Le
Manuel, pris isolément, est une sorte de catéchisme de la morale stoïcienne, un recueil de préceptes très succinctement expliqués et, ce qui est plus gênant, très peu justifiés. Pas étonnant qu'il ait beaucoup plu aux moines du Moyen-Âge et qu'il reste furieusement utile dans les dîners en ville.
Sur un sujet aussi important que la conduite de sa propre vie, comment pourrait-on s'en remettre à l'application de règles dont on ne peut juger le bien fondé que parce qu'un sage estampillé par la tradition nous les recommande, quand bien même on se sentirait, de par son caractère propre, du genre stoïque, "en harmonie" avec l'esprit général qui entoure ces règles?
Les "
Entretiens" du même auteur échappent assurément à cette réserve de par leur contenu, leur forme et leur ampleur. Au cas où ils nous auraient convaincu, conserver "sous la main" le
Manuel peut alors présenter l'intérêt d'un mémento. Pour ce qui me concerne, je le rapporterai à ma bibliothèque publique.
Dans la notice du
Manuel qu'offre l'édition de la bibliothèque de la Pléiade, il est indiqué que "quantité de passages du
Manuel n'ont aucune correspondance dans les
Entretiens tels que nous les lisons aujourd'hui", ce qui se comprend puisque seuls 4 livres des
Entretiens sur les 8 rédigés par Arrien ont été conservés.
La même notice précise, en trouvant ce fait curieux, que "lorsque Pascal se propose de réprouver, de façon d'ailleurs sévère, la doctrine d'
Epictète, c'est en général sur les
Entretiens qu'il se fonde; quand au contraire, il veut l'exalter, c'est le
Manuel qu'il invoque."
M'aventurant sur un terrain que je n'ai pas sérieusement balisé, je m'autorise cependant à remarquer que, sauf erreur de ma part, seul le
Manuel (XXXIV) aborde la question du plaisir pour souligner la joie de s'en abstenir et seuls les
Entretiens présentent le sage stoïcien comme le quasi-égal de Dieu, choses respectivement admirable et détestable pour notre philosophe du XVIIème.