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Brigitte Guilbaud (Traducteur)
EAN : 9782809701715
116 pages
Editions Philippe Picquier (15/04/2010)
3.68/5   28 notes
Résumé :
"Je me suis assis pour écrire et je peux, à travers la vie et la mort de mon père, comprendre le monde, regarder en face ce qu'il y a de bon et de mauvais en moi, regarder en face la vie et la mort, la décadence et la prospérité de toutes choses, l'eau tarie du fleuve, les feuilles mortes, regarder en face, à travers ma propre vie, la disparition et la renaissance, la renaissance et la disparition de tout ce qui vit."
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Beaucoup d'émotions me traversent au moment d'écrire ce billet mais c'est la tristesse qui prédomine.
L'auteur, en se livrant de manière subtile et autocritique, nous renvoie à nos propres souvenirs, à nos propres sentiments.
Les souvenirs me submergent en ces fêtes de Noël. Je regrette tous ces moments que je ne peux plus partager avec ceux qui sont partis trop tôt.

*
Ni essai, ni roman, ni nouvelle, ni vraiment une biographie, ce petit livre se rapprocherait davantage de mémoires, ou tout du moins, d'une suite sans chronologie d'anecdotes, de pensées.
Yan Lianke nous entraîne dans un magnifique récit intimiste, jalonné d'une multitude de réflexions philosophiques sur la mort, le deuil, l'importance de la famille, la maladie, le destin, la religion. Il aborde également la politique chinoise durant les années 60 et 70, la collectivisation des terres qui a entraîné la famine, la révolution culturelle qui a mené à la guerre civile.

« Après vingt-cinq ans passés au service de l'armée, j'ai compris de manière irréfutable que la fidélité du soldat à son poste est une chance pour le pays, mais un malheur pour l'individu ; et que les exploits militaires sont un malheur pour le pays et une tragédie pour son peuple comme pour toute l'humanité. »

*
Ce qui m'a frappée, c'est tout d'abord cette proximité avec Yan Lianke que j'ai ressentie. C'est avec beaucoup de franchise et de simplicité qu'il se livre. L'auteur nous raconte l'histoire de sa famille et en particulier de son père, la sienne également. En remontant aux origines de sa famille, il est aussi question de quête identitaire et de rédemption pour ses fautes de fils.

Il nous emmène dans son petit village, plus exactement dans la maison de son enfance et nous faisons la connaissance des membres de sa famille. Chaque chapitre s'ouvre sur un souvenir marquant de sa vie. La famille est essentielle dans l'oeuvre de Yan Lianke.
L'auteur est ainsi amené à évoquer le décès prématuré de son père, la maladie de sa soeur, la tendresse et la solitude de ses tantes, la vie de sacrifice de ses oncles, ses souvenirs d'écolier.
On ressent son profond respect pour l'ancienne génération. On ressent autant la richesse d'une famille unie et aimante que l'extrême pauvreté de leur vie.

*
La dernière partie du texte, la plus longue, est consacrée à ce père qu'il a tant aimé, mal aimé.
Il nous raconte ses regrets, sa honte quant à ce père qu'il n'a compris que trop tardivement, pour lequel il n'a pas eu l'attitude et les gestes d'un fils aimant. Je l'ai trouvé honnête mais aussi très dur envers lui-même dans sa relation avec son père.

« … la vie humaine, un opéra qui se joue sur la scène avec pour rideau le destin qui se lève ou se ferme, au début, à la fin, pour l'entracte. »

Le père est celui qui m'a le plus touchée par son acharnement à défricher son misérable petit lopin de terre pour construire une grande maison avec un beau toit de tuiles pour ses enfants. Sa détermination aura raison de sa santé.
En se remémorant la très grande pauvreté de ses parents, il dresse aussi un portrait saisissant de la Chine rurale des années 1960 et 1970.

« le souvenir qui m'est le plus vif, celui qu'il m'est impossible d'oublier, c'est l'image de mon père au labeur. C'était un paysan ; le travail était son devoir ; il n'y avait qu'en peinant jour et nuit qu'il se sentait vivant et qu'il trouvait un sens à l'existence ; le labeur lui était un devoir essentiel. »

Le destin de Yan Lianke est de suivre les traces de son père, devenir à son tour paysan et de soutenir ses efforts pour faire vivre sa famille. Mais voulant s'affranchir de cette pauvreté et d'une vie rurale laborieuse, il va s'engager dans l'armée. Cette décision marquera un tournant dans sa vie, mais sera un tourment pour lui.

*
Empreint de beauté et de force, « Songeant à mon père » est un livre réaliste et émouvant, imprégné de nostalgie, de regrets et de sentiments de culpabilité. Son écriture, douce, intime et sensible, se fait également méditative, mélancolique, voire âpre.
Ce récit est un magnifique témoignage sur la force des liens familiaux et la vie de dévouement, d'amour que chaque membre est prêt à supporter pour subsister et soutenir la famille. J'ai aimé accompagner Yan Lianke dans ses réflexions, ses souvenirs d'enfance.
Un beau moment d'intimité, de confidences et de partage que je vous invite à découvrir.
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Ce recueil de nouvelles nous plonge dans l'intimité de l'auteur. il évoque ici tour à tour la campagne du Henan où il a grandi, sa famille et principalement son père, mais aussi toute la difficulté de la vie pour les paysans , la quête du moindre Yuan et toujours, chez les paysans chinois, cette propension à la résilience .
Tout d'abord, pour les refuzniks de la littérature chinoise , on peut dire qu'ici la traduction estompe complétement la platitude qui peut parfois apparaitre .
Ensuite, cette plongée intime est bouleversante. le rapport avec son père et tout le questionnement qui en découle nous montre ce formidable auteur sous un aspect inconnu.
Le père est le symbole des campagnes chinoises sous Mao.Baisser la tête, travailler , être spolié, donner le meilleur à ses enfants et mourir jeune , tué par la vie, le régime , l'absence de moyen. Un fabuleux portrait.

Enfin , le petit texte introductif où Lianke YAN revient sur ses terres pour savoir qui il est est là aussi un hommage aux racines d'un Homme. Comme le dit Bernard Lavilliers, "On n'est pas d'un pays mais on est d'une ville".
Je ne saurai trop vous conseiller ce petit livre ainsi que toute l'oeuvre d'un des plus grands auteurs contemporains chinois.
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Le livre est présenté comme une série de nouvelles mais pour moi, ce sont des instantanés de vie d'une famille, à travers les souvenirs de l'auteur. Oui, il évoque sa propre famille, ce récit autobiographique est un kaléidoscope du passé, miroir déformant mais sincère et touchant .

L'auteur a grandi dans la rude campagne de la Chine du Nord, où chaque parcelle caillouteuse est exploitée pour ne pas mourir de faim.Ses parents, pauvres paysans, ont travaillé au-delà de leurs forces pour permettre à leurs enfants de s'élever socialement.

Sont évoqués différents membres de la famille, sa soeur , souffrant horriblement d'une maladie des os mais qui parviendra à être institutrice uniquement par sa volonté, ses frères et sa tante, sa mère dévouée et courageuse...

Cependant , comme le titre l'indique, c'est la figure paternelle qui domine. Quel homme! de haute stature, il a usé son corps dans les champs et fait preuve d'une résistance hors normes pour nourrir sa famille.J'ai trouvé très émouvantes les descriptions faites par le fils de ce père obstiné, malgré la maladie ( il souffre d'asthme sévère ), courbé sur la terre jusqu'au soir. Les images sont alors magnifiques :" A l'époque, je le regardais soulever la houe par-dessus sa tête : les jours de beau temps,la pointe de l'outil semblait presque pouvoir harponner le soleil; les jours de mauvais temps, elle accrochait les nuages vagabonds."

Et surtout, c'est un fils qui se sent responsable de la dégradation de la santé de son père, car il pense que sa décision de devenir soldat et donc d'abandonner ses études l'a fortement déçu et angoissé. Et a précipité sa mort.

Avec pudeur et mélancolie, Yan Lianke rend hommage à sa famille, enracinée dans la terre natale, éprouvée par la vie et pourtant si vaillante et unie .Il songe à tout ce qu'il aurait dû dire à son père, moi aussi...


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J'avais beaucoup aimé le premier livre de Yan Lianke, le rêve du village des Ding, par son écriture délicate mais sans concession sur les conditions de la vie contemporaine en Chine. Dans En songeant à mon père, l'auteur se livre très personnellement et avec une sensibilité pudique.

Ce livre n'est pas vraiment un roman mais un recueil d'anecdotes ou d'épisodes, plus ou moins décousus dans le temps, mais qui nous permet de suivre l'auteur depuis son enfance, puis dans son engagement militaire, et enfin dans sa vie familiale. Ces moments nous permettent de saisir la dureté et la violence des conditions de vie des paysans depuis la Révolution : survivre, avoir à manger et pouvoir laisser quelque chose à ses enfants sont les seuls objectifs réalisables des parents. La pression politique quotidienne entraine une grande précarisation des paysans, une destruction des repères religieux et moraux. L'auteur se livre avec pudeur mais avec beaucoup de franchise, nous faisant part de toute sa culpabilité envers son père qui s'est tué, littéralement à la tâche. le sentiment prégnant, et à jamais ineffaçable, de ne pas avoir répondu aux attentes de son père laisse une certaine amertume au récit.

C'est magnifiquement écrit, avec une délicatesse mais sans voyeurisme. Ce récit permet de prendre la mesure de l'extrême dureté des conditions de vie de la majorité des chinois, et surtout de la coercition morale du communisme.
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Yan Lianke, ancien militaire devenu écrivain se rappelle quelques épisodes de son enfance passée dans la Chine profonde, tout au nord, dans une province aussi pauvre que reculée. Il évoque le souvenir de sa mère qu'il ne visite plus qu'une fois l'an et qui lui a même demandé de ne plus revenir. En effet, il traine le complexe de n'être pas un bon fils et se reproche d'avoir hâté la fin de son père, misérable paysan qui s'épuisa à débarrasser un lopin de terre de ses énormes cailloux pour se voir obligé de le rendre ensuite au collectif. Fatigué et déçu que son fils parte à l'armée, il meurt très prématurément d'oedème pulmonaire et d'asthme. Vingt cinq années après, l'auteur y repense tous les jours et semble n'avoir toujours pas fait son deuil.
Ce petit livre (117 pages) est assez inclassable. Ce n'est pas un roman, mais plutôt un témoignage mais pas vraiment au sens qu'on lui donne habituellement. Ce ne sont pas des nouvelles, mais plutôt des anecdotes, des historiettes assez banales de la vie de tous les jours dans la campagne chinoise surtout dans la première partie, la plus intéressante des deux. le lecteur mesurera l'immensité de la misère, la somme invraisemblable de souffrances qu'apporta le communisme du Grand Timonier à un pays déjà peu prospère. Lianke n'ose prononcer la moindre parole contre le système, il expose simplement la réalité des faits. Elle est accablante, elle condamne irrémédiablement. La seconde partie est plus triste, plus personnelle aussi car elle relate la mort du père et s'attarde longuement sur la culpabilité ressentie, à tort ou à raison, par le fils. L'ensemble est bien écrit et peut intéresser ceux qui souhaitent avoir une vision non idéalisée de l'Empire du Milieu.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Le matin, à l’aube, droite et pleine de forces, se dirigeait vers notre champ une silhouette haute et mince qui, le soir venu, rentrait éreintée, courbée. Lorsque nous arrivions au champ, mon père se tenait droit comme un I ; mais à force de creuser, quand arrivait midi, il ressemblait à un arbre sur lequel on aurait accroché un lourd sac, le tronc encore dressé ployait déjà visiblement. Après le déjeuner, l’arbre semblait s’être délesté de son fardeau et s’efforçait à nouveau de se maintenir droit. Et lorsque le soleil déclinait, l’arbre était terriblement courbé, comme lesté par deux ou trois sacs toujours plus lourds, comme s’il ne pouvait désormais plus se redresser. Malgré cela, mon père continuait à lever la houe pour la faire retomber violemment sur le sol, jusqu’à ce que le soleil disparût complètement à l’horizon.
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Un jour où je rentrais à la maison avec, dans les bras, un nid trouvé dans un orme, semblable à un grossier bol de porcelaine, dans lequel se trouvaient de petites pies au duvet rouge, je m’aperçus que les peintures qui ornaient nos murs avaient été retirées. Il s’agissait de représentations des Huit Immortels traversant les mers, du Bouvier et de la Tisserande et des Fées visitant la terre. Sur la table de la pièce principale, la tablette des ancêtres avait disparu et le délicat brûle-encens était cassé en mille morceaux sur le sol. La pièce était en désordre, poussiéreuse, comme mise à sac. C’était en 1968. L’époque était particulière, la Révolution culturelle était en cours et il fallait « détruire l’ancien et créer le nouveau » ; les maisons étaient ainsi fréquemment fouillées.

Nous étions pourtant l’une des plus simples familles de paysans qui fût.

A partir de ce jour, je ne retournai jamais plus vider des nids. J’avais grandi.
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La maladie a été le gouffre le plus difficile à franchir, celui qui s'est présenté le plus souvent aussi; l'enseignement s'est révélé la canne indispensable à son parcours. Il occupe, depuis plus de vingt ans , une vaste parcelle de la pauvre terre de sa vie.
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Ceux qui ont découvert que le thé vert convient à la lecture de la poésie, le thé rouge à celle des romans, le Bileichun à la délicatesse des vs de Du Mu, le Baihao ou le Zisun à la lecture des anciens, je pense que ceux-là ont vraiment compris la vie et savent en extraire l'essence poétique, tandis que les grossiers, les ignorants comme moi vivent tout simplement en vain.
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Qui suis-je? Tout ceux qui ont un peu d'instruction se posent la question sans que nul n'y puisse répondre. J'ai suivi un jour un ami chez un autre, lequel habitait sur l'avenue Xichang'an, à Pékin. La demeure était spacieuse, les hôtes distingués, l'ameublement splendide. Alors que j'entrais dans une pièce bondée, mon ami me présenta.
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