Rouge est la nuit est le premier roman que je lis de la jeune maison d'édition Atelier Akatombo (libellule rouge en japonais où ce bel insecte prenant son envol à l'automne symbolise la lecture) née il y a environ un an. Créée par Dominique et Franck Sylvain, qui assurent également les traductions, elle se consacre à des romans de genre nippons (polars, SF, ...).
J'adore les libellules. La couverture avec ce liseré de libellules sur fond jaune, une rue de Tokyo avec la Tour si similaire à celle de
Gustave Eiffel, sur fond noir a accroché mon oeil à la librairie. de plus, un auteur que je ne connaissais - irrépressible envie de le découvrir par conséquent.
Et j'ai très bien fait de céder - une fois de plus - à la tentation livresque.
Rouge est la nuit (Strawberry Night en version originale) est un roman policier très immersif que j'ai dévoré sur deux jours. L'héroïne en est la lieutenante Reiko Himekawa, 29 ans, qui dirige une équipe de la Division Criminelle du Département de la Police Métropolitaine de Tokyo. Il est déjà rare de trouver des femmes flics au Japon où on les cantonne plutôt dans un rôle de secrétariat. Alors Reiko, jeune, mignonne, gradée et qui en plus obtient et le respect de son équipe (que des hommes) et de son chef, et de très bons résultats grâce à une intuition et une capacité de déduction très sûres, ça en gêne un paquet aux entournures dans les autres équipes...
La découverte d'un corps mutilé et empaqueté au bord d'un étang de pêche va révéler le meilleur et le pire au sein de la police. C'est aussi une incursion dans un univers très glauque et sanglant qui recrute des amateurs de sensations fortes via un site qui semble avoir tout d'une légende urbaine parmi les renifleurs de sordide des forums Internet.
La psychologie occupe une place importante dans le récit, notamment par l'aptitude de Reiko à se glisser dans l'esprit des criminels pour appréhender leurs façons de faire et leurs motivations. le fait que Honda
Tetsuya mette en avant une femme officière fougueuse, intuitive et assez rentre-dedans au sein d'une très machiste et très hiérarchisée police japonaise lui permet d'explorer en outre la face privée de son héroïne. Alors qu'elle est l'aînée de la famille, bientôt trentenaire, ses parents se désespèrent de la voir toujours célibataire. Ils multiplient pour elle les "miai", ces rencontres arrangées avec des prétendants, qui peuvent nous sembler d'un autre siècle mais qui a pourtant toujours bel et bien cours au Japon. Et pas que de façon anecdotique. Car trente ans pour une femme marque l'approche de la date de péremption pour espérer accrocher un époux. Ce qui, soit dit en passant, n'est vraiment pas la priorité de Reiko.
Ce roman a donné suite à une série autour des enquêtes de Reiko, dans l'archipel. Je ne peux que prier Dominique et Franck Sylvain d'en poursuivre également la traduction. Voilà une policière que je retrouverais avec grand plaisir. Si vous n'êtes pas allergique au rouge et que l'été chaud et humide de la capitale nippone ne vous effraie pas, laissez-vous tenter par ce premier opus plutôt réussi et au suspense garanti.