L'hypnose et le traitement de la dépression

Il y a des livres de thérapies qui sont très bons, qui peuvent reléguer beaucoup d'autres aux oubliettes ou qui les rendent simplement non nécessaires, car redondants en moins bien. Et ce livre fait partie de cette race des livres très bons ! A recommander sans réserve.

Avec un vrai ton, un vrai point de vue, une vraie éthique et déontologie, une vraie envie d'apporter sa pierre à l'édifice. Et pas n'importe quelle pierre. Et pas n'importe comment.

L'intention est claire : « ... l'attention est portée, dans ce livre, sur la façon de structurer et de mener des interventions hypnotiues dans les cas de dépression majeure, avec, pour base, une substantielle utilisation de concepts et de techniques issus des approches stratégiques et cognitivo-comportementales. »

Deux parties. La première s'attache à définir les choses, le sujet, la dépression, l'hypnose et son utilisation en thérapie, de multiples considérations pratiques de l'hypnose pour l'élaboration du traitement.

En règle générale, les parties théoriques de ce genre de livres sont rébarbatives ou l'on a juste l'impression de relire ce qu'on a déjà lu mille fois. Pas ici. En raison du ton de l'auteur, et de sa visée, il sait ce qu'il a envie de communiquer sur son sujet, pas autre chose. Et il appuie ses propos avec beaucoup de références scientifiques validées.

L'hypnose et l'hypnothérapie n'est pas dépendante d'un protocole à suivre à la lettre, mais au contraire se doit d'être adaptée-adaptable au patient. de la même façon, toute réponse n'est pas nécessairement uniquement dans l'inconscient omniscient du patient, mais au contraire se construit au cours de la relation qui se tisse dans la thérapie. Yapko nous invite à oublier ce systématisme ou ces réponses et idées toutes faites qui ralentissent et amoindrissent les effets positifs de l'hypnose. Et sont parfois tout à fait contreproductive par rapport à l'aspect passif dans la dépression. Yapko incite à faire agir, à faire mettre en action le patient, avant tout. Il exhorte aussi à mettre entre parenthèses les guerres sémantiques, les pertes de temps définitionnelles, pour s'occuper de la souffrance, de ces patients en dépression trop nombreux !


« ... de nombreux spécialistes sen hypnose s'accordent à dire qu'une procédure formelle d'hypnose n'est pas nécessaire pour obtenir des réponses hypnotiques. »


« En fait, une grande partie de ce qui est présenté dans les chapitres suivants est ce que je qualifierais de thérapie cognitivo-comportementale réalisée dans un cadre hypnotique et stratégique. La valeur ajoutée au fait de mobiliser les ressources cachées et inexploitées du client en recourant à l'hypnose en fait non seulement un puissant catalyseur dans le traitement mais aussi un traitement plus multidimensionnel. Au-delà des dimension cognitive et comportementale de l'expérience, on peut aussi utiliser l'hypnose pour influencer la physiologie, les émotions, les relations, les significations symboliques et spirituelles, les déclencheurs de réponse spécifiques au contexte, et même les récits de vie [...]. »


Yapo est un tenant d'une pensée relativiste, il n'est pas dogmatique, il croit plus dans la nuance et dans le parfois ceci est bon et parfois cela. Il valorise la psychologie sociale : « La psychologie sociale a fait de remarquables recherches sur la dynamique du conformisme, de 'attraction interpersonnelle et des préjugés,n aspects qui sont tous d'une grande pertinence pour l'intervention thérapeutique [...]. (En fait, je pense que la littérature de la psychologie sociale est, de bien des façons, plus intéressante pour faire du travail clinique que ne l'est la littérature de la psychologie clinique.) Par exemple, considérez ce qui s'est passé dans ce que l'on a appelé le "débat sur la mémoire recouvrée". j'ai adopté la position modérée de dire que des souvenirs recouvrés peuvent être parfois fidèles, et qu'ils peuvent être parfois des affabulations, et que, sans preuves extrinsèques, il n'y a pas moyen de distinguer les deux [...]. C'est une formulation relativiste. »



La seconde partie concerne les applications cliniques.

A commencer par ce qu'il appelle le travail sur "l'ambiguïté", la vie est faite de nuances, les choix aussi, les causalités ne sont pas nettes, et c'est à chacun de discriminer utilement et adéquatement pour lui ce flou, cette ambiguïté. Très intéressant.

Yapko parle ensuite de la focalisation sur le futur, de la contrôlabilité (facteur hyper important dans la dépression), des stratégies d'ajustement et de l'importance de le choisir avec sagesse, deux cas cliniques, exposés en log et en large (Consuelo et Mike), avec les propos tels quels, augmentés de ses réflexions et discussions.

Yapko termine cette partie en parlant de l'importance de la prévention, et de l'utilité de l'hypnose dans cet objectif. Et ce tant au niveau individuel, que familial, scolaire, sociétal. Yapko invite à se réveiller, à sortir d'idées préconçues, notamment cette médicalisation simpliste et de passer à une autre façon de faire, dans lequel l'hypnose trouve une place juste.


Yapko pense qu'on doit aller plus loin que l'instant, il faut développer une vision, quelque chose de pus large et de plus profond, sans doute :

« Par-dessus tout, je crois que nous devons encourager les gens à développer une vision. Nous devons insister sur la réflexion à long terme et la capacité à prévoir au-delà du simple "vivre dans l'instant". Nous devons mettre en lumière l'optimisme que nous donne notre connaissance du fait que les gens peuvent changer en mieux. Nous devons faire prendre davantage conscience que la dépression est plus qu'une question de chimie - qu'elle implique nos relations avec soi et avec les autres. Nous devons en finir avec les débats oiseux que le meilleur style d'hypnose ou de la définition la plus intéressante de l'inconscient, et commencer à mieux nous occuper des besoins de tous ceux qui souffrent en ce moment même.

Nous avons du pain sur la planche. »

Bref, tout ceci n'est rien d'autre qu'une belle leçon d'humanisme, de belles leçons d'humanité ; le ton (une fois de plus) de l'auteur touche pile, ça éveille, ça fait du bien.

On ne peut que remercier ce livre et son auteur.


D'autres bonnes choses par ailleurs : Bonne mise en forme des séances sous formes de colonnes, ce qui permet une compréhension facile entre pratique et réflexion théorique.

Bibliographie étendue et index de termes-thèmes et noms propres, c'est très appréciable.