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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
« Il savait seulement que jamais il ne reverrait ces petits villages monténégrins où il avait connu jadis le bonheur et la souffrance, car, en cet instant, il plongeait ses regards en lui-même comme dans les profondeurs de la nuit et faisait, sans une larme, ses adieux au monde entier ».

Encore un nouvel élément dans ma moisson balkanique à la bibliothèque (sans l'avoir fait exprès, d'ailleurs).

Dans la montagne monténégrine, deux hommes en poursuivent un troisième. Récit court et rythmé, anxiogène et de plus en plus oppressant. Mené à deux voix, alternant celle du poursuivi, et celles des poursuivants, de plus en plus nombreux. Inexplicable poursuite évoquant quelque peu Mangez-le si vous voulez de Teulé, comme une parabole effrayante.

« Avions-nous, dans ces conditions, d'autre ressource que de le haïr ? Bien entendu, quand nous commençâmes à le haïr, nous ne doutions pas, tout d'abord, que ce sentiment puissant et merveilleux qui nous situait par rapport à lui, avait tout de suite effacé les différents motifs qui nous avaient jusque-là poussés à le poursuivre : nous fûmes soudain plus proches les uns des autres, presque identiques, nous nous ressemblions, jusque dans notre aspect extérieur : trempés de sueur, le visage crispé, courbés en avant, nous courions au même rythme et respirions du même souffle, comme une meute de chiens harassés qui ne puisent leur force que dans la fureur et la haine ».

Certes pas une lecture très guillerette. Mais ouaw ! qu'est-ce que c'est bien fait.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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La Bouche pleine de terre est une macabre nouvelle traversée d'une tension quasi-insupportable : les premières pages s'ouvrent sur le récit à deux voix d'une absurde course-poursuite entre deux compères et un troisième individu halluciné souhaitant revoir son Monténégro natal.

Le fuyard poursuit sa fuite, évitant ses poursuivants qui deviennent de plus en plus nombreux, sans que l'on ne comprenne ni les raisons de la fuite, ni celles de la poursuite ; la narration prend un tour carrément fantastique lorsque l'on se rend compte que l'épuisement n'aura pas raison du fuyard, qui trouve en lui d'étranges forces surhumaines pour poursuivre sa course.

On peut certes prendre du recul sur cette lecture, et imaginer que tout n'est qu'une métaphore de la condition humaine et des mécanismes sociaux qui permettent à un groupe de persécuter un individu ; l'auteur ne nous fournit cependant pas vraiment de clefs de lecture, et j'ai fini ma lecture un peu déboussolée, d'autant plus que la préface laissait supposer une sorte d'oeuvre d'art aux nombreuses références littéraires. Je reste perplexe, bien que Branimir Šcepanovic mérite une mention pour la tension qu'il laisse planer d'un bout à l'autre du récit.
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(...).

Déjà, la préface est magnifique, riche de références (du dormeur du val à Goethe en passant par Mein kampf et saint Augustin), et du coup vous vous trouvez ridicule à prétendre parler de ce livre. Car, soyons honnête, la préface éclaire la face cachée de l'oeuvre, celle que, maigrement cultivé que vous êtes (enfin, vous, je veux dire, moi) vous n'auriez jamais pu que ressentir sans clairement identifier.

Je ne peux m'empêcher de vous en citer un passage:

"De "la mort de Monsieur Golouja" au "rachat" en passant par "la bouche pleine de terre", l'évangile selon Scepanovic prêche la même éthique du salut, avec toujours les mêmes héros qui prennent sur eux le pêché du monde, la haine des nations en meute, pour trouver dans la mort bienheureuse une certaine réconciliation. Après avoir cherché l'ombre de la croix sur la terre, le suicidé frustre ses assaillants d'une mort promise. La stupeur des chasseurs frustrés ne se laisse comparer qu'à la stupeur des disciples accouardis devant le tombeau vide. le sourire sur les lèvres d'une bouche pleine de terre est une manière de se dérober d'une façon aussi sûre que celui du chat de Cheshire (...) Et le bonheur de ce suicidaire est très exactement le même que celui de Borges (...) autre chantre, dans ses fictions, du bonheur par la pétrification et la minéralisation de l'homme:"Aucune étoile ne restera dans la nuit / ni la nuit ne restera./ Je mourrai et avec moi mourra la somme de l'intolérable univers." Et comme en apothéose pour qui sait lire sur les lèvres des morts volontaires de Branimir Scepanovic:"Je rearde le dernier coucher de soleil./ J'entends le dernier oiseau./ Je lègue le néant à personne." Eut-il été moins nu, que le néant n'aurait pas été aussi accompli, ni le sourire aussi franc et salutaire, ni la mort autant mortifiée. Tel est le "supplément d'être" du mort volontaire.(...)"

Ce livre relativement court (moins d'une centaine de pages dans l'édition de poche) est un récit à double narration en échos, la double narration étant explicitée dans la forme par des paragraphes espacés, ainsi que l'emploi des italiques (narration coté Mort volontaire).

Le récit commence par celui de deux chasseurs, dans une tente, engloutis dans une nuit d'été.

Puis vient celui d'un voyageur à bord d'un train. Sans bagages. Ce voyageur, comme on l'apprendre plus tard, a choisi de se rendre à un endroit pour mourir. Parcequ'il veut choisir sa mort et ne veut pas qu'une maladie la lui vole. Sa maladie, incurable. Il s'enfuit de l'hopital, rentre chez lui, fuit son domicile. Puis le train et la gare. Une fuite, un exil. La mort comme salut. Dès lors, notre homme va éviter tout ce ui pourrait inflechir sa détermination.

L'endroit élu est le sommet d'une montagne, là ou quelques décennies plus tôt, enfant, il s'était réfugié et avait entrevu une première fois la mort comme une délivrance. Alors qu'il marche vers cette terre, promesse de néant libérateur, il rencontre de façon fortuite les deux chasseurs. Ils auraient pu se croiser, s'ignorer, et notre futur mort volontaire aurait pu continuer son chemin.

Mais au lieu de ça, sans mot dire, il fait demi-tour et se met à courir. Et, curieusement, les chasseurs se mettent à lui courir apres. Sans savoir trop pourquoi. Cette course poursuite effrenée va durée toute la journée. Aux chasseurs se joindront un berger, puis un garde chasse, et au fur et à mesure une véritable meute se formera. Personne ne sait précisément pourquoi il poursuit le fuyard, mais au fur et à mesure, les gens s'inventent une raison et se mettent, via une espèce d'émulation inhérente au groupe, à le haïr.

L'auteur décrit de façon très subtile cette naissance de la haine.

Tout cela prendra fin lorsque notre homme se jettera du haut de son rocher.

Il a pris conscience de son existence, approché la mort, l'a convoitée, redoutée et, dans un ultime soubresaut, s'est jeté dans ses bras, anéantissant ainsi la horde qui était à ses trousses et laissant les chasseurs hagards, hébétés, comme à la suite d'un mauvais reves.

Les matéphores possibles d'un tel récit sont multiples. On peut y voir une dimension religieuse, mais également une dimension sociale (thème du suicide et du rapport de l'individu à la collectivité) et politique. Ainsi, Thierry Guichard du matricule des anges, évoque une analogie avec le sort de la Yougoslavie ("Son analyse du comportement de la foule des poursuivants, la mécanique de la haine qu'il démonte sobrement, éclaireront ceux qui voudront voir dans ce roman l'annonce de la guerre qui a conduit la Yougoslavie au suicide")

Un très grand livre, excellente introduction à l'oeuvre de l'auteur.
Lien : http://lelabo.blogspot.com/2..
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