Voila un livre fort intéressant en ce qu'il a le mérite de nous offrir une plongée vertigineuse dans un des esprits les plus intrigants et tordus de notre époque. Au gré de sa vie mondaine au plus près de ces élites dont il veut nous faire croire qu'il est le pourfendeur, Zemmour, le rottweiler des plateaux de télévision qui, fort de son « triomphe » médiatique, se trouve soudain porté par un improbable destin présidentiel, nous éclaire sur l'horizon fermé et renfermé de sa pensée. Il se morfond à longueur de pages sur le sort de notre pauvre France livrée en pâture aux islamistes, aux femmes libérées et aux écologistes qui ont l'outrecuidance déraisonnable de s'intéresser à la nature. Cette France misérable et castratrice, dans laquelle l'homme de pouvoir, puissant et viril, ne peut plus détrousser la gueuse à sa guise. Cette patrie, véritable « chef d'oeuvre historique », est célébrée par l'auteur comme si elle avait flamboyé pendant des millénaires sans jamais faiblir. Cette France qui sert d'étalon auquel il compare notre époque est construite en additionnant toutes les gloires et les vertus de son histoire, comme si elles étaient toutes combinées en un même instant. Mais une France dans laquelle gambadaient ensemble joyeusement
Victor Hugo, le Général de Gaulle et
Jeanne d'Arc n'existe que dans la malhonnêteté intellectuelle de l'esprit de Zemmour. Pour le reste, c'est un pays de tensions, de conflits, d'accidents historiques, de tiraillements internes, de renouvellement de la langue, des moeurs, de la culture. Comme n'importe quel autre.
Ce qui est intéressant, au-delà de ses envolées lyriques sur ses éternelles chimères, ce sont les fenêtres que le récit ouvre sur la psychologie de l'auteur, que l'on découvre retors, revanchard, fourbe et imbus de lui-même. Ses lignes mettent au grand jour la croissance exponentielle de son égo, mal dissimulée sous de faux airs de modestie. On le ressent dès les premières pages, quand il se cache derrière un soi-disant aveu d'échec pour étaler sa réussite fulgurante, son « triomphe », son succès, ses admirateurs.
Tout au long du livre, il refait le match de discussions avec un large éventail de personnalités. A la manière dont il méprise le secret de la confidence, on s'étonne qu'il ait un carnet d'adresse aussi fourni dans le paysage politico-médiatique. C'est le genre d'ami qu'on ne souhaite pas même à ses ennemis. le plus drôle dans tout cela, c'est qu'il s'offusque des quelques lignes un peu acides qu'
Obama a consacré à
Sarkozy dans son dernier livre, alors qu'il passe lui-même le vitriol sur tout ce que la France compte de personnages mondains.
On y découvre aussi, il faut bien le dire, un homme qui sait manier la plume - bien qu'un peu pompeuse-, pétri de connaissances historiques et politiques, et capable, grâce à des chapitres courts, percutants et un peu racoleurs, de tenir son lectorat en haleine. Pour preuve, je l'ai lu d'une traite.
Est-ce que je recommande cette lecture ? Et bien oui, parce qu'elle offre un éclairage de première main sur le phénomène politique et médiatique français du moment. Un homme qui n'est pas pris assez au sérieux. Un fou du roi qui compte bien renouveler l'exploit trumpien, ce cousin d'outre atlantique qu'il admire tant. A croire que l'on n'a pas retenu la leçon. Les médias, si prompts à crier au scandale, sont en train de tomber dans le même panneau. En donnant un porte-voix phénoménal à chacune des sorties millimétrées de Zemmour, ils ne font rien d'autre que jouer son jeu. Les penseurs du trumpisme - Banon et
Roger Stone - l'ont théorisé depuis plus de 30 ans : qu'importe ce que l'on dit sur vous, ce qui compte c'est que l'on parle de vous. Zemmour l'a pris à son compte. Donc oui, lisez-le, mais de préférence, empruntez le en médiathèque et gardez vos sous pour de meilleures causes.