A l'occasion de la parution chez Calmann-Lévy du premier tome des Petits Vieux d'Helsinki mènent l'enquête de Minna Lindgren, le traducteur Martin Carayol nous présente l'atmosphère d'une trilogie aussi loufoque que mélancolique sur la "déconnexion" du troisième âge. Et en bonus : un petit cours accéléré de finnois !
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Musique : Happy Mandolin_Media Right Productions
Et après ils ont carrément mis des caméras de surveillance dans mon appartement pour pouvoir à tout moment regarder sur leur ordinateur ce que je suis en train de faire. Comme si j'étais un gorille dans un zoo ! Je leur montre mes fesses chaque fois que je vais me coucher.
La Dame au grand chapeau les informait régulièrement des transferts de pensionnaires dans le service fermé. Quand la grosse dame du rez-de-chaussée de l'escalier A s'y était retrouvée, Irma avait proposé qu'elles aillent chanter pour elle et lui lire des contes, mais Virpi Hiukkanen s'était vigoureusement opposée à cette nigauderie. Les soins à la personne exigeaient compétence et formation, il n'était pas question de laisser n'importe qui auprès des patients.
Des fois, dans notre résidence, on parle du fait que vous, les médecins, vous ne compreniez pas bien que la mort est quelque chose de très naturel. La vie se termine par la mort et ça n'a aucun sens de proposer à quelqu'un de mon âge une plus grande espérance de vie, ou de nous interdire le sucre dans le café. Ce n'est quand même pas la faute de la médecine si les gens finissent pas mourir de vieillesse.
Mais c'est illégal de laisser une vieille évanouie par terre! Comme,si c'était quelque chose de bénin!
- il n'y a sûrement pas de loi à ce sujet, dit Siiri pour la calmer, mais Irma était bien lancée
- oh que si, il y a bien une loi pour garantir la sécurité des vieux. Ils ont des règles précises sur la face de promener des cochons, alors tu penses!
« On mettait un appareil auditif aux vieux dans une seule oreille, uniquement pour prévenir tout le monde qu’ils n’entendaient pas. » (p. 46)
Elle se rappela qu'une cousine d' Irma , âgée de quatre-vingt- douze ans , avait dû remplir , pour se faire rembourser un antidiabétique , un imprimé de la Sécu où on lui demandait si elle était enceinte . Elle avait répondu : " Pas à ma connaissance ."
Vous savez quoi, j'ai quatre-vingt-quatorze ans et votre mamie en a quatre-vingt-douze, et à notre âge rien n'a vraiment d'importance, surtout les choses dangereuses pour la santé, alors on fera ce qui nous chantera. On mangera autant de gâteau qu'on voudra, et on boira de son cubi, et peut-être bien qu'elle fumera quelques cigarettes en sirotant son whisky, et ensuite on dansera jusqu'à la nuit, en robe de chambre, et voilà tout.
"Siiri se rendit à la cuisine et trouva près de l'évier un cubi de vin rouge, bien en sécurité à côté d'une bouteille de liquide vaisselle. Irma avait pour principe de ne boire que du vin rouge. Elle considérait l'eau comme destinée au lavage, et le lait comme une boisson pour enfants en pleine croissance. Elle buvait souvent deux verres de vin dès le déjeuner, et au dîner c'était au tour du whisky, sur ordonnance. Parfois elle ne savait plus si on était midi, le soir ou l'après-midi, ce qui l'empêchait de s'y retrouver entre son vin rouge et son whisky".
A vrai dire, ce matin-là, Olavi avait été réveillé encore plus tôt, à 5h30 pour se faire prendre la température. Il ne comprenait pas l'utilité de la chose car il ne se rappelait même pas avoir eu de la température récemment.
Mais les hôpitaux été pleins de pratiques obsessionnelles auxquelles il fallait bien se plier.
p.73
《Elle a peut-être gagné dix ans d espérance de vie supplémentaires, soupira Irma. La pauvre. 》
Siiri s'amusa de ce constat indéniable - une opération réussie était un allongement de peine.