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sur 106 notes
Une rencontre en nette demi-teinte avec cette nouvelle voix de la francophonie.
Peut-être pas la meilleure façon d'entrer dans une oeuvre qui a le mérite de ne pas être classée facilement, alors que nos grilles de lecture se resserrent avec les années.
Nos chers exégètes de la pensée unique subventionnée ont d'ailleurs affublé cet auteur du titre « d'OVNI de la rentrée littéraire 2016 », l‘appel aux soucoupes volantes n'étant rarement bon signe, démontrant un usage sans nuances de cases bien délimitées…

Ali Zamir est comorien, de cet archipel à l'histoire ultra-compliquées, faite de dominations successives, ayant au moins le mérite d'un constant brassage culturel entre Afrique continental, Moyen-Orient et Europe.

Le piège, dans lequel tout le monde tombe forcément, est de parler de cette origine en préambule. On aimerait beaucoup pouvoir faire fi de ceci, et se limiter à chroniquer une histoire racontée par une personne. C'est bien-sûr illusoire, et sûrement hors-sol, considérations limitant le terroir de l'artiste, et de sa prévalence de vision… Pourtant, les développement « indigénistes », voire « platistes » pour les plus engagés, obligent à ce genre de bêtises, marchant sur des palettes d'oeufs de poules élevées en plein air.

L'incontournable écueil de son utilisation de la langue française ne pourra encore être évité : oui, c'est du haut-vol, utilisant des mots que seul une version encyclopédique de nos chères marques de dictionnaire renseignent — ou pour certains, l'excellent « Dictionnaire des mots rares et précieux » dirigé par Jean-Claude Zylberstein — comme souvent avec cette francophonie exogène, cédant aux deux côtés du spectre contemporain le loisir d'en tirer leurs conclusions, laissant le silencieux pragmatique en carafe au milieu, un chat dans la gorge à force de se la racler, irrité à se dire « mais merde, pourquoi ai-je encore besoin de dire tout cela ? »

Et bien c'est que l'histoire que nous conte l'ami Ali Zamir, à l'apparence d'innocent fabliau, n'est finalement pas un conte moral… Vous me direz, tant mieux… il est quasiment punk dans sa manière de situer (ou justement de ne pas..) le bien et le mal… mais sans rien en faire de bien questionnant non plus…

Et puis cette langue vibrionnante, mise en mots plus que soutenue des pensées d'un individu présenté comme plus que modeste, barbouille encore le tableau : inutile d'attendre en premier lieu de la cohérence, bien que le doute demeure… cette amorce de poésie en prose, multipliant les rimes hésitantes à versifier, apparait plutôt vaine alors que se déroule l'intrigue, et qu'elles sont progressivement abandonnées, comme fatiguées de cette course de chariots.

On referme cette histoire lue d'une traite avec un drôle de sentiment, considérant sa réception par nos prescripteurs culturels davantage contingentée par son origine que son contenu, celui-ci transposé dans un univers familier aurait semblé bien plus daté… Il est vrai que l'éditeur en réfère à un « Pagnol de l'Océan Indien ».
Son premier livre est dans les parages, on verra bien…
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« Dérangé que je suis » s'ouvre sur un narrateur en bien fâcheuse posture : ligoté, battu, enfermé et promis vraisemblablement à la mort… Pourquoi ? Retour sur les quelques jours qui précèdent cette désolante situation, avec le récit de Dérangé, notre narrateur.

« Dérangé », ce n'est bien évidemment pas son véritable nom – que nous ne connaîtrons d'ailleurs pas – mais le surnom que lui ont valu sa nature un peu fantasque et ses comportements décalés. C'est encore un jeune homme, employé comme docker à décharger les bateaux dans le port de Mutsamudu, aux Comores - une vie misérable à courir tout le jour avec son chariot de marchandises à transporter vaille au vaille dans les rues encombrées de la ville. Une vie misérable mais dont il se contente, faute de mieux, et dont il nous raconte le quotidien et les péripéties, en compagnie de son irascible voisin surnommé « Casse-pieds », et d'un improbable trio de dockers concurrents – les « Pi-Pi-Pi », Pistolet, Pirate et Pitié. Une vie difficile mais relativement tranquille, en somme. Jusqu'à sa rencontre malencontreuse avec une femme très belle, très riche et très mariée qui l'aguiche sans vergogne et à qui, pour son plus grand malheur, il va se refuser…

Il ne se passe en fait pas grand-chose dans ce roman très bref et qui se lit d'une traite… Mais l'écriture vive et bondissante, les réparties pleines d'humour de personnages hauts en couleur auxquels on s'attache aisément, aux prises avec des mésaventures totalement rocambolesques, font de ce troisième roman d'un tout jeune auteur comorien au talent prometteur un bon moment de divertissement, plein de drôlerie, d'humour, de charme et de poésie.

Un auteur à suivre ?
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Dérangé est un pauvre diable : il fait partie de la nuée de misérables dockers, qui, chaque jour, guettent l'arrivée des bateaux dans ce port des Comores, et se disputent les clients dont ils vont charroyer la marchandise ou les bagages en échange de quelque monnaie. Lorsque s'ouvre cette histoire, Dérangé gît dans un lieu obscur, où il est enfermé, ligoté et ensanglanté. Que lui est-il donc arrivé ?


D'emblée, le récit nous embarque dans une atmosphère remuante et colorée : en quelques mots, exactement comme en deux coups de crayon, se dessinent des personnages plus vrais que nature, saisis sur le vif avec un réalisme et une puissance d'évocation saisissants. Il n'est pas une ligne qui ne crée l'impression de voir et d'entendre, comme si on y était vraiment.


Pauvre Dérangé ! Alors qu'il nous relate ses aventures tragi-comiques dont on se demande jusqu'à la fin comment elles ont pu se refermer en un piège si cruel, nous sommes emportés par une verve pittoresque et chatoyante, où se déploie le plaisir des mots le plus pur. Car Ali Zamir use des mots rares comme il enfilerait des perles, ciselant un texte truculent et poétique, où chaque terme inattendu mais si bien choisi vous arrache un sourire.


Ce petit livre si bref est un condensé de plaisir qui change de tout ce que vous avez lu jusqu'ici : précipitez-vous sur cette histoire injuste et féroce mais si réjouissante, à l'atmosphère prenante et aux personnages criants de vérité, mais surtout, à la langue si magique.


Prolongement sur les tardigrades (petit nom dont s'affublent les dockers de Dérangé que je suis) dans la rubrique le coin des curieux, à la fin de ma chronique sur ce livre sur mon blog :
https://leslecturesdecannetille.blogspot.com/2019/05/zamir-ali-derange-que-je-suis.html


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Dérangé qu'il est, le gars docker tout autant que raconteur qui ne cesse de le ratiociner et le ressasser qu'il l'est, oui, Dérangé. Même s'il s'agit de son surnom local, alors que d'araignée au plafond ou de logis sans habitant, selon son mode accoutumé d'illustrations pittoresques, on ne peut affirmer sans frémir du sourcil qu'il soit concerné. Pourtant les autres ne manquent pas de le consigner, à la vue de ses guêtres dont on sait à leur lecture quel jour les rayons ensoleillés de l'île d'Anjouan sont en train de darder. Car il a ses petites manies de toilette, Dérangé qu'il est, à chaque journée suffit son enjolivure selon lui, et si les coqs de son Casse-pieds de voisin n'y ont pas fienté dessus il saura les remettre et les reconnaître, car il a écrit méthodiquement dessus leur procuration journalière. Un moyen comme un autre de s'y remettre dans sa routine sur le port, à héler les voyageurs débarqués là pour qu'il leur transbahute leurs effets sur sa Carlewis de carriole, lui plutôt que d'autres, surtout si ce sont ces vauriens de Pipipi, le trio de Pirate Pilote et Pitié. Mais un beau jour une bellâtre jupitérienne le choisit à lui, le belître, plutôt que tous les autres. L'évènement est pour le moins déclencheur, notamment d'une rivalité conclue par une course avec Pipipi, où les jambes ne devront pas se retrouver en flanelle dans l'enchevêtrement tortueux des venelles.
Court roman rapide à courser des carrioles et des mots, Dérangé tient le haut du pavé parmi les personnages aux chromatismes pimentés, son langage déflorant une cavalcade acidulée sans être affectée. Et même si l'on est amené à ouvrir souvent le dico, le rythme et la saveur exotique de la lecture n'en pâtissent pas.
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Si vous cherchez une lecture originale, qui vous fasse voyager dans des contrées lointaines, découvrir des petits métiers mais aussi la folie des hommes, alors vous l'avez trouvée !

Je viens de passer quelques heures hors du temps. J'entends par là, hors de mes habitudes. Les décors, les personnages et surtout la langue d'Ali Zamir, auteur francophone, vous entraînent vers un ailleurs qui enchante.

Un ailleurs également truffé d'humour que l'on savoure également.

Ali Zamir possède une écriture riche, ornée de mots anciens délicieusement surannés qui donne au récit son allure de conte ancestral. Mais ne vous y trompez pas, hier comme aujourd'hui, l'homme est un loup pour l'homme. Et quand je dis l'homme, la femme n'est pas exclue de ces propos...



Derangé est un pauvre docker du port international Ahmed-Abdallah Abderamane de Mutsamudu (Comores). Il a pour seule richesse une pauvre maison, des vêtements portant les jours de la semaine et comme outil de travail un vieux chariot pour charrier les marchandises descendues des bateaux. C'est un petit bonhomme tranquille qui se mêle peu aux autres mais qui dérange malgré tout par son accoutrement et sa façon d'être. S'il n'avait pas rencontré les Pipipi et une certaine dame il est certain que sa vie aurait été autre, mais il y a toujours des gens qui n'aiment pas que...

Lien : http://mespetitesboites.net
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Une prose qui interpelle de par sa beauté et sa poésie. L'écrivain comorien nous conte l'histoire d'un docker affublé du surnom de Dérangé. On se régale de ses réflexions sur son travail à courir après les clients, les frasques avec son voisin, les assauts d'une belle femme. Parfait pour un beau voyage linguistique et exotique
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J'avais noté ce titre lors de la GL il me semblait bien particulier et effectivement c'est une lecture particulière. A la fois d'une écriture originale avec du vocabulaire peu courant , le personnage Dérangé parle avec un phrasé "décalé" sans doute de par sa condition. Si on peut rire parfois des situations drôles ou des personnages, on rit moins quand on comprend ce qui se trame, cette injustice.
Je découvre cet auteur et je suis agréablement surprise de son originalité, en nous dévoilant ce métier de docker sur cette île que je ne connaissais pas , la pauvreté des gars qui se démènent au jour le jour pour récupérer de quoi manger. Les querelles entre les dockers, la dure réalité d'un quotidien quand soudain le destin semble vous sourire pour apporter un peu de douceur dans ce monde cruel, faut pas rêver Dérangé que tu es, là encore ce n'est pas pour toi.
C'est beau et cruel à la fois, mais tellement bien mené et écrit. J'ai bien envie de lire les autres livres de cet auteur.
Un écrivain qui dépareille dans le paysage de la littérature d'aujourd'hui et mon dieu que ça fait du bien.
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Dans ce roman, c'est le narrateur Dérangé qui nous conte son histoire, un docker sans-le-sou que l'on découvre ficelé, blessé au tout début de ce récit. Comment en est il arrivé là ?
Une fable, un conte parfois dramatique, parfois réjouissant mais tout au long de ce roman c'est l'écriture d'Ali Zamir qui m'a réjoui, une écriture pleine d'inventivité, colorée, imagée et poétique qui porte le roman. Un écrivain à découvrir pour le plaisir de la langue.
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C'est dans l'ambiance crasseuse du port d'Ajouan dans les Comores que nous rencontrons Dérangé.
C'est un simple docker, un peu naïf, qui gagne misérablement sa vie en transportant des marchandises dans son chariot. Malgré les apparences, Dérangé a des principes et n'y déroge pas.
Un jour sur le port, il va rencontrer une femme, une cliente, qui l'amènera à accepter un stupide défi contre une bande d'énergumènes : les Pipipi.
S'ensuivront alors une multitudes de péripéties, tantôt drôles ou cruelles, à un rythme endiablé, pour notre plus grand plaisir.

Une délicieuse fable venue des îles.
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Un roman dépaysant tant par l'écriture d'Ali Zamir : riche, parsemée de mots anciens délicieusement surannés, mais également par l'intrigue en elle-même : l'histoire de Dérangé, un pauvre docker du port international Ahmed-Abdallah Abderamane de Mutsamudu aux Comores, qui trimbale son vieux chariot pour transporter les marchandises descendues des bateaux. Ce petit homme tranquille, un peu à l'écart du reste du monde, est pourtant bien remarquable avec ses vêtements portant le nom des jours de la semaine. Il a la malchance de rencontrer les Pipipi et une étrange et séduisante femme, qui transforment sa vie ...
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