Destin, hasard ? La vie est une énigme. Son émergence est une inconnue. Et si tout cela était déjà formulé ? Contenu dans un algorithme. Une phrase écrite dans un langage restant à décoder ? Mathématiques, physique, chimie, biologie...technologie...biotechnologie Et si tout cela était imbriqué, consécutif, logique ? Et si tout cela répondait, obéissait à ce que nous pourrions nommer : intelligence ? La vie dans l'univers n'est pas fortuite, n'est pas rare, elle est typique. La vie intelligente, quant à elle, qui est conscience de la vie, reste à ce jour, un phénomène. Une mutation ? Un accident génétique ? Combien d'intelligences dans l'univers. Les multivers sont ils réels ?
Sciences, conscience. Intelligence de la vie. Beaucoup, énormément de questions dans ce livre.
Son argumentation repose sur des faits, des théories, des découvertes scientifiques réelles. C'est cela qui est le plus intéressant dans ce roman. L'histoire , à n'en pas douté, nourrira un bon scénario. Un signal, venu du fin fond de notre univers connu, est perçu. Et voilà que le destin de l'humanité se remet en question. Un signal, un signe. Un miracle ? Une chance ? Une question ?
Quel est donc cet espoir qui pousse notre regard à travers le ciel ? Expansion logique ? Mathématique ? Nous ,qui marchons sur cette Terre ,pourquoi plaçons nous notre âme dans le ciel ?
Un livre de question, une bible d'énigmes… 698 pages de questions.
Je regrette un peu que place ne fut pas faite dans ce roman à la poésie, à la philosophie. Car si
Rabelais nous a appris que la conscience est la cerise à ajouter sur de gâteau de notre intelligence, il faut bien nous l'avouer que serait la vision de ce gâteau sans la lumière des étoiles ?
Alors si l'univers a besoin d'équilibre, aussi bien que certains bons romans on besoin d'un juste dosage, je vais ici déposer un peu de poudre d'étoiles. Quelques signes d'étoiles filantes nécessaires afin que l'univers garde son équilibre, et que nous puissions mieux entendre les univers qui sont en nous. Des signes. Des signes de vie. Que des étoiles nous ont adressé.
A un peu de nos humanités. Un soupçon d'humanités.
Je n'ai pas eu en refermant ce livre la nostalgie du voyage, mais celle du rêve. le rêve, et la puissance du rêve que Leopardi nous a offert dans ses genets. le rêve, et la conscience du rêve que
Bachelard nous a enseigné.
« Dans l'Epître à Storge, après une méditation des distances infinies devant l'espace stellaire, surgit cette soudaine preuve de l'union des regards : "Je sais, dans notre pauvre ciel astronomique, deux étoiles singulièrement brûlantes, deux confidentes fidèles, belles et pures, et que je croyais séparées de leur ami par des distances imaginables. Or, l'autre soir, un grand papillon de nuit étant tombé de la lampe sur ma main, j'eus la tendre curiosité d'interroger ses yeux flamboyants..."
Oui, deux étoiles jumelles sont pour nous déjà un visage qui nous regarde, et, dans une exacte réciproque, deux yeux qui nous donnent leur regard, si étrangers qu'ils soient à notre propre vie, ont sur notre âme une influence stellaire. En un instant, ils rompent notre solitude. Voir et regarder échangent ici leur dynamisme : on reçoit et l'on donne. Il n'y a plus de distance. Un infini de communion efface un infini de grandeur. le monde des étoiles touche notre âme : c'est un monde du regard. »,
G. Bachelard -
L'Air et les Songes ( extrait).
Et puis voilà encore :
« Qu'il vienne maintenant l'optimiste rêveur
Divinisant la race humaine en sa ferveur,
Qu'il vienne contempler, béate créature,
En quel souci nous a l'indulgente nature.
Apôtre du progrès sans fin, qu'il vienne voir
Jusqu'où s'étend de l'homme ici-bas le pouvoir!...
O forte race humaine, il suffit d'un caprice,
D'un brusque mouvement de la mère nourrice
Pour t'anéantir, toi, ton oeuvre, ton passé,
Tout, jusqu'au souvenir de ton être effacé !
O progrès, ô génie humain, c'est sur ces plages
Que de tes hauts destins tu peux lire les pages.
Viens t'admirer ici, siècle superbe et vain,
Qui, de la vérité désertant le chemin,
Crois marcher en avant et marches en arrière,
Nommant progrès ton culte abject de la matière.
Ces esprits complaisants que la fatalité
A fait naître tes fils, flattant ta vanité,
De tes rêves d'enfant bercent l'erreur grossière.
Et toi, tu ne vois pas, ô siècle de lumière,
Qu'ils se raillent entre eux de ta crédulité !
Pour moi, je ne veux pas d'une honte pareille !
Je pourrais, comme un autre, habile radoteur,
Courtisant ton orgueil d'un vers adulateur,
Caresser ta chimère et charmer ton oreille.
J'aime mieux te montrer, pour t'avoir bien compris,
Ce que pour toi mon coeur recèle de mépris.
Siècle bavard et fat à la verve insensée,
Oses-tu bien tout haut parler de liberté,
Quand tu ne veux tout bas qu'asservir la pensée !
Enflé d'un songe épais tu hais la vérité.
Qui te la montre blesse en toi la convoitise
Des bas instincts couvés par l'humaine sottise.
Celui-là te déplaît qui, de franchise armé,
Combat l'illusion de ton mensonge aimé,
Dit ce qu'il sent et voit : que l'homme est misérable,
La nature cruelle et la vie incurable;
Que tout espoir est vain, que la fatalité
Nous écrase et se rit de notre volonté.
Or, ces vérités-là, vieilles comme la terre,
Quiconque les subit, te semble lâche et vil,
Et tu déclares grand, tu proclames viril,
Le rhéteur solennel au verbe humanitaire,
Qui, dupe ou charlatan, en oracle écouté,
Divinise ta race, ô pauvre humanité ! »
…
«Souvent sur cette plage en deuil et désolée
Où la lave à longs flots durcis semble ondoyer,
La nuit je viens m'asseoir. Dans la voûte étoilée
Je regarde songeur les astres flamboyer,
Ces astres dont la mer, comme un miroir, reflète
Dans son mouvant azur la lumière inquiète.
Et quand les yeux fixés sur ces millions d'yeux
Brillants et palpitants dans l'infini des cieux,
Orbes incandescents déroulant leurs spirales,
Nous versant de si loin leurs splendeurs sidérales
Que chacun d'eux pour nous n'est qu'un point lumineux
Dans cette immensité du nombre et de l'espace,
Comme pour eux la terre, où l'être souffre et passe Inconnu,
n'est qu'un point du ciel vertigineux ;
Et plus haut dans l'azur quand je vois ces traînées
D'étoiles, poudres d'or partout disséminées,
Ces essaims fourmillants au vol aérien
Pour qui notre planète où l'homme est moins que rien,
Nos mondes, nos soleils, notre nuit, notre aurore,
Notre immense univers que l'univers ignore,
N'existent pas, pour qui nous sommes ce qu'ils sont
Eux-mêmes pour nos yeux dans l'abîme sans fond,
Un nuage flottant d'étoiles en poussière,
Blancheur dans l'infini, nébuleuse lumière ;
Et l'esprit submergé dans cette immensité,
Quand je songe au néant de notre destinée,
Comparant l'immuable à ta mobilité,
Que puis-je alors penser de ton infimité,
O famille de l'homme, ô race infortunée
Condamnée à souffrir, à mourir condamnée !...
Et l'on te dit le roi de la création !
Nourrissant ton orgueil de cette fiction
Qui fait de toi le but du Tout impérissable,
Que de fois dans ta nuit et sur ton grain de sable
N'as-tu pas fait descendre un cortège de dieux
Pour te livrer le mot et l'énigme des cieux !...
Et de nos jours encor, ravivant ces mensonges,
Quand je te vois peupler des ombres de tes songes
Ton monde et l'univers, ton âme et l'Infini ;
Quand l'erreur est ta foi, quand tout sage est honni
Qui ne sait point subir tes fables ridicules,
Tes Zeus grands et petits, dieux de tes plébécules ;
Quand le bon sens partout est toujours insulté,
Quel sentiment, ô pauvre et triste humanité,
Quel dégoût attendri de pitié douloureuse
Soulève dans mon coeur ta misère orgueilleuse!...
De l'humaine raison que doit-on espérer,
Et nous faut-il en rire ou faut-il en pleurer? »
Le
Gênet ou la fleur du Vésuve , extraits,
Giacomo Leopardi.
Et puis parce que nos rêves sont à la mesure de nos infinis :
« « Autour de nous tout écrit, c'est ça qu'il faut arriver à percevoir, tout écrit . ...Un jour, peut être, au cours des siècles à venir, on lirait cette écriture, elle serait déchiffrée elle aussi, et traduite. Et l'immensité d'un poème illisible se déploierait dans le ciel ».
Marguerite Duras, Écrire. Extrait.
Si parfois la Terre me tourne, c'est parce que certaines étoiles savent chanter.
Masse critique Babelio -HC éditions, mai 2018.
Astrid Shriqui Garain