Connaissez-vous La Débâcle d'
Emile Zola ? Publié en 1892, l'avant-dernier tome de la série des Rougon-Macquart, s'il n'est pas le plus connu des ouvrages de l'auteur, a toutefois été le plus grand succès de librairie d'
Emile Zola. Et pour cause! A peine plus de 20 ans se sont écoulés depuis la défaite de Sedan et la fin du Second Empire, un véritable traumatisme dans la société française, s'achevant par la Commune et bien sûr l'amputation de l'Alsace et de la Moselle. Dans ce cadre, on imagine à quel point les contemporains de
Zola ont dû revivre, grâce aux descriptions très réalistes, cet épisode de l'Histoire de France.
Il me paraît inutile de parler ici d'
Emile Zola, un auteur qui reste très lu encore aujourd'hui. Par contre, j'aimerais tout d'abord signaler deux choses. La première est qu'il ne faut pas avoir peur de se lancer dans ses ouvrages, souvent épais et denses, didactiques, mais qui se lisent toujours avec un réel plaisir. Après plus de 15 ans de pause, j'ai repris avec beaucoup d'envie les Rougon-Macquart, dont chacun des titres peut se lire individuellement. La seconde est que La Débâcle est un peu différent des autres romans ; on peut réellement parler de roman historique, tant
Zola reste fidèle à la chronologie des faits, faisant démarrer l'action le 6 août 1870, lors de la bataille de Froeschwiller, pour la clore le 28 mai 1871 (Semaine sanglante de la Commune). C'est donc un des avantages, et non des moindres, de revisiter cette page d'Histoire, avec en point d'orgue la bataille de Sedan.
Le roman est découpé en trois parties. La première succède aux premières défaites sur le front de l'Est, présentant le repli des armées ; la seconde se déroule dans les Ardennes ; enfin, la troisième s'inscrit après la défaite de Sedan.
S'il est peuplé de nombreux protagonistes, le récit s'articule autour de quelques personnages principaux comme Jean Macquart, un caporal qui fut le héros du livre La Terre. Celui-ci se lie avec Maurice Levasseur, un intellectuel s'étant engagé par idéalisme dans cette guerre. On y retrouve aussi des figures en opposition les unes avec les autres (des profiteurs contre des gens sincères, des brutes contre des caractères affables), ce qui permet à
Zola de faire une galerie de portraits des attitudes des soldats et de la France de l'époque.
Très rapidement, dans la première partie, on se retrouve dans le chaos : les soldats attendent la nourriture ou les munitions, on abandonne des fusils et des sacs dans un retrait d'urgence, et on n'assiste directement à aucune bataille. le désarroi est palpable, les troupes errent, et dès le départ, la conclusion semble écrite d'avance.
C'est finalement autour de la nourriture manquante que se polarise souvent l'action ; l'héroïsme s'efface devant les besoins de base, et plus tard dans le récit, se déroulera même une chasse à l'homme pour du pain.
L'ennemi apparaît enfin lorsque les troupes se retrouvent dans les Ardennes. L'action s'emballe. Dans une armée où peu de soldats avaient eu l'expérience de combats passés, où l'Etat Major semble faire de nombreuses erreurs, abandonnant une position avant de demander de la reprendre, l'héroïsme individuel ne pèse pas lourd contre un ennemi organisé, préfigurant un nouvel art de la guerre. Les batailles de Bazeilles, de Sedan, se déroulent sous nos yeux. « Les ruisseaux coulaient rouge », peut-on lire. La terrible vision des champs de bataille mais aussi des hôpitaux improvisés (
Zola se livre à des descriptions très fortes d'amputations), ou encore de la vie civile dans ces conditions, s'impose au lecteur.
L'Empereur
Napoléon III, rongé par la maladie, poussé par l'impératrice à ne pas capituler, erre blême sur les champs de bataille à plusieurs reprises, cherchant en vain la mort. La capitulation, le repli sont inéluctables.
La guerre ne s'arrête pas là ; les soldats vaincus sont certes parqués dans l'attente, mais les Allemands progressent toujours, encerclant
Paris le 19 septembre 1870. La reddition de Bazaine à Metz intervient le 27 octobre. Si, devant les revendications de Bismarck, le choix est d'abord fait par le gouvernement de Défense National de continuer la lutte en septembre, la situation devient intenable et deux camps s'affrontent : Thiers et l'Assemblée monarchique contre les insurgés. Jean et Maurice se retrouvent ainsi à
Paris dans des camps opposés, l'action culminant durant la Semaine sanglante de la Commune.
Suivant le fil rouge de sa série Les Rougon-Macquart,
Zola illustre l'hérédité, la dégénérescence de la race. Toutefois, en établissant un lien entre tous les événements, il achève néanmoins l'histoire sur une note d'espoir. Pour paraphraser la quatrième de couverture, il « nous donne à comprendre que, sans doute, la défaite fut un mal nécessaire » .
La Débâcle a été pour moi une lecture des plus marquantes avec une mention spéciale pour la seconde partie, si forte et si empreinte de réalisme.
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