et d'autres hommes de génie ont trouvée dure à supporter était, lorsqu'il s'agissait de femmes, non pas de l'indifférence, mais de l'hostilité. Le monde ne leur disait pas ce qu'il disait aux hommes : écrivez si vous le voulez, je m'en moque... Le monde leur disait avec un éclat de rire : Écrire ? Pourquoi écririez-vous ? »
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Ne vaudrait-il pas mieux tirer les rideaux, laisser au-dehors les distractions, allumer la lampe, restreindre l'enquête et demander à l'historien, qui enregistre non pas des opinions mais des faits, de décrire les conditions dans lesquelles les femmes vivaient, non pas à travers les siècles, mais en Angleterre, au temps d'Élisabeth, par exemple. Pourquoi aucune femme, quand un homme sur deux, semble-t-il, était capable de faire une chanson ou un sonnet, n'a écrit un mot de cette extraordinaire littérature, reste pour moi une énigme cruelle. Quelles étaient les conditions de vie des femmes ? me demandais-je ; car la fiction, œuvre d'imagination s'il en est, n'est pas déposée sur le sol tel un caillou, comme le pourrait être la science ; le roman est semblable à une toile d'araignée, attachée très légèrement peut-être, mais enfin attachée à la vie par ses quatre coins. Souvent les liens sont à peine perceptibles ; les pièces de Shakespeare, par exemple, semblent être suspendues tout naturellement sans aucune aide. Mais quand la toile est tirée sur le côté, arrachée sur ses bords, déchirée en son milieu, on se souvient que ces toiles ne sont pas tissées dans le vide par des créatures incorporelles mais sont l'œuvre d'une humanité souffrante et liée à des choses grossièrement matérielles, tels la santé, l'argent et les maisons où nous vivons.
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Il est vain de dire que les êtres humains devraient se contenter de tranquillité : ils ont besoin d'action; et ils la créeront s'ils ne peuvent la trouver.
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Les femmes, durant tous ces siècles, avaient servi de verres grossissants dont le magique et délicieux pouvoir réfléchissait la silhouette naturelle d’un homme en multipliant sa taille par deux. Sans ce pouvoir, la terre serait encore probablement marécage et jungle. Les gloires de toutes nos guerres seraient inconnues. Nous en serions encore à graver les contours d’un cerf sur les restes d’un os de mouton, et à troquer des silex contre des peaux de brebis ou tout ce que notre goût sans chichis nous dictait comme simple ornement.[…] Quel que soit leur usage dans les sociétés civilisées, les miroirs sont essentiels à toute action héroïque et violente. C’est pourquoi Napoléon et Mussolini ont tous les deux insisté si emphatiquement sur l’infériorité des femmes, car si elles n’étaient pas inférieures elles cesseraient de faire loupe. Cela explique en partie la nécessité que représentent si souvent les femmes pour les hommes. Et cela explique pourquoi la critique féminine les rend si nerveux ; et pourquoi il est impossible à une femme de leur dire que tel livre est mauvais, tel tableau ou telle chose faible, sans leur infliger bien plus de souffrance et sans soulever bien plus de colère que la même critique faite par un homme. Car si une femme commence à dire la vérité, la silhouette dans le miroir rétrécit ; l’aptitude de l’homme à la vie est diminuée. Comment va-t-il continuer à délivrer son jugement, à civiliser les indigènes, à faire des lois, à écrire des livres, à s’habiller pour discourir à des banquets, s’il ne peut plus se voir, au petit déjeuner et au dîner, au moins deux fois plus grand qu’il n’est ?
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Quand un sujet est hautement polémique personne ne peut espérer dire la vérité. On ne peut que montrer comment on en est arrivé à tenir l’opinion que l’on tient.
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Mais après que j'eus lu un chapitre ou deux, une ombre sembla s'étendre en travers de la page. C'était une barre droite, sombre, une ombre ayant quelque peu la forme d'un I. Je me mis à regarder de tous côtés pour tâcher d'avoir un aperçu du paysage caché par cet "I". Cet "I" était-il un arbre ou une femme en train de marcher ? Je n'en savais rien. Mais j'étais toujours ramenée vers cette lettre. Je commençai à être fatiguée de cet "I". Ce n'est pas que cet "I" ne fût un très respectable "I" : honnête et logique, aussi dur qu'une noix et poli par des siècles d'enseignement et de bonne alimentation. Du fond de mon cœur j'admire et je respecte cet "I". Mais (...) le pire de l'affaire c'est qu'à l'ombre de cette lettre tout est aussi informe que dans un brouillard. S'agit-il d'un arbre ? Non, c'est une femme.
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La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles.
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... il est bien désagréable d'être enfermé au-dehors ; puis je pensais qu'il est pire peut-être d'être enfermé dedans ...
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Il est indispensable qu'une femme possède quelque argent et une chambre à soi si elle veut écrire une oeuvre de fiction
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