Mon cerveau est un putain de disque dur en panne qui se lance, tourne, et le bras tente de placer la tête de lecture, bloque, se rétracte en position de parcage, tente à nouveau, re-bloque, et…
« Et la caméra, enfin les caméras, y en a combien sur ce truc, une en selfie, trois de l’autre côté avec ce design de plaques de cuisson qu’ont les objectifs sur les portables récents. »
« Tout est tellement beau que j’aimerais l’enregistrer en VR dans ma tête pour le repasser plus tard, sensations comprises. Les souvenirs c’est trop limité en capacité, en précision surtout… »
«Non, l’orange, c’est vraiment pas le nouveau noir. »
L’argent sale, c’était peut- être comme des poubelles qu’on laisse traîner, ou la vaisselle qui moisit dans l’évier. Quand y’en a juste un peu, on le remarque pas, ça ne pue pas tellement. Et maintenant que j’en avais plein le compte en banque ?
Le regard sidéré qu'il me lance m'arrête net et j'ai l'impression de planter. Littéralement. Bug de tout le système. Une chape de froid s'écrase sur mes épaules, explose dans mon ventre. Si j'étais pas assise je serais tombée à la flotte. Et ça n'aurait peut-être pas été plus mal.
En surbrillance comme pour marquer une nouvelle notification, elle remarque une fenêtre en fond. Oubliée de la veille, celle de son test de l'outil de surveillance des analystes. Toujours ouverte sur...
Le visage de l'allemand apparaît, son sourire timide figé à tout jamais dans cette forme numérique d'éternité. Alvina tressaille malgré elle. Il lui semblait avoir refermé tout ça hier, pourtant...
J’ai l’impression de réfléchir comme une complotiste de base. C’est peut-être un effet secondaire de l’espionnage, de virer parano et trouver des trucs bizarres partout.
Un froid de vide qui le nimbe à présent. Du Vide. Il flotte. Ténèbres. Quand la lumière a-t-elle disparu ? Il ne sent plus les paumes tièdes de ses disciples sur ses poignets et la solitude tombe. Où sont-ils, où est-il ? Il flotte dans l’air glacial et noir, seul. Le silence. Et puis des lueurs, minuscules, chamarrées, distordues, étirées. Pluie de braises d’une forge ou étoiles filantes aux flammes ternes et froides.
C'est la règle dans la transgression institutionnelle des règles, on le fait tous, mais personne n'en parle.
Prologue
Tu es là, ce soir ?
Le téléphone venait de vibrer sur la table. J'avais même pas besoin de voir le nom associé au message. J'ai tiré une dernière fois sur ma clope avant de l'écraser dans le joli cendrier design qui valait ce que je claquais en bouffe pour une semaine. Avant.
Elle lève les yeux de son téléphone, observe la nuit, dehors. Un unique lampadaire près de l'arrêt de bus, les frondaisons des pinèdes en pointes hérissées sur l'horizon bleuté. Le car ralentit, s'immobilise. Sa valise frôle la manche du dernier passager restant alors qu'elle remonte l'allée centrale. Il ne bronche pas, endormi, le menton sur la poitrine, un livre ouvert posé sur sa cuisse. Elle ne peut pas voir le titre, la couverture évoque un thriller nordique, neige et personnages qui tournent aux anxiolytiques. L'air frais fait du bien, ça réveille un peu après le trajet tellement long, la touffeur moite du bus. L'autocar s'éloigne et la laisse seule dans l'obscurité quasi totale. Silence.