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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Emile Zola - La Débâcle - 1892 : On n'évoque jamais la débâcle quand on parle des livres sur la guerre qui ont compté dans l'histoire de la littérature. Pourtant c'est un des plus poignant écrit sur le sujet. Fort de sa fibre naturaliste Zola décrivait avec un réalisme cru les misères des soldats épuisés par les marches et les contremarches, affamés par le manque de ravitaillement et démoralisés par les inepties d'un commandement complètement dépassé par la situation. Il n'excluait pas non plus les souffrances des civils témoins des destructions et de l'humiliation d'un pays foulée au pied par un ennemi trop fort. le courage inutile des soldats français dans des batailles perdues d'avance sonnait le glas d'un empire en complète décrépitude à l'image de Napoléon III qu'on croisait au fil des pages ravagé par la maladie et le désespoir. L'écrivain au plus près du récit historique trempait ses personnages dans les épisodes mythiques d'un conflit qui ne rapporta que peu de gloire à une armée totalement déboussolée par l'incurie de ses chefs. Pourtant malgré la situation désespérée des héros anonymes firent le coup de feu jusqu'à la mort dans des épisodes restés célèbres comme à Bazeilles dans la maison des balles ou en participant à la charge insensée de la division Marguerite sur les lignes de défenses prussiennes. En effet ces cinq milles cavaliers lancés sabres au clair firent preuve d'une telle furia que l'empereur allemand présent sur les lieux ne pu s'empêcher de s'écrier «Ah les braves gens !!». Outre les morts, ce déchaînement de violence engendra un nombre de blessés effrayant qui subirent dans leur chair mille tourments liés à une situation sanitaire catastrophique. Zola pouvait laisser libre cours à son emphase en dépeignant les éclopés, les fiévreux et les agonisants rendus fous par la peur de mourir et la douleur. Ce livre n'était pas qu'un compte rendu asymétrique des évènements qui pendant quelques semaines enflammèrent les Ardennes et la Lorraine, c'était aussi à cause ou malgré les combats une belle histoire d'amitié entre Jean le paysan raisonnable et Maurice le citadin révolté. Ces deux-là après des débuts difficiles se donnaient l'un à l'autre comme des frères avant de laver ce lien dans le fracas terrible de la commune de Paris. Dans une coïncidence fortuite comme seuls les romanciers de l'époque pouvaient se le permettre, Jean passé dans l'armée Versaillaise transperçait de sa baïonnette Maurice qui continuait sa lutte contre l'ordre établi au côté des insurgés. Aucun apaisement ne venait donc pour eux de la fin d'un conflit qui les privait chacun de l'essentiel, l'un de la vie et l'autre de l'amour. Car Henriette la soeur du jeune sacrifié qui devait donner son corps et son âme à l'ami parfait s'éloignait dans un veuvage décidé qui excluait le meurtrier de son frère. Ce livre en même temps que la déchéance de l'empire signait la fin des Rougon-Marquart en tant que dynastie. Eux qui s'étaient élevés à la suite de cette nouvelle élite retournaient dans l'anonymat du peuple et dans des vies sans éclats… un ouvrage magnifique et terrible
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Petite mise au point préalable:
- les récits de guerre , les longues explications stratégiques m'ennuient au plus haut point.
-même dans Les Misérables, relu trois fois,  l' interminable évocation de la bataille de Waterloo  a sur moi un effet soporifique garanti.
-je croyais naïvement que La Débâcle parlait de ma chère Commune de Paris: seule la semaine sanglante sert de théâtre tragique à sa conclusion.

Que diable allais-je donc faire dans cette Débâcle où les armées françaises s'enlisent dans l'hésitation, les revirements, les ordres et les contre- ordres avant de se faire piler vilainement à Sedan, puis trimballer, affamer, essorer de camp en camp , tandis que, dans la ville, des ambulances de campagne se transforment en boucheries, sans pansement, sans morphine, sans médecins -sang, sang, sang, par contre, beaucoup de sang- , et que les chevaux de cavalerie, démontés, débandés, déchaînés deviennent des hordes cannibales qui ravagent, mordent et tuent, rendues folles par la peur, l'abandon et la faim?

Eh bien la réponse est déjà dans ma question, laquelle  s'est laissé emporter,  malgré toutes les préventions évoquées plus haut,   par l'extraordinaire puissance de cette chronique en rouge et noir d'une défaite annoncée.

La Débâcle,  je l'avoue, oui, j'ai kiffé grave!

Dans ce maelstrom d'armées en déroute,  de soldats perdus, de généraux incompétents et sans fesse -Mac-Mahon, ce sinistre guignol, a perdu la sienne dans la bagarre!- sous le regard aussi navré qu'impuissant d'un Napoléon III quasi moribond, ridiculement escorté, sur le champ de bataille, par la cohorte rutilante  de ses bagages  et tout a fait dépassé par les événements , se déroule le grand rouleau compresseur de la défaite, de la chute et  de la honte. "Cinquante ans avaient suffi,  le monde était changé,  la défaite s'abattait, effroyable, sur les éternels vainqueurs. " rappelle,  cruellement , Zola.

Pour donner une échelle humaine susceptible de mesurer l'ampleur de ce désastre, deux personnages: le paysan et le lettré,  le terrien et le bourgeois, le conservateur et le révolutionnaire -en tout cas deux ennemis de classe-  Jean Macquard et Maurice Levasseur, d'abord hostiles l'un à l'autre, vont, au gré des périls et des péripéties, se rapprocher, devenir plus que des frères d'armes: des frères tout court!

Quelques personnages secondaires , éparpillés comme des santons sur l'échiquier guerrier permettent à Zola, au prix de quelques coïncidences un peu forcées, d'avoir le don d'ubiquité qui donne chair, sang et perspectives à ce récit formidablement mené. 

Les rythmes lents, les mouvements confus du début , deviennent  cavalcades véhémentes, charges furieuses, débandade éperdue, sous l'entropie dévastatrice de la débâcle. La guerre fait aussi son tri parmi les hommes et les femmes, distinguant les héros et les lâches, les victimes et les traîtres, les profiteurs et les purs, les assassins et les sauveurs.

C'est le grand révélateur de l'âme humaine.

Et, quittant Sedan où nous n'avons que trop piétiné, c'est un  Paris exsangue, cerné par Prussiens et Versaillais, une  Commune mise à feu et à sang, qui prête sa scène tragique aux  retrouvailles de Jean et Maurice, les deux amis...

Je n'en dirai pas plus! Laissez-vous emporter par la Débâcle. ..

Du grand Zola !
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Quel travail phénoménal que ce dix-neuvième tome des Rougon-Macquart !
Sur une trame rigoureusement historique, excepté quelques petites entorses temporelles, ou kilométriques, Zola nous fait traverser la guerre de 1870 auprès de soldats, de généraux, de capitaines, d'habitants de Sedan, de jeunes femmes, tous pris en étau dans ce tragique affrontement qui signe la chute du Second Empire.
Impressionnante consultation d'ouvrages, prises en compte de témoignages militaires et civils, imprégnation des lieux en mettant ses pas dans ceux de l'armée, en foulant le champ de bataille pour remplir de notes une centaine de feuillets. Je ne peux être qu'éblouie par cette extraordinaire exploitation de toute cette montagne d'informations qui a donné naissance à un ouvrage si détaillé, minutieusement élaboré, mêlant l'Histoire au romanesque d'une façon si intime que la lecture nous emporte dans un tourbillon littéraire. Ces plus de sept cents pages passent comme un ouragan.

En ce tout début d'août 1870, le 7e corps dont faisait partie l'escouade menée par le caporal Jean, l'ancien paysan qui a quitté sa terre, arrive tout près de Mulhouse. Dans ses rangs, on peut entendre le refrain classique d'une victoire certaine et rapide. Il suffit de passer le Rhin et surprendre les Prussiens « Une simple promenade militaire, de Strasbourg à Berlin. »
Dans cet escadron, le jeune Maurice, avocat et engagé volontaire, exalté, déterminé à se battre, se charge de haine face aux ordres de Jean, ce paysan sans éducation.
Une organisation défaillante, des effectifs moindres, un ravitaillement et des dépêches qui tardent font douter Jean face à l'inaction des troupes. le plan initial est resté un rêve et la réalité prend la couleur de chances perdues pour atteindre la victoire. Et lorsqu'une petite victoire est entendue, elle est vite effacée par un écrasement prussien. Pourtant, pour certains, la certitude d'une raclée prochaine à ces cochons de Prussiens ne peut être mise en doute. Cette nuit d'août, les défaites s'additionnent, au petit matin les Français sont battus « une aube de deuil se levait ».
Dans une grande bousculade, la compagnie fait retraite dès le lendemain de son arrivée.

Bien plus fortes que des images, les phrases de Zola font exploser la débandade des troupes dans la confusion générale des ordres mal donnés. Les charges des soldats, trop lourdes, sont laissées sur le bas-côté, puis les fusils. Dans le contraste des journées éclatantes de ce mois d'août, les départs des Alsaciens sauvant le peu qu'ils peuvent emporter, offrent un spectacle criant de désespoir de cette fuite face à l'ennemi.
Puis ce sera la marche sur Verdun et Zola ne laisse rien, n'ignore rien sur ce chemin. La fatigue, la faim, le découragement, une intendance complètement désorganisée, la confusion des changements d'ordres, tant de journées perdues pour une marche vers une mort assurée.
Zola nous fait peiner dans la pluie et la boue de l'Aisne, le dos meurtri par les charges et les fusils, et répand le désespoir, la démoralisation et la lassitude de toute la troupe. Pendant des semaines, pas un coup de feu n'est donné, pas une rencontre avec l'ennemi ne survient.
Les batailles, les replis, toute l'Histoire se déroule, abominable, n'épargnant rien ni personne. Les haines ruissellent, devenant torrents et éclaboussant tout sur leurs chemins. La cuisante désillusion des éternels vainqueurs, ratatinés face un petit peuple insignifiant, est difficile à admettre.
Et pendant cette marche, de paysan mal dégrossi, Jean devient un brave homme aux yeux de Maurice après quelques paroles et gestes bienveillants. Une gratitude vient remplacer la haine. Jean s'inquiète des souffrances du jeune Maurice, comme un petit frère à protéger. L'amitié prend force alors que le conflit gonfle en intensité. Les bruits de canons entendus dans le lointain deviennent des tirs sanglants, sans relâche, ravageant les soldats et les civils. La bataille de Sedan ensanglante les pages. Sous les brouillards qui s'élèvent de la Meuse, les obus font frissonner et voler en éclats habitations, routes, soldats, civils.
Tous les détails donnés avec l'admirable plume si accrocheuse de l'auteur nous vrillent l'estomac, la nausée de ce champ de bataille monte et, en arrière, les blessés agonisants nous font crier quelle saleté de guerre !
Deux figures féminines, Silvine, Henriette, viennent se greffer sur ce tableau de misère, sur cette folie de guerre broyant tout, dans leur coeur, dans leur chair.
Alors que champs, prairies verdoyantes, arbres séculaires se gorgent de soleil, les hommes se massacrent les uns les autres sous les obus, les balles et les baïonnettes. Pour se terminer, quelques mois plus tard, en points incandescents dans tout Paris, les communards voulant tout nettoyer, surtout ne pas céder, ne pas faire entrer la honte dans la capitale.

J'ai tardé à lire La débâcle, craignant l'ennui d'interminables pages sur des affrontements militaires. Mais ici, tout est si fort. Et les personnages, se faufilant avec tant d'aisance et d'ardeur dans les évènements historiques empêchent résolument d'éprouver le moindre désagrément de lecture. C'est, une fois de plus, un ouvrage époustouflant d'un Zola que je ne peux cesser d'admirer.
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Bien sur il y a eu beaucoup de roman sur une période de guerre ,toutes celles du moyen âge, la révolution, les batailles de Napoléon 1er, celle ci de 1870, les deux guerres mondiales, 1914-1918, 1939- 1945, etc
"le feu" de henri Barbusse, "ceux de 14 de Maurice Genevoix , je ne vous en cite pas plus ,ils sont nombreux.
Celui ci m'a pris aux tripes ,Un des meilleurs Zola,sur un fait historique qui relate l'issue de la guerre de 1870 contre l'Allemagne, sur cette période de 1870 assez méconnue.
Zola nous rafraîchit la mémoire et aussi vrai que toutes les guerres se ressemblent, il nous fait prendre conscience de cet éternel recommencement , qui écrasent militaires et civils dans la débacle et la mort.
Serait ce le propre de l'homme ? tuer, tuer et encore tuer ses semblables ,pour un pouvoir quelconque , et pour être plus riche en argent ?
oui !malheureusement .
Bizarre ,car je relis "la débacle" par petites touches et je m'aperçois qu'en 2023 rien n'a changé !!

Tout y est décrit avec minutie ;il se lit d'une traite, mais moi je ne veux pas , surtout un roman historique de cette valeur, Il est tout simplement exceptionnel .
Comme chaque fois dans la guerre une amitiè fraternelle nait entre deux combattants , Maurice et Jean quand je lis ces passages cela me serre le ventre, n'oublions pas
Henriette , ah cette femme ! qui est une colombe face à la folie des hommes !
Faut il des guerres pour que des hommes s'aiment ? bon sang jamais cela ne s'arrêtera ?
Là est le sujet ; description des prémisses de la bataille de Sedan; vivre comme si on y participait entièrement à cette bataille , et quelles évidemment vivre ses conséquences.
voila ou Zola nous entraîne .
Je réitère !pourquoi? pour qui la guerre ? à pleurer, car je ne sait pas honnêtement!
Je ne boude pas ce livre au contraire ! qu'on le lise encore , afin de prendre conscience de ce que peut entrainer une geurre sur nos vies d'adultes et surtout celles de nos enfants .
" La guerre, c'est la vie qui ne peut pas être sans la mort".
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« La Débâcle » (1892) est le dix-neuvième et avant-dernier roman des « Rougon-Macquart ».
Zola, en fait, donne deux conclusions à son oeuvre : « La Débâcle » en est le point final historique, qui fait le pendant à « La Fortune des Rougon », la naissance et la mort, l'ascension et la chute, et qui, c'est tout sauf un hasard, coïncide avec les dates du Second Empire. « le Docteur Pascal », lui, dresse le bilan de l'entreprise : il fait le récapitulatif des vingt romans, en mettant en avant les points qu'il a tenu à étudier tout particulièrement : les incidences de l'hérédité et du milieu ; bilan sociologique, bilan littéraire aussi, car le docteur Pascal dresse à la fois un sommaire des Rougon-Macquart, mais également les commente, il est en quelque sorte le double de Zola.
« La Débâcle », donc, nous fait assister à la chute de l'Empire. A la déroute de l'armée devant les Prussiens, succède le siège de Sedan, puis la capitulation. Et juste derrière, le drame de la Commune. Nous autres, habitants de la seconde moitié du XXème siècle, nous ne pouvons pas nous empêcher d'y voir une prémonition de la « débâcle » de 1940, prélude elle-même à un cataclysme encore plus grand.
Nous retrouvons ici Jean Macquart, le héros de « La Terre », le frère de Gervaise et de Lisa. Un des rares personnages qui, dans la série, ne soit pas atteint d'une tare quelconque. Il est caporal au 106ème de ligne (en clair 106ème Régiment d'Infanterie de ligne). Avec une poignée de soldats, il bat en retraite. Bien vu et apprécié de ses hommes, il se lie avec l'un d'eux, Maurice Levasseur. Autant Jean est posé et pragmatique, Maurice est exalté et révolutionnaire, mais tous deux rêvent d'une autre France que celle que Napoléon III conduit à sa perte. Puis c'est le siège de Sedan, avec toutes ses atrocités. Sedan capitule. L'Empire s'écroule. La Commune apporte un point final à la tragédie : Jean et Maurice se trouvent opposés : Maurice est Communard et Jean Versaillais, et la fatalité veut que Jean, sur le point d'épouser Henriette, la soeur de Maurice, tue accidentellement ce dernier.
Emile Zola dresse ici un violent réquisitoire contre la guerre. Cette guerre-ci (il ne se gêne pas pour fustiger l'inconséquence de Napoléon III et de son épouse Eugénie, l'incompétence de l'Etat-Major, ainsi que l'absence de préparation des troupes, et la sous-évaluation de l'ennemi), mais également de toutes les guerres passées et à venir. Ses ennemis ne lui pardonneront pas cette prise de position pacifiste : deux ans plus tard, ces mêmes détracteurs seront anti-dreyfusards, va-t-en-guerre, revanchards, et appelleront de leurs voeux la guerre de 14-18.
Pour ce livre, Zola a encore réuni une impressionnante documentation. Il est allé lui-même à Sedan (accompagné de sa femme) pour voir, étudier et restituer les circonstances du siège, et a pris l'avis et les informations de plusieurs historiens.
« La Débâcle », paradoxalement, est un des romans les plus longs et les plus lus des Rougon-Macquart. Pourtant il n'a jamais eu le succès populaire de « Germinal » ou de « L'Assommoir ». Pour Henri Mitterand, grand spécialiste d'Emile Zola, cette oeuvre « porte en elle les contradictions qui caractérisent l'idéologie républicaine à la fin du siècle dernier » : si on y cherche autre chose qu'une évocation romancée du siège de Sedan, on risque de se heurter à des incompréhensions, des opinions tranchées dans un sens ou dans un autre.
Reste que Zola nous livre ici un grand roman, généreux et fort. A son image.
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Ce tome des Rougon-Macquart traite de la guerre, plus particulièrement la guerre Franco-Prussienne des années 1870 qui a mis fin au Second Empire. Zola raconte en détail la vie de soldats qui ont vécu l'humiliation de la défaite des troupes Française. On y voit dans les détails la difficile marche des soldats non entraînés face la machine bien huilée de la future Allemagne. Les descriptions de blessures, d'ambutation et de toute sortes de maladies et mutilations y sont mis bien en évidence par l'auteur. C'est définitivement le meilleur livre de guerre que j'ai eu la chance de lire. Tous les chefs d'état devraient lire ce livre avant d'envoyer nos pauvres soldat à des guerre inutiles.
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Cet avant dernier opus de la série des Rougon-Macquart est avant tout le récit historique et sanglant du conflit franco-allemand de 1870 et plus particulièrement du désastre de Sedan et de la reddition de Napoléon III, cette défaite militaire ayant engendré la Commune de Paris.

Emile Zola nous fait participer aux affrontements sanglants de cette époque avec forces détails, sans oublier d'apposer, au cours de sa narration, une peinture sociétale de son époque, sa "patte de mouche", en quelque sorte. le talentueux écrivain nous entraîne ici dans les aventures rocambolesques de Maurice Levasseur et de Jean Macquart, deux jeunes gens aux origines sociales totalement opposées, dont les destins vont se croiser sur les champs de bataille, pour le meilleur comme pour le pire !
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La Débâcle est un des romans les plus poignants écrits sur la guerre de 1870. Publié en 1892, vaste fresque historique et descriptive des atrocités de cette guerre franco-allemande un peu oubliée de nos jours en dépit de ses conséquences, récit documenté d'une défaite sidérante, il entraîne le lecteur dans le bourbier de Sedan.
On y retrouve Jean Macquart, personnage central du quinzième volume de la saga, "La Terre". Après la mort dramatique de sa femme, Jean s'est réengagé dans l'Armée française et il y fait la rencontre de Maurice Levasseur, un intellectuel idéaliste, rêveur de la révolution. C'est une amitié improbable, comme souvent dans la réunion de deux caractères antagonistes, mais la guerre est le chaudron où les différences peuvent s'estomper, où l'on s'étripe et où l'on se sauve la vie, dans un magma de sang et de boue, couverts de vermine, affamés et assoiffés.
Cette amitié connaîtra une fin tragique dans le chaos de la Commune de Paris, période insurrectionnelle de deux mois aboutissant à la Semaine sanglante de 1871, véritable guerre civile, qui verra également la destruction de nombreux édifices de Paris, principalement le château des Tuileries, dont l'achèvement, par sa réunion au Palais du Louvre par une longue galerie, fut donc de très courte durée (1860-1871, soit onze ans).
La défaite ahurissante des Français face aux Prussiens, dont les familles se trouvent souvent engagées face à face dans le conflit, reste incompréhensible pour ces soldats, dont beaucoup ont combattu aux côtés du Grand Napoléon. La Commune sera la réponse du peuple à Napoléon III, et la fin du Second Empire sera scellée à Sedan.
Au-delà des approches historiques et morales de l'oeuvre, l'écriture descriptive si particulière de Zola - qui ne craint pas la boucherie et donne à ressentir les moments de grâce ineffables qui se nichent en dépit de tout au milieu des pires drames : un chant d'oiseau, un paysan qui laboure sa terre à deux pas du champ de bataille, la joie d'une retrouvaille - emporte l'adhésion par l'émotion juste, pour l'humanité souffrante qui travaille à sa propre perte.
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Bien que grand laudateur de Zola devant l'Éternel, je n'avais jamais entendu parler de ce roman jusqu'à récemment. Il faut dire que le père du roman naturaliste a été prolifique. Chacune des oeuvres de sa série les Rougon-Macquart, dans le zolaverse, est un pavé. Il faudrait presque une vie pour lire tout ce qu'il a écrit en une seule vie, le père Emile.

La débâcle prend donc pour cadre la guerre franco-allemande de 1870. A ce stade, il n'est pas impossible que je t'apprenne que la France et les Prussiens n'ont pas attendu 1914 pour se mettre une peignée. Ici, je vais endosser mon costume de Nota Bene, quelques kilos en moins, pour faire un point historique. S'il y a des erreurs, sache que c'est la faute de wikipedia. Je te fais la version courte pour les cancres.

Tout est parti du trône d'Espagne laissé vacant, sur lequel un prince allemand, j'ai plus son blaze, prétendait vouloir écraser sa raie princière. La France voyait d'un très mauvais oeil cette candidature, ne voulant pas se retrouver la viande hachée entre deux pains à hamburger teutons. L'Allemagne renonça à ses prétentions, parce que c'était poliment demandé, mais la France voulait des garanties que les teutons n'essaieraient plus jamais de postuler à Game of thrones. C'est là que l'ego de quelques individus a mis deux nations à feu et à sang. Reçu par le roi de Prusse, l'ambassadeur français fut plutôt bien reçu, avec les petits fours et le verre de schnaps. Un peu trop pour le chancelier Bismarck, qui ne cherchait qu'un prétexte pour faire entrer son pays en guerre ouverte avec la France. Il envoya un télégramme aux chancelleries étrangères, (la fameuse dépêche d'Ems) avec une version tronquée de l'entretien, dans laquelle l'ambassadeur français y était honteusement humilié. C'est tout l'honneur d'un peuple qui était souillé. Oulala, que ça tonnait aux tribunes politiques ! Et hop, vous avez une guerre.

Sauf que ça s'est assez mal passé pour la France et Napoleon III, et que son armée de paysans, opposée à une armée professionnelle, organisée, la deutsche qualität quoi, s'est pris une derrouillée qui lui a coûté beaucoup de vies et des milliards de francs. Une série de défaites, une énorme débâcle qui a atteint son point culminant à Sedan. Puis c'est carrément Paris qui fut assiégée, encerclée, affamée et copieusement bombardée.

Quand la France capitula, le conflit avait fait 139 000 morts chez les Français, et 51 000 chez les Prussiens. Ce fut notamment cette capitulation, cette "lâcheté" des bourgeois, qui conduisit à cette fameuse Commune de Paris, une révolte intestine, une guerre civile qui finit de détruire ce qui était encore debout.

Qui se souvient de ce conflit, hormis quelques férus d'Histoire ? Tout le monde a entendu parler des deux guerres mondiales, mais qui sait qu'en 1870-1871, l'homme a créé la première boucherie industrielle ? Peu de gens, je présume.

Contemporain de cette guerre et de la Commune, Zola écrit la formidable amitié entre deux soldats français que tout oppose, issus de deux classes différentes. le lettré et le paysan. D'abord, c'est l'attente, l'ennui, les errements tactiques et les indécisions du commandement, qui s'échine à ne pas vouloir engager le combat. Puis, quand il est inévitable, c'est déchaînement de violence, le vrai, à Sedan et ses alentours. C'est à dire que les obus tombent et les balles sifflent, et que les morts s'entassent sur les morts de la minute d'avant. Zola n'épargne rien du spectacle dégueulasse de la guerre, toujours dans ce style si particulier, si beau et emphatique, mais j'y reviendrai... C'est même franchement gore, la cervelle répandue, les membres cassés et pendouillant, les viscères à l'air, les os nus ; 150 ans plus tard, certaines âmes sensibles pourraient même s'en trouver très bouleversées. Quel scandale a dû provoquer ce bouquin à son époque.

C'est d'une modernité incroyable ; bien sûr, certains dialogues sont un peu datés, et je ne sais pas si s'exprimait ainsi à l'époque, mais la légèreté de pas mal de répliques, faites lors de situations extrêmes (comme par exemple lors d'une amputation dans une ambulance ou lors d'une exécution sommaire) m'ont paru franchement fantaisistes, pour ne pas dire irréalistes. Mais je n'ai jamais aimé Zola pour ses dialogues.

Son style éblouissant m'a peut-être aussi moins impressionné que d'habitude. A force, je commence à y voir une sorte de recette, des gimmicks d'écriture pas toujours du meilleur goût. Par exemple je ne compte plus le nombre de fois où Zola nous sort son flow, pardon, son flot : flot d'hommes, flot de cheveux, flot de chevaux, flot de sang, flot de canons...

Zola, contrairement à ce qui se prétendit à l'époque, ne signe pas un roman antipatriotique, mais un roman puissamment antimilitariste, qui, comme dans Fratricide de Patrice Quélard, fustige l'incompétence des chefs, et la vanité des guerres. Il l'est encore plus aujourd'hui, alors que L Histoire a ajouté quelques grandes et sanglantes guerres à son pedigree. Je pense à tous ces jeunes hommes qui sont allés se faire trouer la paillasse, se faire déchiqueter, pour des motifs ridicules, parce qu'ils croyaient que s'il ne faisaient rien, il n'y aurait plus rien après eux. Comme le disait Brassens :


"Et comme toutes sont entre elles ressemblantes

Quand il les voit venir

Avec leur gros drapeau

Le sage, en hésitant

Tourne autour du tombeau, "mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente

D'accord, mais de mort lente"

Encore s'il suffisait

De quelques hécatombes

Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât

Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent

Au paradis sur terre, on y serait déjà

Mais l'âge d'or sans cesse

Est remis aux calendes

Les Dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez

Et c'est la mort, la mort

Toujours recommencée, mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente

D'accord, mais de mort lente

Ô vous, les boutefeux

Ô vous les bons apôtres

Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas

Mais de grâce, morbleu

Laissez vivre les autres

La vie est à peu près leur seul luxe ici-bas

Car, enfin, la Camarde

Est assez vigilante

Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux

Plus de danse macabre

Autour des échafauds, mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente

D'accord, mais de mort lente"

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Avant-dernier volume des Rougon-Macquart, La Débâcle est le roman de la désillusion et du pessimisme. Centré autour de la bataille de Sedan, il nous montre bien sûr l'absurdité et les horreurs de la guerre, mais aussi la force considérable d'une amitié improbable entre deux êtres que tout sépare : Jean, le paysan, un peu rustre mais doté d'un grand coeur ; Maurice, l'érudit aux grandes idées politiques, effaré de la grossièreté des soldats, mais loyal et généreux.

Dans cet ouvrage, et comme le fera Dino Buzzati une cinquantaine d'années plus tard dans le Désert des Tartares, Zola retranscrit à merveille la mentalité des soldats, épuisés par une attente interminable et des ordres auxquels ils ne comprennent rien. On est loin ici d'un Fabrice del Dongo à Waterloo : certes, Zola souligne l'éclatement du point de vue, l'absence de vision d'ensemble pour le simple soldat, mais il fustige avant tout l'incompétence des généraux et des stratèges, aveugles aux souffrances de leurs troupes.

Mais c'est précisément cette attente insupportable des soldats, admirablement rendue par l'auteur, qui risque d'ennuyer plus d'un lecteur, puisqu'il ne se passe finalement pas grand-chose, du point de vue de l'intrigue, dans les 200 premières pages. En revanche, Zola fait preuve d'une grande finesse en décrivant l'amitié qui se noue progressivement entre les deux héros du roman, une amitié qui sera mise à mal avec la Commune de Paris, où les deux amis choisiront un camp différent, jusqu'à l'affrontement, inévitable.

Le style est, comme toujours, remarquable, notamment dans les scènes de combat, où l'auteur s'amuse à faire varier l'échelle et les points de vue, passant d'un régiment à un autre, d'une escouade à l'autre, de l'artillerie à l'infanterie, des soldats aux ambulanciers, des généraux aux déserteurs. Et Zola parvient, mieux que tout autre, à faire revivre à son lecteur tous les bouleversements de la guerre : privations, exactions, pillages, exécutions sommaires, blocus...

(la suite en cliquant sur le lien ci-dessous !)
Lien : http://ars-legendi.over-blog..
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