"...solitaire je suis. Et tout solitaire....est un prisonnier, un détenu si libre soit-il",
écrit notre protagoniste dans ses lettres à un certain Felipe. Antropophobe, il s'est réfugié dans une ville dans la montagne, pour fuir La Bêtise Humaine. Mais voilà qu'il fait la rencontre de Don Sandolio, joueur d'échec, personnage qui l'attire comme un aimant et va bouleverser tous les plans de sa solitude. Il va en faire un personnage de fiction dont la Vie et les problèmes se résument à ceux du jeu d'échec ( jeu de la Vie ?), quand au vrai Don Sandalio, quelle importance 😊!
En faites ce récit , à travers le protagoniste, c'est une rencontre avec le romancier même, un des plus grands auteurs espagnols de son époque ( 1864-1936), qui nous confesse d'ailleurs dans son épilogue :"...toute biographie historique ou romanesque -c'est pareil en ce cas-est autobiographique, que tout auteur supposé parler d'un autre ne parle en réalité que de lui-même, et de lui tel qu'il se croit être, aussi différent que lui-même soit de lui à proprement parler."
Bijou littéraire, que 94 pages.....si vous voulez connaître la définition d'un bon lecteur,
c'est la dernière phrase du livre 😊!
"Tout poète, tout créateur, tout romancier - romancer c'est créer -, à créer des personnages, se crée lui-même, et, s'ils naissent morts, c'est que lui-même vit mort."
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Ce court roman est une épure : pas d'enjolivures, pas de psychologie, une trame toute simple dont il est possible de tirer mille fils de réflexion ou de rêverie : est-ce que les êtres se rencontrent vraiment ou rebondissent-ils les uns contre les autre comme des bulles de savon ? dans quel monde vivons-nous ? ne rêvons-nous pas notre propre existence et celle d'autrui ? l'amitié existe-t-elle ? Peut-on sortir de la solitude ? Voyons-nous en ceux que nous rencontrons autre chose que la part de nous-même que nous y projetons ; refusant pour cela, comme le narrateur du récit, de connaître la vie de son adversaire aux échecs, de peur de perdre son propre contour dans l'irruption de l'étranger en l'autre ? Terrible indifférence ou mode incontournable de notre façon d'être au monde : se voir en tout et tout voir en soi ?
Miguel de Unamuno nous offre une clé de son étrange et envoûtant texte dans l'épilogue : tout écrit, qu'il soit roman, biographie, poésie, chronique historique, est en fait roman, ou plus exactement autobiographie de son auteur. Tous les écrivains se créent eux-mêmes dans tous leurs personnages, et peu importe l'argument. Ainsi le "Roman de Don Sandalio" n'est-il pas l'histoire de la vie de Don Sandalio vue par son compagnon de cercle, mais bien le roman de l'auteur du roman. Le "roman du roman" selon Unamuno. Tant il est vrai que " tout auteur supposé parler d'un autre ne parle en réalité que de lui-même."
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Je ne sais quel écrivain obnubilé, comme d'autres, par le problème du sexe disait que la femme est un sphinx sans énigme.
Le problème le plus profond de notre roman, du tien, Felipe, du mien, de celui de Don Sandalio, est un problème de personnalité, d'être ou de pas être, et non de manger ou de ne pas manger, d'aimer ou d'être aimé; notre roman, celui de chacun d'entre nous, est de savoir si nous sommes d'avantage que des joueurs d'échecs, , de l'hombre, de la mouche , du cercle, ou...la profession, fonction, religion ou sport que tu voudras, et, ce roman, je le laissa à quiconque le rêvera en en tirant le meilleur profit, la meilleur distraction, la meilleur consolation.
Vidéo de Miguel de Unamuno