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EAN : 9782844854025
64 pages
Allia (05/05/2011)
3/5   1 notes
Résumé :
"La délation ferait peu de progrès, si elle ne rencontrait dans le peuple des dispositions à la croire."

"Comme il serait déraisonnable de penser à guérir les hommes de la crédulité, cette suite irréparable de leur faiblesse, on pourra m'objecter encore que les imposteurs qui fondent leur succès sur elle sont un mal inévitable. Mais j'observe que je ne fais pas ici la proposition insensée d'empêcher des hommes de réciter des mensonges et d'autres homm... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
François de Pange (1764-1796) est mort très jeune, victime d'une constitution extrêmement fragile.
Il n'a pas laissé une oeuvre très abondante si bien que l'on ne se souvient guère de lui aujourd'hui malgré qu'il fût le grand ami du poète André Chénier auquel il inspira un poème, ainsi que le fervent ami de coeur de Mme de Staël, laquelle évoqua leur liaison dans son roman « Corinne » en le représentant sous les traits du personnage d'Oswald.
D'origine noble, il revendique très tôt des idées libérales, participant aux débuts de la Révolution, mais pendant la Terreur, s'apercevant des aberrations, des injustices, de la partialité et des abus de certaines instances nouvellement en place, il se réfugie en Suisse, échappant de peu à la guillotine.
C'est de là-bas qu'il observe les emportements d'une nation devenue tyrannique et qu'il s'insurge contre une justice de plus en plus arbitraire, transformée en parodie car davantage fondée sur des principes vils et méprisables de délation et de dénonciation que sur des notions de vérité, d'exactitude et de droiture.

Le bref essai « Réflexions sur la délation et sur le comité des recherches » paraît en 1790.
Dans un premier temps, François de Pange écrit ce libelle en réaction à l'affaire du Baron de Besenval, alors en pleine instruction judiciaire.
Besenval, Commandant des Gardes Suisses, est accusé d'avoir voulu affamer la ville de Paris lors de la répression militaire du 14 Juillet. Mais à cette époque, le commandement des unités armées n'est déjà plus de son ressort mais de celui du Comte de Broglie. Pourtant, et certainement à cause de l'antipathie qu'il inspire, l'opinion publique se déchaîne sur le malheureux. Sa culpabilité n'est édifiée que sur les nombreuses lettres de dénonciation reçues par le Comité de Recherches alors que seul un faisceau de preuves ou d'indices manifestes auraient dû accréditer la thèse de sa responsabilité.

Prenant cette fausse accusation en exemple, François de Pange s'étonne, s'insurge et se questionne sur ce mal gangrénant de l'Etat qu'est la délation. A cela, il élargit le débat en s'interrogeant sur l'efficacité du Comité de Recherches Révolutionnaire, un organisme de surveillance créé en 1789 pour enquêter sur d'éventuels suspects et complots mais dont la propension à prendre pour argent comptant les dénonciations et autres délations de citoyens de tous acabits n'a eu de cesse d'émousser la crédibilité et la probité de leur mission première. Car « qui peut attacher du prix à l'opinion, quand elle a cessé d'être juste ? ; « Quel scélérat la redoute, quand il a vu d'autres scélérats la tromper ? »; que vaut une justice qui ne se fonde que sur des « on assure, sans doute, probablement » ?.

Si les éditions Allia n'avaient eu la bonne idée de rééditer cet opuscule, le nom de François de Pange nous serait resté sans doute inconnu. C'eût été dommage car ce tout petit livre tenant dans la paume de la main recèle des pensées et des avis très intéressants, et de surcroît d'une incroyable - bien qu'affligeante - actualité.
Car on doit bien constater que ce que décrit François de Pange du fonctionnement et des mécanismes de la délation est loin d'être une pratique tombée en désuétude.
Les choses n'ont hélas guère changé depuis l'époque révolutionnaire où l'auteur observait : « on doit ne pas voir sans inquiétude l'esprit de délation qui se propage en France, et qui travaille sans relâche à pervertir l'opinion publique ».
La délation n'est certainement pas un mal typiquement français mais il faut bien admettre que l'Histoire française est plus qu'encombrée d'exemples de cette vile pratique, la Collaboration en étant sans doute le parangon le plus méprisable.
Plus récemment, combien notre époque « moderne » compte-t-elle encore d'hommes brisés, anéantis, injustement traînés dans la boue sur des déclarations plus ou moins douteuses?
C'est d'ailleurs ce qui fait tout l'attrait et l'intérêt de ce petit ouvrage ; cette saveur âcre que l'on goûte à la lecture en reportant les observations et les allégations de ce Monsieur du XVIIIème à notre époque contemporaine…

Quand François de Pange dénonce les calomniateurs de tous crins, citoyens crédules, journalistes ambitieux, hommes politiques vaniteux, c'est notre société actuelle qui se trouve finalement accusée de lèse-nation : « j'appelle délateurs, dans un Etat libre, ceux qui cherchent à noircir dans l'esprit du peuple les intentions, les discours, la conduite de leurs concitoyens. »

Quand il fustige les façons des dénonciateurs, c'est présentement notre mode crapuleux de fonctionnement qui est pointé du doigt : « Les imposteurs, pour plaire au grand nombre qui désire, calomnient le petit nombre qui jouit : ils réussiront surtout si, ne s'arrêtant pas à des déclamations générales, ils articulent des faits contre des hommes en place, s'ils révèlent sur leur compte de prétendus secrets ; s'ils leur imputent de ténébreux complots. Qu'ils ne cherchent pas à donner des preuves ; les assertions suffisent : il ne faut pas même que les inculpations soient probables. Moins elles auront de vraisemblance, plus elles trouveront de crédulité »…

« La délation ferait peu de progrès si elle ne rencontrait dans le peuple des dispositions à la croire. »
En sus de se délecter de la langue vive et enjouée du 18ème siècle, on trouvera dans ce petit ouvrage matière à s'interroger et réfléchir sur les aspects que devraient revêtir un Etat libre comme le nôtre.
C'est du moins le message que nous transmet par delà le temps l'idéaliste et bienveillant François de Pange: « adorateur de la Liberté, je presserai mes concitoyens d'honorer cette divinité nouvelle en lui rendant ici ses compagnes immortelles, la Justice et l'Humanité »…
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
« Le merveilleux répandu dans un récit inspire à l’imagination autant de besoin de croire qu’il donne à la raison de sujets de douter. »
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