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EAN : 9782848764955
202 pages
Philippe Rey (07/01/2016)
3.5/5   47 notes
Résumé :
Après trois mois de prison pour faux, DunHuang retourne à Pékin. Mais comment faire avec rien en poche, nulle part où dormir et aucune perspective de travail ? La rencontre avec une vendeuse de DVD pirates va lui donner un début de réponse.De minuscules studios en chambres insalubres, d'un coin de rue à une boutique miteuse, Xu Zechen piste cinq jeunes venus tenter leur chance à la capitale, loin de leurs familles : DunHuang partagé entre l'envie de préparer l'aveni... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
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CECI N'EST PAS UNE LONGUE MARCHE...

Ouvrage lu dans le cadre du Prix du Meilleur Roman Points 2018.

Chaque année, des milliers de chinois habitants les provinces encore reculées de la Chine contemporaine viennent s'entasser dans l'une de ces nombreuses villes champignon qui se construisent et explosent dans l'ancien Empire du Milieu. Bien entendu, ce sont les cités les plus anciennes, principaux lieux de pouvoir politique et économique, et néanmoins les plus atteintes par cette crise de croissance folle qui attirent, tels les papillons de nuit vers les feux d'un lampadaire, l'essentiel de cette population généralement pauvre, sans véritable but autre que celui du mirage de la réussite sociale et de l'enrichissement supposé enfin facile. Pékin est sans doute l'aimant le plus puissant pour cette nouvelle population urbaine dans un pays qui semble vraiment très oublieux de lui-même, de son histoire, de ses traditions (hormis culinaires).

C'est en quelque sorte le portrait de l'un de ces chinois du petit peuple des migrants de l'intérieur que Xu Zechen nous donne à découvrir dans son bref et réjouissant roman "Pékin Pirate". Ainsi, le lecteur va-t-il suivre l'existence quelque peut agitée et incertaine du jeune DunHuang, jeune homme sortant tout juste de trois mois de prison pour avoir été pris la main dans le sac à revendre de faux documents, exercice certes hautement illégal mais, d'évidence, très prisé du chinois lambda, qui pour obtenir sans peine ce niveau d'étude jamais dépassé, qui pour se faire une nouvelle identité, qui, nouveauté du moment, pour obtenir de belles fausses factures...

Cependant, au sortir de ces quelques longues semaines au frais de l'état, tous les anciens contacts de DunHuang ont disparus : ou bien qu'ils aient été arrêté dans le coup de filet qui a suivi le sien, ou qu'ils aient changé d'activité marginale. Mais en Chine comme presque partout ailleurs, la réinsertion pour les anciens détenus est une notion plus qu'incertaine et il faudra à notre jeune homme des trésors d'inventivité, une belle foi en son avenir, un peu de chance, une ou deux rencontres - féminines - essentielles pour rebondir, cette fois dans le monde moins surveillé des services de police, moins rémunérateur sans doute mais tout aussi illégal, de la revente de DVD piratés, la contrefaction étant presque un sport national, tant pour l'export qu'en interne, une activité florissante tant la demande est forte et les DVD originaux hors de portée de toute une frange de la population : étudiants en art, femmes au foyer, célibataires désoeuvrés, amateurs tout simplement éclairé... Sans évidemment oublier ces films, classés X, qui se vendent ici comme ailleurs, dès lors que sévissent les censeurs, sous le manteau et avec des risques proportionnellement accrus ! C'est ainsi qu'apparaît sous nos yeux un tout un petit monde plus ou moins interlope de vendeurs à la sauvette, de faux gros dur, de provinciales rêvant de famille stable et confortablement installée, de femme-fleur forte et fragile à la fois, de profiteurs plus ou moins assumés du système, de petit voyous au grand coeur, le tout dans une Pékin totalement convertie au gigantisme moderne, à la folie des mégalopoles contemporaines qui connait un tel développement que cela ne se fait pas sans logements insalubres, pauvreté plus ou moins cachées, petits boulots flirtant en permanence avec la loi et les forces de l'ordre.

Second ouvrage de cet auteur traduit en français, Xu Zechen livre-là un rapide portrait sans concession mais néanmoins rafraîchissant de cette Chine méconnue chez nous, la Chine qui ne gagne pas des milliards de yuan à la minute, un pays presque totalement dépolitisé - le seul personnage lié au PCC est une secrétaire de parti lambda, à l'haleine abjecte, qui profite de sa position pour louer un gourbi innommable sans risque d'avoir des soucis avec l'urbanisme ! -, mais une Chine d'en bas qui rêve de fortune, de réussite, de films hollywoodiens (mais aussi, étonnement, qui peut passionner pour le cinéma venu d'Europe) et qui, au fond, est déjà très largement américanisée, au moins dans ses rêves d'avenir à défaut de le vivre réellement au quotidien. La globalisation y a déjà fait sa révolution culturelle... Un roman mineur, sans doute, mais jubilatoire car sans prétention affichée ni volonté de prouver ou de démontrer quoi que ce soit de sublime, un récit frisant le documentaire par certains aspects et qui se situe à mille lieues du psychologisme pesant d'une bonne part de notre littérature nationale, les principaux personnages cachant leurs sentiments derrière cette façade parfois impénétrable qu'impose la société chinoise, évitant ainsi des effluves de sentimentalité pénible ou les tortures intimistes qui s'étalent aussi grandes qu'elles sont généralement minables et dérisoires. N'oublions pas que nous sommes dans la traduction d'une langue qui ne connait pas, à proprement parler, le sujet "je" tel que notre grammaire nous l'enseigne.

Par ailleurs, le style rapide de cet ouvrage, presque sec sans jamais être aride, bondissant et direct, parcourant des chapitres aussi envolés que ces vents de sable terribles qui balaient régulièrement la capitale chinoise (lorsque ce n'est pas la pollution atmosphérique) achève de donner cette impression de vie réelle et sans ambages, mais dont on ressort pourtant gentiment attendri. La fin, à l'instar de nombreux passages de l'ouvrage, est d'une tonalité douce-amère teintée de la bouffonnerie je-m'en-fichiste de "l'adulescence" et l'on se prend à penser que cette jeunesse-là est vivante, bien vivante, malgré toutes les difficultés à vivre et à se trouver une destinée dans cette Chine d'où tout repère profond semble avoir disparu.
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Condamné pour trafic de faux papiers, DunHuang vient de passer trois mois derrière les barreaux. A sa sortie, il n'a ni argent, ni logement, ni amis. Son réseau démantelé, son ami et mentor BaoDing toujours sous les verrous, le jeune homme se retrouve seul à Pékin qui essuie une tempête de loess. Sa rencontre avec Xia change la donne, il devient l'assistant de cette vendeuse de DVD pirates qui rêve d'épouser Kuang, de faire un bébé et de retourner dans sa campagne. le commerce est lucratif et DunHuang parcourt frénétiquement tout Pékin pour vendre, se faire le plus d'argent possible et payer la caution de BaoDing. En attendant, il recherche QiBao, la petite amie de BaoDing, sur laquelle il est censé veiller. Ainsi va la vie de DunHuang qui court, livre, cherche un toit, essaie d'améliorer son quotidien et d'éviter de retourner en prison.

Pékin pirate, c'est l'envers du décor du miracle chinois. La capitale attire les jeunes provincieux pour les ensevelir sous la poussière, la pollution, la misère. Logements insalubres, précarité, travail illégal, tel est leur lot dans une cette ville tentaculaire où ils survivent, plus ou moins solidaires, plus ou moins malheureux. Car, s'ils sont désabusés, s'ils ont perdu certaines de leurs illusions, l'espoir est encore là d'une vie meilleure. Toujours à l'affût de LA combine qui leur permettra de s'enrichir, ils vivent en marge de la société, de la ville, de la vie.
Sombre sans être pessimiste, le livre de Xu Zechen est roman réaliste qui raconte la dure réalité de ces jeunes chinois pragmatiques, prêts à tout pour réussir, de vendre des DVD piratés à vendre leurs corps. Dans cet univers où le romantisme, la sensibilité n'ont pas leur place, son ''héros'', DunHuang se démarque. Il a bien intégré les modes de survie, les combines, les pièges de la ville, mais il ne peut s'empêcher d'avoir du coeur. Sans être naïf, il croit encore en l'amitié, la loyauté, voire l'amour. C'est un plaisir de partager un temps, trop court, ses déambulations dans les rues de Pékin avec ce roman vif et moderne.
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Une découverte intéressante que cet auteur phare de la nouvelle génération d'écrivains chinois. Ce roman n'est pas un chef-d'oeuvre, mais il comporte à mes yeux quelques belles qualités.

Xu Zechen nous fait vivre "en direct live" le quotidien du héros DunHuang et d'autres jeunes de son entourage de plus ou moins 25 ans comme lui, dans un Pékin qui se transforme à toute vitesse et qui, même si on n'y meurt pas de faim, nécessite une sacrée dose de débrouillardise pour vivre à peu près décemment, dans un environnement toujours bien tenu par le Parti.
DunHuang a donc eu des activités de faussaire avec son comparse BaoDing qui s'est fait pincer et se retrouve à faire quelques mois de prison. BaoDing lui a demandé de retrouver sa chérie QiBao et de prendre soin d'elle. Mais sur son chemin, il va d'abord trouver la belle Xia, qui avec son copain Kuang s'adonne à un trafic pas plus légal, la revente de DVD piratés, qui en plus pour beaucoup sont des pornos. DunHuang et Xia se séduisent, et DunHuang se met à participer activement à ce trafic qui marche plutôt pas mal. Mais Xia veut un enfant et n'entend pas quitter Kuang, ils feront donc mine devant lui d'être frère et soeur. Au fil de ses pérégrinations, DunHuang retrouve bientôt QiBao. Une relation plus qu'amicale s'établit rapidement entre eux...Mais BaoDing sort bientôt de prison, QiBao n'est pas si innocente que ça, et tous ces gens se connaissent finalement tous sans le savoir forcément...Mais au-delà de leurs petites histoires de relations personnelles, ils ne doivent pas oublier qu'ils courent des risques, le Parti et la Police veillent au grain...

Des qualités, oui, on en trouve dans ce livre dont l'action est très rythmée. Pas de temps mort, un récit au présent, comme un reportage au coeur de l'action, cela tient en haleine. Les dernières pages font se retrouver les jeunes amis dans un final échevelé, que j'ai trouvé assez réussi avec une fin semi-ouverte.
Enfin, ce roman a le mérite d'être très instructif sur une ville et une société en pleine transformation, où l'on sent à la fois la mainmise du Parti, un univers policier, et en même temps un vent de jeunesse et de renouveau qui gagne inexorablement...Au-delà de la modernisation avec le rythme galopant des constructions nouvelles de logements, les moeurs s'occidentalisent, se libéralisent, et finalement le Parti semble fermer quand même à moitié les yeux et laisser une marge de tolérance, tant sans doute il serait dangereux pour le pouvoir politique de brider trop fermement cette tendance. Bon, le roman date de 2008, avant le durcissement opéré par le nouveau maître de la Chine.
Autre phénomène largement décrit, les tempêtes de poussières qui sévissent de plus en plus souvent, le désert avance et n'est pas si loin de Pékin...

Côté moins bon, les personnages n'ont pas d'épaisseur. le récit au présent et ultra-rapide ne s'attarde jamais ou presque sur les pensées des personnages, d'où une grande sensation de superficialité. Et puis cela ne permet pas de s'attacher aux personnages, qui ne sont pas vraiment présentés, introduits par l'auteur. Leur personnalité est a fortiori encore moins analysée.
Le rythme très enlevé nécessite une concentration constante pour une bonne compréhension des événements, et ça n'a pas toujours été facile pour ma part.
Dernière chose, j'ai repéré près d'une dizaine de coquilles dans le texte de l'édition de poche, ce qui me paraît suffisamment important pour être signalé. Il me semblait que les éditeurs profitaient du passage en poche pour éliminer les dernières fautes de l'édition grand format...Là ce n'est pas fameux.

L'ensemble apparaît un peu brouillon, un peu stéréotypé parfois. Globalement, un texte intéressant, dont je dirais qu'il se lit avec un certain plaisir, mais pas avec un plaisir certain.

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C'est une expérience assez étrange de lire à la suite deux livres qui, sans être totalement sur le même thème, s'intéressent à une même frange de la société, les sans-moyens, les exclus économique, les pauvres quoi... mais qui le font avec des angles totalement différent.

Là où Hamsun décidait de passer par le prisme de l'abstraction incarnée, Xu Zechen s'attache bien davantage à ses personnages et à leur devenir. Ils nous fait vivre leurs galères mais aussi leurs plaisirs. Car les héros de Xu Zechen sont des as de la débrouille. Les petites combines qui permettent de profiter à la marge des miettes de la société de consommation n'ont aucun secret pour eux. Ils connaissent finalement assez rarement la faim, car comme le dit Bao Ding "Les gagne-petit ont bien du mal à faire bombance dans ce foutoir pékinois, mais y crever de faim est tout aussi difficile".

C'est dans cet entre-deux du jamais vraiment heureux mais toujours vivant que nous convie l'auteur, avec des personnages dont la moralité est variable. Non pas qu'ils n'en aient pas ou qu'ils la bradent... Simplement que quand ils expriment une limite, ou le refus d'une compromission, la réalité les rattrape et les force à ne pas se respecter eux-mêmes.

Bien sûr on s'amuse plus avec les protagonistes de ce roman qu'avec le désespéré orgueilleux de la Faim d'Hamsun... Mais on a bizarrement l'impression d'aller moins au fond des choses, comme si la réalité permettait de moins comprendre le monde que l'abstraction. Les moments plus légers nous divertissent-ils trop et nous empêchent-ils de vraiment regarder l'horreur en face ? Peut-être... mais méfions nous des livres légers... car comme le dit encore Bao Ding à son ami DunHuang "Ne prends pas les choses trop à coeur parce qu'à Pékin tout peut arriver. le pire est toujours possible."
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"Pékin pirate", du romancier chinois Xu Zechen, paru en poche aux éditions POINTS, est une plongée dans le quotidien d'un jeune homme venu de la campagne, qui tente entre magouilles et escroqueries de s'en sortir dans la jungle pékinoise

Ecrit par un des écrivains chinois les plus prometteurs de sa génération, Pékin pirate est le portrait d'une génération et d'une ville dans laquelle le commerce illicite est monnaie courante. et où l'on rencontre dans les quartiers nord de Pékin divers petits trafiquants, des marginaux.

Pékin pirate" décrit avec réalisme le rude quotidien d'un jeune Chinois, qui, comme des milliers d'autres, se voient débarqués de leur province pour faire fortune à Pékin.
Ce sont des gens ordinaires qui sont venus de leur campagne tenter leur chance à Pékin; des petits trafiquants attachants, perdus dans les trafics, qui vivent dans un monde souterrain faits de petits boulots illicites, entre corruption et alcool pour noyer ses peines.

Dans ce « Pékin pirate », récit réaliste d''un pays en pleine mutation, on y découvre cette Chine des années 2000 dans lequel les laissés pour compte du capitalisme à la chinoise rejoignent la capitale où ils vivent d'expédients, sans perdre de vue leurs rêves modestes, avoir un toit et fonder une famille.

Phrases courtes, construction rythmée : le lecteur est emporté par l'énergie de ce roman captivant qui offre une vision de l'intérieur sur la nouvelle Chine.
L'auteur s'en tient au factuel, ne s'embarrassant pas de descriptions psychologiques, l'on apprécie l'humour de certains dialogues de l'ensemble et on note la belle traduction de Eric Abrahamsen.

Un joli roman qui dépayse et se lit avec grand plaisir !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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critiques presse (1)
Culturebox
15 juin 2016
Xu Zechen dépeint avec réalisme et une bonne dose d'humour la réalité d'un pays en mutation. Misère, corruption, prostitution… On est loin des clichés véhiculés par la propagande du pouvoir.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
La propriétaire arpente la cour. Elle cherche un moyen d’augmenter le loyer. Revenant d’une énième vérification du compteur d’eau, elle aperçoit la lampe allumée dans le cabanon. Elle pousse la porte, le lit est couvert de pochettes. L’interrogatoire commence :
« Qu’est-ce que c’est ?
- Des films, répond DunHuang.
- Non, réplique l’intruse, ce sont des DVD, des DVD piratés. D’ou viennent-ils ?
- Achetés.
- Pourquoi en acheter autant ?
- Pour les vendre.
- Ainsi, tu vends des DVD piratés, accuse l’a proprio, l’index pointé sur DunHuang. Tu te livres à des activités illicites, voilà la vérité !
- Madame, qu’appelez-vous « Illicites » ? Les rues regorgent de DVD, les magasins de disques qui ont pignon sur rue en vendent aussi.
- Le piratage est illégal. Je suis secrétaire de cellule du Parti, tu ne m’embobineras pas ! Tu as déjà menti en prétendant vouloir devenir chercheur !
- Ce n’est pas moi qui l’ai dit, c’est vous.
- Moi ? Comment ça ? Si tu ne l’avais pas dit, comment aurais-je su que tu voulais entrer à l’UP ? »
Il n’est pas d’humeur à se disputer et continue à trier ses films : « Madame, ce serait plus simple de dire ce que vous avez à dire, d’accord ?
- Entendu, j’irai droit au but. Je ne peux pas héberger chez moi un vendeur de DVD piratés...pour seulement quatre cent cinquante par mois. Quand la police l’apprendra, je ne saurai plus où me mettre. Je suis secrétaire de cellule, voyons !
- Vous voulez combien ?
- Cent de plus. »
DunHuang la regarde en tapant sur le mur trop mince : « Madame, le bail n’est pas à son terme et vous voulez déjà augmenter, ce n’est pas raisonnable. Vous devriez profiter du fait qu’il fait encore jour pour aller dehors vous rendre compte de l'état réel de ce réduit. Si vous êtes entièrement convaincue qu’il vaut cent de plus, revenez me voir. »
Son expérience de secrétaire de cellule la pousse à changer aussitôt de tactique : « L’argent ne compte pas, seule compte ma réputation. Je ne peux pas laisser un délinquant habiter chez moi en toute impunité. Tu trouves le loyer cher, alors ne loue pas. Près de l’UP et dans toute la techno pole, je n’ai jamais entendu parler d’un propriétaire qui n’arriverait pas à louer.
- Parce que vous espérez encore louer à des étudiants ? Les nouvelles résidences universitaires poussent comme des champignons. Ils préfèrent les tours où un studio ne coûte que mille yuans vingt à l’année ! L’ancien ensemble des Dix Mille Saules, qui était bondé à craquer, est vide à présent et ouvert à tous vents.
- Tu te payes ma tête ?
- Je me suis renseigné puisque je prépare le concours d’entrée au doctorat. Peu importe, pas la peine de se fâcher : j’ajoute cinquante, c’est à prendre ou à laisser. Sinon, je chercherai une autre location dès demain. »
Elle sort, puis revient peu après frapper à la porte. « C’est ouvert », crie DunHuang. Elle se contente de parler à travers l’huisserie : sa fille, à qui elle vient de téléphoner, lui a rappelé comme c’est dur de vivre au loin sans sa famille. Donc elle va faire un effort, OK pour cinquante, mais qu’il s’en souvienne le mois prochain.
« Bouffe-le ton putain de fric !
- Pardon ?
- Pas de problème, je gagnerai la différence. »
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Personne n'a jamais décrété à quoi doivent ressembler les secrétaires du Parti. Le problème est son haleine fétide. Quant au logement, il est encore plus repoussant que l'haleine. Comment croire que la «chambre» annoncée puisse être cette cabane, à peine plus haute que DunHuang, dans un coin de cour, bâtie à la va-vite ? Une simple couche de brique fait office de murs, quelques plaques servent de plafond, le tout étant couvert de lambeaux d'amiante pour protéger de la pluie. Que pareil gourbi soit considéré comme habitable tient du miracle, un prodige de l'histoire de l'architecture.
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Quand il pousse la porte de chez lui, QiBao lâche un cri en saisissant la télécommande. Elle rougit. À l’écran s’est figée l’étreinte d’un couple nu. Au lieu d’arreter le DVD, elle a pressé la touche pause. Désemparée, elle jette la télécommande par terre. DunHuang se met en devoir de la tranquilliser :
« Regarder du porno, et alors ? Ça n’a jamais tué personne ! C’est moi qui ai lancé ce film tout à l’heure. D’ailleurs, on n’a qu’à le voir ensemble.
- Non ! Je ne regarderai pas ça avec toi ! dit-elle, ayant retrouvé son aplomb.
- Sans regret ? Vraiment ? Avec l’âge, on n’a même plus envie de voir ces choses-là. »
Ce disant, il s’installe bravement à côté d’elle et relance la lecture. Il remet le son qu’elle avait coupé tout à l’heure, on n’en est plus à un détail près. QiBao ne bouge pas d’un millimètre. Ils se taisent, raides et rivés à l’écran où les amants ont repris leurs ébats : des mouvements aisés, des voix ondulantes qui emplissent la chambre d’un trouble suave. Sur le rebord du lit, ils sont comme deux statues de marbre, conscientes peu à peu de leur respiration. DunHuang bouge un tout petit peu, elle aussi, leurs genoux se touchent. Les cœurs restent en suspens, les genoux collés. Ils se tournent peu à peu, les visages s’interrogent et les regards s’embrasent. QiBao se jette sur lui.
« DunHuang, DunHuang.
- QiBao, QiBao. »
La suite est brouillonne, comme à l’écran. DunHuang ne s’attendait pas à ce déshabillage expéditif, encore moins aux manières débridées de sa partenaire. Une furie sauvage. N’aurait-il rien appris auprès de Xia ? Il se sent taiseux, trop calme, à la traîne et franchement dépassé. QiBao est un sport de combat, une cascade qui déferle sur lui et tourbillonne. Il en oublie ce qu’il est censé faire. Plus tard, le torrent rejoint la plaine et s’y évase. DunHuang remonte la pente et jouit de la douce fertilité des basses terres. Quelques secondes d’eblouissement font flotter son corps sur un vaste lit d’eau.
À l’ecran aussi, l’empoignade est terminée. Lui succède un fond bleu uni et muet comme la mort.
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L'embouteillage matinal de ZhongGuanCun durera jusqu'au soir. Quelle idée de construire un boulevard destiné aux embouteillages... Dix minutes plus tard, DunHuang cogite encore sur les bouchons, et l'autobus n'a pas fait cinq mètres. Autant continuer à pied. En marchant lui vient une autre facétie : quelle idée de vivre une existence vouée à la mort...
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En mai, nouvelle tempête de sable, une intempérie tardive et rare d’apres les annales météorologiques de la capitale. Quoi qu’il en soit, l’ouragan recommence. Vingt-quatre heures de rafales sans discontinuer enroulent sable et poussière jusqu’au ciel. Les femmes se drapent de châles protégeant cou et décolleté de toute intrusion ; les hommes relèvent leur col et chaussent des lunettes noires. Tout le monde se couvre, protège sa peau : le mois de mai pékinois a rarement été aussi strict, aussi prude. Puis le vent cesse, d’un coup, sans préavis météo, comme un coureur de cent mètres dont les pieds récalcitrants feraient grève à mi-parcours. La fine poussière compactée entre ciel et terre diffuse un jaune crépusculaire. Les indicateurs de pollution atmosphérique s’emballent et les médias répètent que toute sortie est inappropriée tant que l’atmosphère brasse autant de particules.
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