La trame générale de L'oeil du chien enragé se déroule deux ans après la fin du Loup d'Hiroshima, précédemment édité par Atelier Akatombo, soit en 1990.
On retrouve Hioka, lieutenant de police, muté au fin fond de... nulle part, ou presque. Lui qui a enquêté dans les méandres des yakuzas d'Hiroshima, le voilà à sillonner des petites routes d'une campagne - certes très agréable - où une grosse affaire en matière policière se limite à un excès de vitesse ou à une altercation alcoolisée. A défaut d'une vie palpitante, le jeune officier ronge son frein. Et apprend à cuisiner puisque les kombinis ouvertes 24h/24 ne sont pas foule dans le coin. En revanche, les administrés sont plutôt sympathiques et toujours prêts à offrir quelques truites pêchées en trop ou légumes de saison frais cueillis du jardin.
Tout cela semblerait bel et bon, mais difficile d'en faire un vrai roman policier. Les ennuis, et le monde des yakuzas, vont venir à la montagne puisque la montagne est coincée dans son petit poste.
Yûko Yuzuki renoue dans ce second opus avec les querelles et guerres entre gangs du Kansai, l'Ouest de l'île principale de Honshu. Il faut reconnaître que cette période semble charnière quant à l'univers des yakuzas, entre changements de mentalités dans cette mafia et volonté d'une législation plus ferme envers les malfrats.
Les personnages dépeints par la romancière cassent pas mal les clichés qu'on peut avoir de ce monde. Comme dans le Loup d'Hiroshima, elle utilise le lieutenant Hioka pour observer et considérer les valeurs et morale mises en avant tant par les yakuzas que par la hiérarchie policière. Et ce n'est pas toujours très brillant pour l'institution officielle.
La difficulté de lecture de ce livre, comme du précédent, est de s'y retrouver dans les noms des multiples gangs mafieux, eux-mêmes regroupés dans une fédération. Les jeux d'alliance et de rivalités entre tout ce petit monde sont très complexes. A fortiori quand s'y ajoutent le meurtre d'un boss important ou des trahisons.
Néanmoins ça vaut le coup de surmonter une éventuelle confusion car l'histoire se révèle prenante et certains personnages surprenants. Pour aider, une liste avec les noms et fonctions des protagonistes a été utilement insérée en début d'ouvrage.
Merci à nouveau aux éditions Atelier Akatombo pour leur travail tant sur la traduction que sur le format même du livre: typologie claire et agréable, papier à la texture douce et d'une teinte légèrement coquille d'oeuf. Et toujours des couvertures bien mises en page et bellement illustrée. Un très bon moment de lecture sur un support qui l'est tout autant.