Il était réservé à Dostoïevski, au destructeur de l'unité, au dualiste invétéré, de pénétrer ce mystère, d'analyser définitivement le sentiment ; il le déchire au point que ses personnages semblent avoir une âme toute différente de celle qui existe auparavant.
p.125.
Katherine Ivanovna [celle des frères Karamazov], par exemple, aperçoit Dmitri dans un bal ; on le lui présente, il l'offense, elle le hait. Il se venge, il l'humilie, et elle l'aime, ou plutôt, ce n'est pas lui qu'elle aime, mais la mortification qu'il lui a infligée. Elle se sacrifie à lui et s'imagine l'aimer, mais elle n'aime que son sacrifice à elle, son attitude : plus elle semble l'aimer, plus elle se reprend à le détester. Cette haine s'en prend à la vie de Dmitri, la détruit, et au moment où la destruction est accomplie, où son humiliation de femme est vengée, où son sacrifice apparaît comme un mensonge, elle l'aime derechef.
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Voilà les complications amoureuses chez Dostoïevski.
p.131.
Dostoïevski est un alchimiste de la réalité, un astrologue de l'âme.... Il y a en lui quelque chose du médium, du mage, de l'enchanteur déchirant l'écorce de la vie pour s'abreuver de sa sève réconfortante.
Les êtres vrais ont souffert, ils ont le respect de la souffrance et atteignent par là l'ultime secret du monde.
Chaque Anglais est plus anglais que l'Allemand n'est allemand.
Le jeune homme ne trouve plus de héros. Le temps des figures héroïques est passé.
De même que Shakespeare est la hardiesse de l'Angleterre avide d'ambition, Dickens est la prudence de l'Angleterre rassasiée.
"ce n'est pour rien que sous un portrait de Napoléon : « Ce qu’il n’a pu achever par l’épée, je l’accomplirai par la plume. »
"Ses héros sont comme lui. Tous ont l’ambition de conquérir le monde..."
L'anglicité n'est pas comme un vernis, comme une simple couleur revêtant l'organisme spirituel de l'être humain ; elle pénètre dans le sang, elle agit sur son rythme à la façon d'un régulateur, elle met ses pulsations dans ce qu'il y a de plus intime et de plus secret, de plus personnel en l'individu, je veux dire le sens artistique. Même comme artiste, l'Anglais est plus tributaire de sa race que l'Allemand ou le Français.
Cette poésie de la vie quotidienne, il a voulu l'apprendre à tous ceux qui étaient comme relégués dans cette quotidienneté.
Les muscles que l’on ne fait pas fonctionner dépérissent, les nerfs que pendant des années l’on ne fait pas agir s’ossifient et celui qui, pendant toute une vie d’homme, a été le virtuose d’une seule passion, l’athlète d’un seul sentiment n’est qu’un incapable et un maladroit en tout autre domaine.