On pourrait penser que le roman de Laurent Rivelaygue « Il faut toujours envisager la débâcle » est le roman d'une vie, pas la sienne, mais celle du plus grand nombre. Soit, mais c'est surtout celui d'un journaliste sur le départ qui décide d'en découdre avec le destin et de résoudre l'affaire du tueur en série le Grêlé, puisque sa vie sentimentale bat de l'aile. Mais qui de la poule ou l'oeuf précipite la chute ? Aussi, quand tout bascule, se raccrocher aux faits rien qu'aux faits fait oublier les autres branches pourries de l'existence, mais qu'à cela ne tienne, entre écrire et vivre, il n'y a qu'un pas, mais aussi des hallucinations, des remises en question, de la mélancolie et la fureur du fait divers.
Laurent Rivelaygue a été sélectionné par le Prix littéraire du Monde pour son livre « Il faut toujours envisager la débâcle » aux édions Calmann-Lévy et pour lequel il a reçu une bourse du CNL, Laurent Rivelaygue. En parallèle de ses activités de graphiste, Laurent Rivelaygue signe son premier roman « Poisson-Chien » aux éditons La Volte en 2007, il écrit entre autres pour la jeunesse à L'Ecole des loisirs avec « Mon petit frère est une pastèque » publié en 2023.
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Accroché dans un arbre, il y avait une sorte de vieil autobus tout cabossé. La porte s'est ouverte et un énorme bonhomme jaune est descendu. Rufus était toujours derrière son arbre, et je me sentais un peu seul. Le grand monsieur tout jaune s'est approché en se présentant :
- Salut, je m'appelle Cassius !
Je tremblotais, mais je me suis dit que c'était normal, parce que je n'étais encore qu'un tout petit Justicier Fantôme.
Après m'avoir broyé la main, Cassius a commencé à regarder autour de lui. Ses deux compagnons avaient disparu.
Il a mis ses mains en porte-voix et a hurlé :
- NAPO, ALBERT OÙ ÊTES-VOUS ?
ce n'est pas un gros chien, c'est un zèbre ! Et le problème, justement, c'est qu'un zèbre, ça a des rayures ; du coup, ce n'est pas possible de le confondre avec un autre animal. Il faut donc être très discret si on ne veut pas se faure repérer...
"Quand on demande à Kevin lequel des quatre mots au tableau est un verbe, il répond le chiffre 16."
Voilà comment j'ai compris que le cours de mathématiques était terminé, et qu'on était passés au français. Bonne nouvelle : ça voulait dire que l'heure de la récréation approchait. Mauvaise nouvelle : papa allait encore devoir signer mon cahier.
Il allait faire place nette et Xavier avait de mauvaise grâce accepté de retourner dans son tiroir, au grand soulagement d’ Albator qui, ramassé dans un coin de la pièce semblait éprouver une franche méfiance pour l’étranger.
LA RENCONTRE
Je m'appelle Kevin et j'ai dix ans. J'ai un papa, qui travaille à la banque, une maman, qui travaille à l'école, et un chien, Rufus, qui ne fait rien.
Moi, plus tard, je voudrais être le Justicier Fantôme. J'ai aussi trois amis qui viennent de l'espace. Le rouge, c'est Napo. Il est petit, se met souvent en colère, et veut toujours être le chef. Le Pieu, c'est Albert. Il réfléchit beaucoup. Et le grand tout jaune, c'est Cassius, le costaud.
Tout a commencé la semaine dernière. Rufus et moi, nous étions en mission dans la forêt, à la recherche d'une ou deux injustices à réparer. Comme, quand je serai grand, je serai le Justicier Fantôme, je préfère m'entraîner tout de suite à combattre le mal pour ne pas être surpris plus tard.
WHHIIIIIIIZZZZ !
Une longue flamme a traversé le ciel... Puis il y a eu un éclair... Et un grand BOUM !
Rufus, ce lâche, est parti se réfugier derrière un arbre. Moi, j'avais envie de pleurer et d'appeler ma maman, mais je me suis retenu : le Justicier Fantôme ne pleure pas et n'appelle jamais sa maman. Alors j'ai jeté un oeil... Et je me suis approché à pas de loup. Les pas de loup, c'est très facile - surtout pour le Justicier Fantôme, qui caresse à peine le sol quand il marche - on se met sur la pointe des pieds et on avance lentement, sans faire de bruit, pour mieux surprendre l'ennemi. C'est très facile, sauf quand cet imbécile de Rufus se met à aboyer.
Je suis enfin arrivé près de la clairière. C'était un beau bazar, un arbre était tombé, et le sol était jonché de feuilles et de branches cassées.
« Comme tous les lundis, maman est montée dans ma chambre pour essayer de me réveiller. Ça ressemble un peu à une misson impossible, alors je me dis qu'un jour, elle abandonnera en se disant : « Tant pis, c'est trop difficile, Kévin manquera l'école aujourd'hui ». Mais rien n'y fait, elle est là, fidèle au poste ; elle rentre dans la chambre, à la même heure, elle dit, avec un grand sourire : - Debout mon chéri! »
J'ai aidé le géant jaune à les démêler, ça n'a pas été facile. On tirait chacun de notre côté, et tout à coup, il y eu un bruit comme quand papa débouche une bouteille de vin, puis hop ! Ils étaient deux devant nous.
Ils se sont présentés : Napo le rouge, et Albert le bleu.
J'ai dit :
Je suis Kévin, mais c'est mieux de m'appeler le justicier fantôme, vous verrez dans quelques années, tout le monde m'appellera comme ça.
Ils m'ont raconté qu'ils venaient d'une planète très lointaine, qu'ils avaient eu un accident avec leur soucoupe volante. Et là, je leur ai répondu qu'il ne fallait pas me prendre pour un imbécile, parce qu'une soucoupe volante, je savais bien à quoi ça ressemblait ! Une soucoupe, c'était rond, jaune avec un hublot et des lumières qui clignotent, alors que leur machin, c'était un autobus comme celui que je prends parfois avec maman pour aller acheter des baskets avant la rentrée des classes, sûrement pas un vaisseau de l'espace.
JE RAME.
HUIT MILLE TROIS CENT TRENTE JOURS, CINQ HEURES, TRENTE-HUIT MINUTES QUE JE RAME. TRENTE-NEUF MINUTES.
Le tour du monde à la force du poignet. Galérien de la houle quarante minutes j’ai traversé les océans, essuyé les pires tempêtes, échappé à un cachalot sodomite, tutoyé une plate-forme pétrolière saoudienne dont l’équipe partageait également son temps à forer dans la mer de Chine et à chignoler dans les bordels thaïs… J’ai même sympathisé avec un vieux congre qui avait sillonné toutes les mers du globe et baragouinait une soupe de langues aussi disparates que peu mélodieuses, une tour de babel effilée comme un sabre, découpant les eaux tièdes d’un mouvement de queue métronomique qui n’était pas sans m’évoquer… Non, rien.
Quarante et une minutes. Il faut que j’accélère. Les requins s’approchent.
J’ai les bras tétanisés. Mes muscles ont triplé de volume en moins de quatre ans quarante-deux minutes à chaque coup de rame, mes biceps, en se contractant, exercent une telle pression sur mes maxillaires que mes dents se déchaussent. J’en recrache deux ou trois toutes les minutes. Heureusement, elles repoussent en quelques secondes. Mais mon canot se dégonfle, lentement, mais sûrement. De temps en temps, je me penche en avant – en surveillant mes arrières à cause du cachalot – pour souffler dans la valve. J’ai maintenant de l’eau jusqu’à la taille quarante-trois minutes un des requins, parmi les plus hardis, saute sur l’embarcation dans l’espoir de m’embrasser sur la bouche. Je le décapite, d’un coup de rame précis et note, à son haleine caoutchouc, qu’il vient d’avaler un homme-grenouille. Mais le squale est tenace, il ne lâche jamais sa proie. Et sa proie, c’est moi. Il s’approche, sa tête a repoussé, hydre immonde et affamée, il est énorme – au moins trois cents livres -, un mètre cinquante au garrot, l’œil interlope qui menace, les bas qui filent dans les charentaises, la blouse en nylon marron à motifs.
ATHANAAAAASE. TU SORS DE LA BAIGNOIRE AVANT DE TE TRANSFORMER EN TÊTARD, TU VIDES TON BAIN, ET TU VAS TAILLER LA HAIE. DÉPÊCHE !
JE VOUS PRÉSENTE LUCY, MA FEMME. TERRE A TERRE, CASTRATRICE ET AVALEUSE DE RÊVES.
NOUS SOMMES MARIÉS DEPUIS HUIT MILLE TROIS CENT TRENTE JOURS, CINQ HEURES, QUARANTE-QUATRE MINUTES.
- et venez voir ! Y a Olive qui dessine un foret !
- on pourrait y faire une balade, c'est excellent pour la santé.
- moi les balades, j'aime pas ça !
- c'est pas dangereux.