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Citations de Le Monde des Religions (77)


Il faut enfin en finir avec l’idée que le terme « apocryphe » s’applique aux textes et se souvenir qu’à l’origine l’adjectif qualifiait simplement les auteurs, dont on ne connaissait pas les noms. En effet, rien n’est moins caché que le Protévangile de Jacques. Le texte a été rédigé au IIIe siècle et le nombre de manuscrits conservés suggère qu’il connut un très grand succès. Il était même tellement irremplaçable qu’au VIe siècle lorsque certaines de ses expressions se mirent à ne plus convenir à la théologie en vigueur et qu’il fut jugé comme manquant un peu de style, celui-ci fut réécrit, sans doute par un auteur plus cultivé, placé sous l’autorité de saint Jérôme sous le nom d’Évangile du Pseudo-Matthieu. Et quand, à son tour, cette version parut vieillie, elle fut à nouveau retravaillée à l’époque carolingienne sous le nom de Nativité de Marie. La postérité de ce texte fut énorme. C’est de lui que naquit la dévotion aux parents de la Vierge, Joachim et Anne. Encore aujourd’hui, à Sainte-Anne d’Auray, on rend un culte à une sainte dont tout ce qu’on sait provient de ce texte. Le récit servit également de source à des fêtes liturgiques comme la Présentation de la Vierge. Il connut enfin une nombreuse postérité dans l’art : des scènes typiques comme le bâton qui fleurit de Joseph, la Vierge au Temple ou le mariage de la Vierge en sont directement issues. De même, la présence régulière dans l’art flamand de la sage-femme Salomé provient de ce texte. Toutes les fresques peintes par Giotto dans la chapelle Scrovegni de Padoue reprennent ces scènes de la vie de Joachim et d’Anne. Il en va de même pour les icônes orthodoxes de la vie de la Vierge.

Marie avant la nativité
LES APOCRYPHES
L’enfance de Jésus, un récit populaire

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L’Évangile du Pseudo-Thomas (appelé aussi Histoire de l’enfance de Jésus) date quant à lui du IVe siècle. Ce sont des récits populaires, où se succèdent des miracles tous plus extraordinaires les uns que les autres destinés à émerveiller le bon peuple : Jésus enfant ressuscite des morts, répond avec sagesse à ses maîtres et manifeste sa science infuse ; il maudit ceux qui lui veulent du mal, soulage le travail de sa mère en réalisant des actes stupéfiants. Sa théologie sous-jacente est des plus simples : si Jésus est Dieu, alors il peut faire tous les prodiges qu’il veut, et ceux-ci prouvent sa divinité. La Vie de Jésus en arabe datant du ve siècle n’est pas en reste : elle aussi multiplie les résurrections, les miracles de la nature et les destructions d’idoles. Le but est ici un peu différent : grâce au récit du trajet de la Sainte Famille en Égypte, toute une géographie de sanctuaires et de lieux saints trouve sa justification : un palmier se penche pour fournir ombre et fruits à Marie et à l’Enfant, des temples s’effondrent sur leurs idoles. On est bien loin ici des cénacles bien informés, des secrets réservés au petit nombre, des vérités soigneusement cachées aux foules. Ces textes servaient au contraire à convaincre les fidèles par des histoires édifiantes, à accompagner des pèlerinages et des dévotions populaires, à asseoir la propagation du christianisme dans les campagnes. L’Histoire de Joseph le Charpentier explique pourquoi le père de Jésus n’apparaît plus dans les évangiles : on y fait le récit de sa mort édifiante, preuve qu’un culte commençait bien à apparaître dans les campagnes égyptiennes au IVe siècle. On règle également la question de la famille de Jésus en expliquant que les « frères » de Jésus étaient les fruits d’un premier mariage du charpentier et non les enfants de Marie, restée vierge après la Nativité.

Marie avant la nativité
LES APOCRYPHES
L’enfance de Jésus, un récit populaire
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Marie avant la nativité
Le Protévangile de Jacques, par exemple, constitue l’une des premières traces du culte à la Vierge qui deviendra par la suite si important dans le christianisme. Le texte retrace des événements qui précèdent la Nativité relatée par les Évangiles de Luc et de Matthieu : le récit débute avant la naissance de Marie et se concentre sur la mère de Jésus. Celle-ci est présentée comme une jeune fille à la naissance exceptionnelle : comme Abraham et Sara, ses parents Joachim et Anne sont des vieillards stériles dont la piété exemplaire est récompensée par la venue d’un enfant dans leur grand âge. Sa vertu est également édifiante : présentée au Temple dès son plus jeune âge, elle y vit dans la discrétion, file le voile destiné à ce dernier, et passe sa vie dans la prière. Elle reçoit son mari à la faveur d’un miracle qui rappelle la résurrection : Joseph est désigné car une colombe sorte d’un bâton qu’il avait en main. Cela permet de contrer ceux qui niaient sa virginité confirmée plusieurs fois par le récit, qui précise notamment qu’une sage-femme l’a même vérifié. Le Protévangile de Jacques s’apparente donc à des vies de saints, à ces récits hagiographiques qui commencent à naître dans l’Église.

LES APOCRYPHES
L’enfance de Jésus, un récit populaire
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LES APOCRYPHES
L’enfance de Jésus, un récit populaire

Des apocryphes, qui circulèrent dès les premiers siècles de notre ère, retracent l’histoire de Jésus enfant et de sa mère. Très appréciés, ils contribuèrent à l’essor du christianisme.

Dès que le mot « apocryphe » est prononcé, tout un monde apparaît dans l’imaginaire. Ils évoquent des textes mystérieux, des secrets soigneusement enterrés par d’occultes puissances soucieuses de conserver leur emprise, ou encore des révélations stupéfiantes restées inaccessibles durant des siècles. Pourtant pour ceux que l’on nomme les « apocryphes de l’enfance de Jésus », rien de tout cela n’est exact, car ces derniers n’ont, à vrai dire, absolument rien de caché…
Ces textes jouèrent un rôle important dans l’Église officielle. Ces derniers datent pour la plupart d’une période allant du IIe siècle au VIIIe siècle. Ils traitent de différentes époques : avant la venue au monde de Jésus et depuis sa naissance jusqu’au début de son ministère public (ce que les commentateurs nomment habituellement « la vie cachée »).
Tout d’abord, ces textes n’entendent pas remplacer les textes canoniques. En présentant des épisodes de la vie du Christ volontairement ignorées par les évangiles, ils tentent de compléter ces récits, de répondre à des questions légitimes sur la vie des parents de Jésus et d’imaginer celle de ce dernier lors de la Fuite en Égypte ou à Nazareth. Bien loin d’être des substituts aux évangiles, ils renouent avec l’ancienne pratique juive du midrash, ces commentaires parfois assez longs dont le but est précisément de remplir les « blancs » du texte.
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UN ENSEIGNEMENT DE VIE
Les apocryphes ne se limitent pas à tracer, parfois par petites touches, les grandes articulations de la pensée gnostique. Ils contiennent aussi un enseignement de vie : on y conseille le détachement des passions et de la sexualité, l’isolement, la méditation et le repliement sur soi (par exemple, dans l’Évangile selon Thomas). De même un savoir ésotérique est fourni dans quelques textes pour guider le gnostique au moment de la sortie de l’âme du corps, afin qu’elle échappe aux douaniers des sphères. En fournissant les bonnes réponses à leur questionnement, l’âme se délivre des derniers liens, et remonte à sa patrie céleste : Lorsqu’il [le geôlier] te dira : « Où iras-tu ? » Tu lui diras : « Au lieu d’où Je viens, là je retournerai. En disant ceci, tu échapperas à leurs attaques » (Première Apocalypse de Jacques).

LES APOCRYPHES
Sur les traces de la pensée gnostique
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Le Jésus qui se dessine à travers les évangiles gnostiques est bien différent de celui que présentent les évangiles canoniques. C’est une entité céleste, préexistante et transcendante, sa nature humaine n’étant pour les gnostiques qu’une apparence revêtue lors de sa descente sur terre. Sauveur intemporel, Jésus n’est pas né des entrailles d’une femme, sa souffrance sur la croix n’a été qu’apparente, destinée à tromper les mauvaises puissances régissant le cosmos. Le salut que Jésus annonce est un salut actualisé, l’écoute de ses paroles étant porteuse d’une connaissance immédiate et salvifique qui consiste à dévoiler à l’homme le secret de ses origines qui est en même temps celui de sa destinée : Les disciples dirent à Jésus : « Dis-nous comment sera notre fin. Jésus dit : « Avez-vous donc découvert le commencement pour que vous cherchiez la fin ? Car là où est le commencement, là sera la fin. Heureux celui qui se tiendra dans le commencement et il connaîtra la fin et il ne goûtera la mort » (Évangile selon Thomas, logion 18).

LES APOCRYPHES
Sur les traces de la pensée gnostique § Discours révélationnels
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Discours révélationnels
Une troisième acception du terme « apocryphon », découlant de la deuxième, doit être mentionnée : celle utilisée par les Pères de l’Église. Ceux-ci ont appelé « apocryphes » des textes de la gnose relatifs à la vie de Jésus, contenant à leurs yeux des interprétations erronées de la foi chrétienne. « Apocryphe » revêt ainsi la connotation de « falsifié » sur le plan des idées, de non conformité à la tradition et à la Règle de vérité de l’Église (« Il existe un seul Dieu tout-puissant qui a tout créé par son Verbe »).
La plupart des écrits apocryphes ont été révélés grâce à la découvertes de sources de première main (Codex de Berlin, en 1896, codices de Nag Hammadi, en 1945, Codex Tchacos, en 1980), qui ont mis à notre disposition les écrits des gnostiques eux-mêmes. Auparavant les seuls témoignages dont nous disposions étaient ceux des hérésiologues qui, dans le but de réfuter les théories de leurs adversaires avaient fourni de larges extraits de leurs œuvres. Parmi eux, on trouve parfois mention d’un apocryphe que les gnostiques auraient composé : par exemple l’Évangile d’Ève, qu’Épiphane, évêque de Salamine (IVe siècle) eut entre les mains ; ou l’Évangile de Judas dont Irénée de Lyon aurait eu connaissance.
Indubitablement, la plupart des apocryphes gnostiques portent sur des paroles de révélation transmises par Jésus, sous le sceau du secret, à un ou des disciples privilégiés ; certains d’entre eux n’ont pas eu une position de premier plan dans l’Église officielle mais ont été l’objet d’une attention particulière dans la tradition gnostique : Philippe, Thomas, Marie-Madeleine, autant de disciples sous les noms desquels des évangiles ont été conservés dans les manuscrits de Nag Hammadi. À ces disciples l’on peut ajouter Judas, mais sa position est ambiguë : bien qu’il reçoive des révélations d’une profondeur telle que les autres apôtres ne peuvent saisir, il ne parviendra pas au salut, marqué par sa trahison.

LES APOCRYPHES
Sur les traces de la pensée gnostique
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Fictions littéraires
Le terme « apocryphe » que l’on adopte pour désigner nombre de textes gnostiques est pleinement justifié : dans sa première acception « apocryphon » signifie en effet « caché », secret (du verbe grec krupto, cacher). Or les écrits des gnostiques se présentent comme des discours de révélations contenant un enseignement ésotérique destiné à une minorité qui en est digne. La gnose est une doctrine pour ceux, peu nombreux, qui ont su dégager l’étincelle divine dans leur quête intérieure. Comme en témoignent ces quelques lignes du maître gnostique Basilide (IIe siècle) : « Peu d’hommes sont capables d’un tel savoir : il n’y en a qu’un sur mille, deux sur dix mille. Leurs mystères ne doivent absolument pas être divulgués ; il faut les garder secrets dans le silence. »

LES APOCRYPHES
Sur les traces de la pensée gnostique
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LES APOCRYPHES
Sur les traces de la pensée gnostique

Des apocryphes gnostiques révèlent les fondements et le sens de cette doctrine. Ésotérique, mythique et philosophique, celle-ci a marqué les débuts de notre ère.

La religion de la gnose et les nombreux écrits apocryphes qu’elle a produit apportent de nouvelles pièces à la mosaïque de l’histoire religieuse de la fin de l’Antiquité où plusieurs tendances chrétiennes se sont affrontées avant qu’un courant ne l’emporte sur les autres, donnant progressivement lieu à une Église centralisée et à un canon des écritures structuré.
Doctrine centrée sur une connaissance totale de Dieu et de soi (gnosis, en grec, signifie connaissance) qui illumine soudainement l’homme en lui faisant prendre conscience en même temps de ses origines divines et de la négativité de sa condition humaine, la gnose a confié les cheminements complexes de sa pensée à des écrits qui peuvent être appelés « apocryphes ». Plusieurs d’entre eux nous sont parvenus grâce à une sensationnelle découverte de manuscrits, celle de Nag Hammadi, en 1945, qui nous a restitué la voix des gnostiques eux-mêmes. Leurs doctrines, en effet, étaient auparavant connues par le seul témoignage polémique et partial des Pères de l’Église (les hérésiologues) qui avaient considéré le mouvement de la gnose comme une hérésie du christianisme.
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À divers titres le livre d'Hénoch est un véritable pont entre le judaïsme et le christianisme. Sa troublante description du Messie Fils de l’homme interpelle le chrétien comme le juif ; Hénoch nous emmène au tournant de notre ère, au nord de la Galilée, non loin de la ville de Nazareth où un certain Jésus fera bientôt parler de lui. Le livre d'Hénoch dessille nos yeux, nous révèle le passé et l’avenir, mais aussi nos origines et notre destinée. Une véritable apocalypse !

LES APOCRYPHES
Hénoch, père de l’apocalypse § Canonique ou apocryphe ?
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Un écrit apocalyptique
Vient alors le discours du patriarche : « Hénoch, un homme juste à qui une vision divine fut révélée, prit la parole et dit : “La vision du Saint et du ciel m’a été montrée ! J’ai tout entendu de la part de vigilants et saints.” » Arrêtons-nous un instant sur ces mots. Il est question de « vision », « révéler », « montrer », « entendre ». Des termes liés à la perception, non à la raison. Hénoch ne nous fait pas ici part du fruit de sa réflexion, de son enquête ou de son art. Il n’est ni poète, ni historien ni philosophe. La connaissance qu’il possède et nous fait partager ne peut être acquise par des moyens humains. Elle s’obtient par contact direct avec le divin, par « révélation ». C’est la définition même d’une « apocalypse » : le grec apocalypsis désigne le « dévoilement » de ce qui est caché et, par suite, la « révélation » de connaissances sinon inaccessibles.
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LES APOCRYPHES
Hénoch, père de l’apocalypse

Trésor de la littérature apocalyptique, le livre d'Hénoch est riche en révélations sur le jugement divin, les anges, ou encore le Messie. Un récit passionnant…

C’est sur cette formule laconique que s’achève la brève présentation du patriarche dans le cinquième chapitre de la Genèse : « Hénoch se promena avec Dieu, puis il ne fut plus car Dieu le prit. » Pourquoi Dieu l’a-t-il pris ? L’a-t-il foudroyé ou, au contraire, élevé aux cieux ? Que s’est-il réellement passé ? Le lecteur, intrigué, restera sur sa faim. La Bible hébraïque n’en dira pas plus.
Pourtant, le Nouveau Testament semble mieux informé : « Par la foi Hénoch fut enlevé, de sorte qu’il ne vit pas la mort », nous dit l’Épître aux Hébreux. Quant à l’Épître de Jude, elle voit en Hénoch un prophète au même titre qu’Ésaïe ou Jérémie ; mieux encore, il est « le septième depuis Adam », une place unique lorsque l’on connaît la valeur du chiffre sept dans l’Antiquité et le judaïsme ancien. Pour couronner le tout, l’auteur de l’Épître cite avec autorité les prophéties du patriarche, qu’il semble bien connaître : « Voici que vient le Seigneur avec ses saintes myriades pour exercer le jugement contre tous. » Mais d’où tire-t-il cette citation ?
Du livre d'Hénoch, bien sûr ! L’ouvrage commence par ces mots : « Paroles dont Hénoch bénit les justes élus qui vivront le jour de la tourmente, où tous les ennemis seront anéantis et les justes sauvés. » Le ton est donné d’emblée. Le jugement divin est proche, une véritable apocalypse…
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De précieux témoignages
Que sait-on de l’enfance de Jésus, entre sa naissance et son baptême ? Si l’on s’en tient aux quatre Évangiles canoniques, rien ou presque. Il n’y a guère que l’épisode rapporté par Luc, où Jésus, âgé de 12 ans, stupéfie les maîtres dans le temple de Jérusalem. Et que sait-on de Melchisédech, ce mystérieux personnage qui fait irruption dans le récit de la Genèse, bénit Abram et disparaît aussitôt ? Pourquoi réapparaît-il soudain dans le livre des Psaumes (Ps 110) ?
Les récits bibliques sont le reflet de traditions vivantes du judaïsme ancien et du christianisme naissant. Elles se développent, s’enrichissent, et sont parfois mises par écrit. Les apocryphes sont autant de témoins de ces traditions et des communautés qui les ont portées ; ils nous offrent un regard nouveau sur les personnages et les événements qui sont au cœur de la Bible. C’est d’ailleurs cette affinité avec la littérature biblique qui leur confère ce statut apocryphe. Parfois, la proximité est telle que l’on ne sait s’il s’agit d’une œuvre apocryphe ou d’un manuscrit biblique doté de variantes. Le Pentateuque réécrit découvert à Qumrân a longtemps été considéré comme apocryphe ; ce n’est qu’en 2010 qu’il a finalement été compté parmi les manuscrits bibliques de la mer Morte !
La réputation apocryphe est tenace. Difficile, même dans les milieux scientifiques, de s’affranchir de cette terminologie ! Il est grand temps que les apocryphes éclairent de leurs lumières personnages et épisodes bibliques restés mystérieux. Que l’on soit historien, théologien, exégète ou que l’on désire tout simplement mieux comprendre sa Bible, cette aventure ­s’annonce ­passionnante.

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Un double sens
La Confessio belgica reconnaît les vertus de certains « apocryphes », dont la lecture et l’étude ne sont pas pros­crites. Selon Athanase ­d’Alexandrie, en revanche, les « apocryphes » sont l’œuvre d’« hérétiques ». Il ne retient pas ni les livres non « canonisés » ni ceux dont la lecture est recommandée ; c’est le cas, nous dit-il, du Siracide ou du livre ­d’Esther, entre autres. Alors comment expliquer une telle différence ?
En fait le terme « apocryphe » n’est pas péjoratif en soi. Le grec apokryphos « caché » est par exemple employé en Ésaïe 45, 3, où Dieu se fait connaître en dévoilant des trésors « cachés ». Et selon Colossiens 2, 3, c’est dans le Christ que sont « cachés » tous les trésors de la sagesse et de la connaissance. Ainsi des écrits cachés ne sont-ils pas nécessairement impies ; si les 70 livres évoqués en 4 Esdras sont cachés du plus grand nombre et réservés aux seuls sages, c’est parce qu’ils contiennent « la source de l’intelligence, la fontaine de sagesse, le fleuve de la connaissance ». Ce qui est « caché », ce n’est donc pas nécessairement l’écrit lui-même, mais peut-être aussi ses origines, ses auteurs, les enseignements qu’il transmet, et enfin les communautés qui le reçoivent.
À cela s’ajoute le caractère tantôt fortuit, tantôt délibéré d’un tel sort : est-ce par hasard qu’une œuvre est restée inconnue du plus grand nombre ? A-t-elle simplement souffert, dès l’Antiquité, d’une diffusion limitée due aux coûts liés à la fabrication d’un manuscrit et aux difficultés à le transporter sur de longues distances ? Ou peut-être n’a-t-elle tout simplement pas rencontré le succès escompté ? Mais peut-être est-ce sciemment que l’on a dissimulé cette œuvre. Certaines communautés se targuaient en effet de révélations ou connaissances mystérieuses, tels les esséniens qui, selon Flavius Josèphe, connaissaient les noms des anges. Les liens entre la connaissance et le pouvoir sont étroits et multiples, y compris dans le domaine des religions ; il n’est guère surprenant que des milieux juifs ou chrétiens, apocalyptiques ou gnostiques notamment, réservent à leurs seuls membres l’accès à certains écrits.
La dissimulation peut toutefois provenir non des partisans, mais des autorités ecclésiastiques qui décident d’exclure des écrits jugés néfastes. Athanase d’Alexandrie dénonce ainsi ces écrits qui sont, selon lui, « l’œuvre de la méchanceté de ceux qui les ont inventés pour y mêler une seule parole profitable ou deux afin que, par une pareille tromperie, ils trouvent la manière de dissimuler les mauvaises doctrines qu’ils ont de toute évidence créées ».
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(...): le monde apocryphe n’est pas si inaccessible qu’on l’imagine. Juifs et chrétiens y pénètrent plus souvent qu’ils ne le pensent. En outre, les frontières délimitant le biblique de l’apocryphe sont subjectives, spécifiques à chaque communauté ; ce qui est apocryphe pour les uns est biblique pour les autres. Enfin, ces ­frontières sont parfois problématiques : jugées apocryphes, certaines traditions sont pourtant intégrées et légitimées. Alors ­pourquoi exclure ces textes ? Sont-ils dangereux ? Veut-on nous empêcher de les lire ? Que nous révèlent-ils sur les origines du judaïsme et du christianisme ? Le cas des deux premiers livres des Maccabées n’est pas unique. D’autres livres sont eux aussi en ballottement entre le biblique et l’apocryphe. Un tour d’horizon des différentes Bibles révèle une grande diversité parmi les traditions chrétiennes. Plus encore, certaines Églises – notamment en Orient – ne semblent pas avoir officiellement statué sur la liste définitive des livres composant leur Bible.

Dans la lumière des apocryphes
Michael Langlois - publié le 19/10/2012
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La naissance de Jésus est sûrement l’une des scènes bibliques les plus célèbres : à l’approche de Noël, vitrines et foyers se parent de crèches miniatures figurant l’enfant, Marie, Joseph, les bergers, les animaux – sans oublier les célèbres mages venus d’Orient, guidés par les astres jusqu’à Bethléem. Nombre de lecteurs connaissent d’ailleurs leur identité : Gaspar, Balthazar et Melchior. Ce que tous ne savent pas, en revanche, c’est que celle-ci n’est mentionnée nulle part dans la Bible. Sans le savoir, ils ont d’ores et déjà franchi les frontières du domaine biblique. Bienvenue en territoire apocryphe…
À la même époque de l’année, alors que les chrétiens s’apprêtent à fêter Noël, les juifs célèbrent quant à eux la fête de Hanoukka (« dédicace »). Les chandeliers à neuf (et non sept) branches ornent alors les rebords des fenêtres, chaque bougie représentant l’un des huit jours de célébration qui suivirent la prise du temple par Juda et ses compagnons d’arme. Or, cette fête juive – à la différence de toutes les autres – n’est mentionnée nulle part dans la Bible hébraïque. Nous voici à nouveau dans le monde apocryphe. Quoi que. Les deux premiers livres des Maccabées, qui relatent cet épisode, sont présents dans la plupart des Bibles chrétiennes, et ne sont donc apocryphes que pour une minorité de croyants. C’est notamment le cas de certains protestants, qui ont décidé de restreindre leur Ancien Testament aux livres de la Bible hébraïque.

Dans la lumière des apocryphes
Michael Langlois - publié le 19/10/2012
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Une initiation à la complexité du fait religieux

Combattre les idées reçues. Présenter le fait religieux de manière accessible, tout en faisant ressortir sa complexité. Voilà quelques-uns de nos objectifs. Il semble admis que le bouddhisme, centré sur la recherche spirituelle personnelle, se tient à l’écart du politique. Raphaël Liogier nous explique qu’il s’agit d’une vision réductrice. Et, pour ceux qui pensent que la tradition judéo-chrétienne est à jamais fâchée avec les réalités du sexe, Franck Lalou revisite ce poème érotique qu’est le Cantique des Cantiques, un joyau de la Bible.
Pas simples, les relations entre chrétiens et juifs. Comment, issus d’un même rameau religieux, on-ils pu entretenir une telle inimitié, des siècles durant ? Jean Dujardin retrace de façon lumineuse la genèse de leur différend et mesure le chemin parcouru depuis un demi-siècle. L’écheveau irakien nécessite d’être démêlé. Que veulent les chiites, la première communauté du pays ? Mouna Naïm souligne leurs divergences d’approche et la modération dont témoignent leurs chefs à l’égard de l’occupant.
Fondamentalistes, intégristes, religieux radicaux forment une nébuleuse. Jean-Louis Schlegel nous en présente les composantes et Christophe Jaffrelot s’interroge sur leurs éventuelles connexions. Grâce à Sébastien Fath, nous nous familiariserons avec le fondamentalisme protestant américain, peut-être encore moins connu que l’islamisme. Un passage par l’Institute for democratic studies, à New York, nous permettra de mesurer si ce courant bigot et conservateur mène George W. Bush par le bout de la Bible.
Pour la bonne bouche, ce numéro deux propose les confidences du grand chef Joël Robuchon. Comment, sans avoir le sentiment de se renier, cet ancien séminariste a-t-il pris refuge dans une loge maçonne ? Les parcours personnels sont aussi marqués du sceau de la complexité.
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