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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Avant de tuer Martin Pearce, il était professeur d'université. Il venait de dépasser la quarantaine, sa vie aurait dû suivre son cours, mais à un moment donné, les choses ont changé. Personne ne sait pourquoi il a commis ce meurtre. de l'unité de soins psychiatriques où il se trouve en attente de son procès, Diego se remémore des vieilles histoires, des rancoeurs qui auraient dû rester enterrées. Il se souvient de tout, il a l'impression d'être une merde, il était l'aîné, il aurait dû les protéger.

Des années trente à nos jours, Victor del Arbol retrace la relation d'un fils avec son père et brosse le portrait de quatre générations d'une famille à travers l'Histoire de l'Espagne du XXe siècle. Des personnages marqués par la violence, les secrets, les blessures et le poids du passé. Un roman sombre, dur, souvent cru porté par une écriture puissante et fascinante. Une histoire d'abandon, de dépassement, de résilience et d'amour.

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Victor del Arbol fait fort. Et c'est bon. Il a ce don, cet écrivain, de toujours raconter un pan de l'histoire de l'Espagne intrinsèquement mêlée à son récit. J'adore ça.

Ici, une triste histoire familiale sur 3 générations, de père en fils, où le malheur et l'autodestruction semblent génétiques.

Diego Martin écrit. Il écrit depuis sa cellule d'une unité psychiatrique. Diego le professeur d'université, l'auteur, le spécialiste de Dostoïevski, est enfermé. Pour meurtre, celui de Martin Pearce.

Et écrire fait que l'on se souvient. Ces souvenirs comme des démons perfides qui remontent et qui nous sont révélés petit à petit. Et voilà qu'apparaît le cercle vicieux de l'histoire de son grand-père, de son père et de lui-même. Une famille infectée. Et une Espagne déchirée dans ce XXe siècle.

Plus qu'un thriller où l'on cherchera à comprendre pourquoi Diego Martin a tué Martin Pearce, c'est un roman social noir sinon sombre très sombre. Un roman de rancoeurs, de querelles, de statut social, de maltraitance et de violences en continue. Et pourtant. Il y a là aussi, l'amour. L''amour, oui, mal dit, mal transmis, mal démontré et la résilience et la survie.

Je salue la construction monumentale de ce roman, les personnages marqués par l'agressivité et la détresse. Des hommes prisonniers de leur condition sans trop d'espoir d'avenir meilleur. Des personnages avec des envies féroces de libération, criant d'authenticité. Une écriture intense et une histoire fascinante.

Un récit sur la filiation et sur l'histoire espagnole et comme d'habitude avec Victor del Arbol un très bon et beau roman.
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Un gosse efflanqué, côtes saillantes, le regard baissé ou les yeux clos. Deux mains masculines qui embrassent sa tête ou l'emprisonnent, peut-être sur le point de rompre le cou fragile. le noir et blanc de l'image... La photo de couverture du huitième roman de Victor del Arbol génère un malaise. Amour ou violence, l'ambivalence est tapie sur le cliché. Et c'est la force de ce roman que de fouiller les rapports ambigus entre pères et fils.
Diego vient d'une lignée d'hommes maudits. Travailleurs pauvres dans une Espagne bouleversée par L Histoire, ils sont ballottés d'un village de l'Estremadure aux quartiers miséreux de Barcelone au gré des trahisons de l'un, des amours illicites de l'autre, selon les morts violentes ou les humiliations.
Simon, le grand-père a combattu aux côtés des Allemands au sein de la division Azul sur le front russe. Volontaire malgré lui de cette guerre pour être le frère de Joaquim, anarchiste engagé dans les brigades internationales, torturé et pendu au pont du village sous les yeux de toute la population réunie.
Le père, joueur et bateleur, ancien légionnaire, abandonne régulièrement foyer et enfants.
Les mères et grand-mères sont soumises ou méchantes, et souvent les deux à la fois.
Diego a voulu faire table rase de cet héritage maudit, se construire une histoire qui ne serait que la sienne, loin des drames et secrets de cette famille noyée sous les flots ravageurs de l'histoire et des vicissitudes intimes. Il a réussi. Auteur reconnu et enseignant à la faculté, il reste pourtant le fils du père jusqu'à dans son miroir où, chaque jour, il retrouve les mêmes traits, les mêmes sourires et les mêmes moues, comme un écho vengeur.
Et puis, il y a Liria, sa jeune soeur maudite, ensevelie vivante dans son mutisme et sa détresse.

C'est un roman puissant, charnel et bouleversant, qui brasse destins et histoire d'une écriture élégante et sobre.
Au fil des années, les livres de Victor del Arbol délaissent le versant" noir" pour coucher une oeuvre plus intime. Celui ci, bien que paru chez Actes noirs, fait peu cas de la trame policière. Il ya bien eu meurtre, mais le coupable est connu d'emblée. L'attente du procès laisse le temps au travail de mémoire et peut-être aussi à celui du pardon.
Victor del Arbol est assez peu lu en France. Il est reconnu en Espagne comme l'un des écrivains majeurs de sa génération.
Ayant lu chacun de ses romans traduits, j'ai puisé à toutes mes lectures matière à m'émouvoir, à réfléchir ou apprendre.
Enfin, je lui sais gré de cette dédicace complice à Roselyne, formidable libraire toulousaine, qui fait de chaque jour un hymne à la littérature...
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De l'hôpital psychiatrique où il est enfermé, un homme s'adresse à un destinataire inconnu pour lui raconter son parcours. Cet homme, c'est Diego Martín, professeur d'université, spécialiste de Dostoïevski, qui semble avoir réussi sa vie, épousé une femme remarquable, puis a enlevé, torturé et tué un certain Martín Pierce dans la Casa Grande et a appelé la police.
Il confie alors à cet inconnu : "Oui je suis aussi porté à la colère. Comme mon grand-père, comme mon père."
Déjà l'essentiel est dit: ceci est un roman de pères et de fils, un roman de l'héritage, de la transmission. Même et surtout si on rejette la totalité de cette hérédité.
Mais c'est aussi un roman de riches et de pauvres, de puissants et d'invisibles, de maîtres et d'esclaves. Tout cela dans le chaos de l'histoire du XXe Siècle, de la guerre d'Espagne aux goulags de Sibérie.

À travers deux narrateurs, Diego Martín lui-même à la première personne qui nous raconte sa vision de l'histoire, et un narrateur omniscient qui nous propose l'histoire de la famille à partir du village d'El Pueblo en 1936, Víctor del Arbol nous sert une intrigue où la haine joue l'un de ses plus beaux rôles.
C'est d'abord celle qui oppose la famille Patriota, la famille des propriétaires terriens, à celle d'Alma Virtudes, une famille pauvre qui a osé défier l'autorité par l'intermédiaire du frère anarchiste. Affrontements politiques qui se sont achevés par des trahisons et une pendaison !

Cette haine de classes qu'il faut taire trouve alors à s'exprimer au sein de la famille.
Humiliés, dépendants, marqués par la violence des guerres, les pères extériorisent leurs colères et leurs frustrations en s'en prenant à leur femme et à leurs enfants. Leur violence naît de la haine et de la peur. Comme une malédiction, chaque génération d'hommes va transmettre cette sauvagerie aux fils. Diego est celui qui veut rompre avec cette maladie, qui veut effacer l'image du père en choisissant les livres et la culture.

L'auteur aborde ce destin familial dans son aspect social, mais aussi dans un contexte historique riche qui lui permet de multiplier des bribes de l'histoire de l'Espagne et de ses traumatismes.
Le grand-père Simón est envoyé dans la division Azul, cette division franquiste qui partit combattre les Russes avec les Nazis, puis dans un goulag . Comme chaque soldat, il sera confronté à la mort et à l'obligation de faire des choix. le père sera enrôlé en Afrique du Nord espagnole à l'époque de Franco. Il sera impliqué dans de nombreux traffics et dans la mort d'un enfant dont le fantôme le hante.

Les notes de Victor racontent l'histoire d'une possession.
" Il est là, en moi. On dit que nous sommes identiques, deux gouttes d'eau au même âge. Être ce qu'on rejette, le voir chaque fois qu'on se regarde chaque matin en se rasant, en se lavant les dents, assis sur la cuvette des WC, c'est difficile. le même nez, les mêmes yeux foncés, les mêmes sourcils, la même bouche. Jusqu'à la façon de rire. Soudain, on est devenu son propre père. On est devenu ce qu'on déteste le plus. "

Alors qu'il nous a raconté ses efforts pour échapper à la fatalité, pour ne pas devenir une brute qui maltraite ses enfants, Victor se sent happé par cette ressemblance." Mon père restait en moi comme une malédiction, comme une musique qui n'en finissait jamais. Il était partout, dans tout ce que je faisais, disais, pensais et ressentais. le repousser, c'était me repousser."
Quel meilleur moyen pour se disculper que d'invoquer une emprise quasi démoniaque ?
On avait deviné que Victor n'était pas forcément le plus fiable des narrateurs puisqu'il devait justifier son crime. Cette fatalité incontrôlable pourrait bien représenter un motif d'irresponsabilité, du moins à ses propres yeux.

Cette saga familiale est davantage qu'un thriller. Elle mêle avec brio différentes périodes historiques traumatisantes et traumatismes affectifs. La violence conjugale, la maltraitance, l'inceste et la pauvreté qui peuvent se répéter de générations en générations, laissent des blessures profondes et sans doute inextinguibles.

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Diego Martin a tué Martin Pearce le 11 novembre 2010.
Depuis sa cellule, en attente de son procès, il écrit. Comment lui, un honorable professeur d'université, a pu commettre un crime ?

C'est ce que nous découvrons à travers l'histoire de trois générations d'hommes de la même famille. Des années 1930 à l'année 2011, de la guerre civile espagnole à la seconde guerre mondiale, de l'Espagne à la Russie et au Sahara Oriental, ces hommes ont souvent traversé le pire. Les horreurs, les atrocités de la guerre qui déshumanisent ou révèlent le monstre qui sommeille chez certains. Ils ont côtoyé la noirceur de l'âme humaine, vécu des situations épouvantables qui ont contribué à forger leur personnalité et la relation avec leurs proches.

Victor del Arbol mêle souvent dans ses romans avec brio, l'Histoire de son pays à l'histoire de son ouvrage. Une famille dysfonctionnelle, des personnages forts et attachants impactés par la vie, l'auteur nous livre une histoire puissante, intense, servie par une belle plume et un talent de conteur incontestable.

Je remercie Babelio et l'opération Masse Critique pour m'avoir sélectionnée ainsi que Les Editions Actes Sud pour l'envoi de ce livre dont je recommande la lecture.



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Victor DEL ARBOL. le fils du père.

Diego Martin est professeur à l'université. Il vit dans une somptueuse villa en bordure de la mer avec son épouse et la fille de cette dernière. Il est actuellement en prison, détenu dans une unité d'évaluation et de soins psychiatriques . Nous sommes en 2011, en Espagne. Quel est donc l'évènement qui a conduit ce homme a être emprisonné ? Quel délit a-t-il commis ? Pour quel motif ? Diego nous narre son histoire personnelle. Je suis attérée par son histoire. Voilà déjà trois générations frappées par une étrange malédiction ; cette dernière percutte les hommes et se transmet de père en fils… Se poursuivra-t-elle encore pendant combien de générations !

En 1950, son père, Antonio, installé dans la périphérie de Barcelone, fréquentant les tripots clandestins a tué une homme au cours d'une bagarre. Afin de payer sa dette à la société, il est contraint de s'engager dans la légion étrangère, affecté dans un régiment sis dans le Sahara oriental. Lorsqu'il revient en Espagne, il fonde une famille. Son couple survit par enchantement. Il est bagarreur et frappe ses enfants et son épouse. Petit à petit les enfants quittent le domicile. Diego va avoir la possibilité de poursuite des études.

Dans les années 1930, les grands-parents de Diego se sont révoltés face à la puissante famille des Patriota. En effet, ces derniers, riches propriétaires terriens exploitent la famille d'Alma Vitudes, la grand-mère du narrateur. Simon, son époux sera mis en demeure de partir combattre sur le front russe, aux côtés des fascistes dans la division Azul de FRANCO. Il connaîtra l'enfer ce ces combats de la deuxième guerre mondiale dans un pays où règne un climat hostile  et des conditions épouvantables : neige, désert humain, malnutrition, punitions extrêmes, tentatives de désertion, fuites, guerilla, luttes d'autorité entre les divers chefs…. La guerre déshumanise les hommes. le grand-oncle de Diego, Joachim, le frère d'Alma a osé bravé les Patriota, il a été pendu. C'est le début de l'anathème.

Diego est hanté par la malédiction qui pèse sur les père, grand-père, ses ancêtres. Lui aussi, comme ses prédécesseurs va devenir un assassin. Il reconstitue sa généalogie, analyse les situations. Il a remplacé son père dans la fratrie, aidant les uns les autres, portant un regard bienveillant sur sa petite soeur Liria. Cette dernière souffre vraisemblablement de bipolarité. Elle use et abuse de psychotropes, mène une vie dissolue. Internée dans un établissement spécialisé, Diego est alerté par la conduite d'un infirmier, Martin Pearce. Il a découvert d'étranges photos de sa soeur dans l'appartement de cet homme. Il va donc poursuivre son objectif, mettre fin aux agissements de ce thérapeute. Et il devient un meurtrier et attend le jugement des hommes…. Est-ce que la malédiction va cesser ?

Ce roman noir est une recherche de filiation, La haine est présente dans chaque page. La tension sociale est sous-jacente. Nous naviguons dans l'Histoire du XXème siècle, de la guerre civile espagnole aux goulags sibériens russes. La lutte des classes, l'humiliation subie par les enfants, la fuite des pères, le manque d'amour, la force des mères, la peur installée dans ces foyers , l'absence de communications entre les divers membres des familles créent un sentiment d'insécurité, une envie de renverser le système. Ce récit s'achève sur le cri d'amour du père à son fils Diego : « Je t‘ai toujours aimé. Je n'ai jamais su t'aimer. » . Un cri d'amour d'un père lancé trop tardivement à son fils. Je vous recommande de vous plonger dans ce récit vibrant qui mêle à une saga familiale une page de l'Histoire de L'Europe. Bonne journée et belles lectures.

Je suis frappée par la couverture : ce portrait d'enfant en noir et blanc auquel un adulte ferme la bouche et lui tient la tête enserrée dans ces grandes mains… Est-ce pour l'empêcher de parler, de dire des vérités peu avouables…. Est-ce le père qui baîllonne ainsi son fils ?

Un grand merci à l'auteur et à ses traducteurs, Émile FERNANDEZ et Claude BLETON . Je réitère mon avis : les publications des éditions Actes sud, sont toujours de bonne facture ! Mais cela n'engage que moi, pauvre petite lectrice !
( 05/03/2024).
Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Victor del Arbol nous entraîne dans une tourmente, celle de l'Histoire qui s'acharne sur une famille qui voit la haine et la violence l'envahir.

La haine et la violence, voilà le ciment de la famille de Diego, professeur quadragénaire spécialiste de Dostoïevski, et personnage central de ce récit. Il semble avoir réussi sa vie...

Mais le passé est là, incontournable, pesant de tout son poids : un grand-oncle, Joaquin, anarchiste pendu pendant la guerre d'Espagne. Et Simon, le grand-père humilié, engagé de force dans la division Azul qui combattait aux côtés des Allemands contre l'Union soviétique pendant la Seconde guerre mondiale.

Les injustices sociales tiennent également une grande place dans cette tragique histoire. La famille Patriota, propriétaire terrien, écrase de sa position dominante celle d'Alma Virtudes aïeule de Diego, qui travaille pour les Patriota.

Les humiliations, les mauvais traitements et les violences de l'Histoire sont les éléments importants de ce livre.

Avec talent, l'auteur nous présente parallèlement la confession de Diego qui se retrouve interné suite au meurtre d'un homme et l'histoire tourmentée de sa famille.

Nous sommes captivés dès les première pages.

Une réussite absolue.
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Merci aux éditions Actes Sud pour l'envoi de ce livre dans le cadre de Masse Critique.
Une fois de plus l'auteur nous entraîne dans l'histoire de l'Espagne de la guerre civile à aujourd'hui auprès d'une famille de pauvres ouvriers agricoles attachés à une famille bourgeoise propriétaire d'une oliveraie.
On y suit trois générations de pères, leur vie, leurs espoirs, leurs évolutions et la fatalité qui survit malgré la bataille qu'ils mènent chacun à leur façon pour se sortir de cette spirale destructrice.
Un beau roman sur la filiation et l'histoire de l'Espagne.
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D'emblée j'ai été happé par ce récit qui débute comme un roman noir dans lequel « tout le monde ment et tout le monde dit à un moment la vérité». Diego Martin, prof de fac, de la cellule psychiatrique ou il est enfermé, nous révèle qu'il a enlevé Martin Pearce, l'a mis dans le coffre de sa voiture, parcouru 1000 kms jusqu'à la Casa Grande. Là, il l'a torturé et ensuite l'a tué de 2 balles dans la tête et appelé la police. Dès lors se posent à nous tout un tas de questions. Qui est Martin Pearce ? Quel lien entre lui et Diego ? Qu'a-t-il fait pour être assassiné de façon aussi horrible ? Pourquoi avoir fait 1000 kms avant de l'exécuter ? Qu'est cette Casa Grande où il va le tuer ?
● C'est à toutes ces questions -et à bien d'autres- que le roman va répondre. Il va le faire dans un style direct, incisif, sans fioritures, sans images ou métaphores inutiles et sans la moindre phrase de remplissage. Quelques aphorismes ou formules péremptoires superflus peut-être, mais qui correspondent parfaitement à l'esprit espagnol (digo yo). Il construit son récit de façon résolument moderne en passant de la forme autobiographique « je » (Diego se raconte) à celle du narrateur omniscient à la 3ème pers. D'autre part et sans que cela soit le moins du monde gênant pour le lecteur, il fait évoluer ses personnages sur 2 axes ; à travers le temps (1936/ 2011) et l'espace (Estrémadure/ Barcelone/ Sibérie/ Sahara...) . Ainsi on va les suivre à travers l'histoire sur plusieurs générations. Plusieurs thèmes, très espagnols eux aussi, vont être abordés: la famille et ses secrets, l'amour et la haine, la violence et la vengeance, le mensonge et la vérité , la fatalité...enfin, comme vous le voyez, plutôt la « sombra » espagnole que le « sol » qui brille bien peu. C'est cet ancrage dans la réalité hispanique qui m'a beaucoup intéressé. On est loin du simple roman noir.
● La famille. C'est avec la guerre civile et ses conséquences, le thème le plus souvent abordé dans le roman espagnol contemporain, avec le Coeur glacé d'Almudena Grande comme point d'orgue.
Ici, des familles il y en a deux, sur 3 générations. Les Patriota, grands propriétaires en Estrémadure et qui, depuis toujours dominent le Pueblo, et la famille du narrateur, les Martín dont les grands parents ont été les serviteurs à la Casa Grande, exploités et humiliés. Dans les années 50, ils ont émigré en Catalogne, en périphérie de Barcelone ou ils ont vécu dans des conditions déplorables. Les mots envers la cellule familiale, sont durs et sans appel. «  S'aimer, se pardonner, oublier. C'est ce que fait la famille (…) S'étriper, se trahir, se déchirer mais simplement à l'intérieur de chez soi. Ceux du dehors, on ne supporte pas le moindre mauvais regard d'eux contre qq'un du clan ». C'est entre autres ce que Diego ne va pas supporter...et il va larguer les amarres.
● Cette servitude des pauvres envers les riches exacerbe les passions, les rancoeurs, les haines Cette rage endémique qui est en eux, qui est le poison le plus nocif des Espagnols (voir actuellement la violence de genre), va s'exercer, certes pendant la guerre civile, mais aussi à l'intérieur même de la famille. Cette violence et cette rage – « Cain est éternel » disait Machado- continuent de se transmettre de génération en génération sans la moindre marque visible d'amour et de tendresse entre parents et enfants et dans une impossibilité d'aimer les autres. Terrible constat.
● Comme l'affirme la grand-mère, Alma Virtudes, les hommes de la famille sont infectés par le virus du malheur et de l'autodestruction et tous finissent par payer cette colère insensée qui les habite. Diego pourra-t-il échapper à cette malédiction ? Est-on condamné à être fatalement le fils de son père ? Voilà les questions qui se posent.
● Ses relations avec son père ont toujours été conflictuelles. « Je sais que tu me hais. Tu me hais parce que tu m'aimais. Tu te hais toi-même pour m'avoir aimé. » Ce père qui ne l'a jamais protégé, son silence quand il part pour l'université, ce père à qui il pense lorsqu'il aura l'occasion de « pouvoir revenir un jour et le regarder dans les yeux et pouvoir lui dire : « Je suis comme toi. Tu n'es pas meilleur que moi. » Ce père « qui n'a pas su être un homme, comment aurait-il pu être un père ? » lui laissera pourtant une lettre dont le contenu nous tirera quelques larmes à la fin du roman « Je t'ai toujours aimé. Jamais je n'ai su t'aimer ». Tel est le terrible paradoxe sur lequel se clôt le roman.
● Une lueur d'espoir tout de même dans ces mots que Diego, du fond de sa prison, adresse à sa nièce qui vient de naître : « Tu réussiras à briser la chaîne du temps, celle des hommes de notre famille qui détruisent tout ce qu'il y a de bon chez ceux qui s'approchent de nous. » Acceptons-en l'augure car « l'avenir de l'homme est la femme », en France comme en Espagne, si l'on en croit un célèbre poète.
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En septembre 2011, Diego Martin est en Unité d'évaluation et de soins psychiatriques. Diego Martin (quarante ans) marié et professeur d'université, a torturé et tué Martin Pearce (vingt-quatre ans) le 11 novembre 2010, après trois jours d'horreur …

Pourquoi cet homme, d'apparence pacifique, a-t-il commis un tel acte ? Ses écrits durant son internement seront-ils révélateurs ? Pour quelles raisons n'avaient-il pas revu son père depuis plus de vingt ans ?

En juillet 2010, Diégo était pourtant retourné au village (dans l'Estramadure) pour l'enterrement de son géniteur. Il y avait revu ses frères Octavio et Alberto ainsi que sa soeur Liria. Que c'était-il passé dans la Grande Maison, durant leur jeunesse ? …

Victor del Arbol va nous faire plonger dans les souvenirs des uns et des autres, de père en fils, sur trois générations. Essayer de décortiquer la complexité des liens filiaux, analyser le processus du pardon, de la résilience … Car Victor del Arbol a « le chic » pour appuyer là où ça fait mal !

Un très beau roman, sincère et empreint d'humanité (et de nostalgie) comme ce formidable auteur espagnol sait indéniablement en offrir à ses lecteurs ! Voilà un homme doué d'un talent fou pour l'écriture, qui s'exprime « avec ses tripes » !
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