Citations de Madame Nielsen (25)
...chez l'occulte "artiste capillaire", un nabot barbu et enrobé..... Le jour ne perce pas ces lieux, l'obscurité règne pièce après pièce après pièce, toutes croulantes sous le poids des livres et de la poussièreet des objets occultes, tandis qu'à l'autre bout se trouve une cuisine ... qui rappelle le laboratoire alchimique du maniaque Strinberg à Paris avec ses cornues frémissantes et bouillonnantes et fumantes, ......
Et, très tard dans la nuit, lorsque les vins capiteux ont fait leur effet, il les convainc de couper une mèche la plus large et la plus longue possible de leurs cheveux pour ensuite les nouer ensemble, celle du jeune garçon gracile avec celle de la fille, plus tard celle de la mère avec celle de l'artiste portugais, et les transformer en des colliers et bracelets et boucles d'oreille aussi magiques que magnifiques, qu'ils porteront chacun comme des talismans dans une promesse d'amour qui est également une malédiction (semblable à la guerre qui donne vie à l'Histoire mais n'est que mortelle pour l'humanité). p 74
Et, pendant ce temps, au cimetière, le garçon jadis si bien bâti gît sous trois cuillerées de terre dans son cercueil au fond de la fosse. Ici, la voix peut se poser et trouver le repos, dans la mort, qui est le centre de gravité vers lequel elle n'a cessé d'être attirée et autour duquel elle a enlacé ses lignes: Tu es né de la terre, tu retourneras à la terre, tu te relèveras en mots de la terre.
« … le riz et le curry, cette collision entre d’une part les grains de riz blancs et presque crayeux, non, blancs comme la chair de la morue sur le blanc de l’assiette, oui, la mer du Nord, l’océan, les abysses glacés et inconnus, la dernière tache blanche du globe à onze kilomètres sous la surface des mers, et d’autre part le jaune intense du curry, sa flamboyante flavescence, semblable à la poussière brûlante du désert, pareille au noyau incandescent d’une planète » p 90
... elle ne pardonnait rien à personne, la douleur et le chagrin étaient dissimulés au creux d'un ici et maintenant. qui chez elle durait bien plus qu'un instant et se déversait dans un monde illimité par lequel elle se laissait engloutir, avec lequel elle fusionnait, qu'elle habitait entièrement, qu'elle était pleinement de la même manière qu'elle était sa chambre capharnaüm et son existence individuelle au cours de "l'été infini" à la ferme blanche, comme s'il n'y avait que ça et rien d'autre, comme s'il ne fallait plus compter sur l'arrivée de l'avenir, ce que la plupart des gens qui faisaient sa connaissance trouvaient charmant et enviable... p 56-57
Lorsqu'il pénètre dans la chambre d'hôpital, ils sont déjà là pour la plupart, pas tous, pas "l'été infini" dans sa totalité qui serait réuni une dernière fois, pas encore, pour cela nous attendons le bouquet final...
Vient le printemps puis l'été, "l'été infini" comme ils disent, ils l'évoquent ainsi à croire qu'ils l'invoquent, "l'été infini" à croire que le langage et non les hommes crée le monde, ces hommes qui ne peuvent exister sans langage.
Ses mouvements sont fluides et assurés, et non des tentatives pour être quelqu'un; il est, tout simplement, et il est une incarnation lucide de la fierté que, sans l'avoir jusque -là rencontrée, on reconnaît comme étant celle qu'un pays ou sans doute plutôt une culture peut avoir.
Et la vie a continué. Comme avant, et pas comme avant. Soudain j’avais peur. De quoi ? De ce qui allait arriver. Et qu’est-ce qui est arrivé ? Rien. Et c’était ça le plus effrayant.
Le coup de foudre est une catastrophe qui ne connaît aucune limite, il s’enivre de lui-même et se félicite d’avoir aboli chaque ordre existant, il plonge dans l’incertain et vénère l’instant présent pour l’éternité.
En réalité tout est mouvement, transformation, rien n’est immobile, dans la vie que nous vivons quelque chose d’extrêmement lent, de quasi imperceptible, commence peu à peu à avoir lieu et ne cesse d’avoir lieu, bien longtemps avant que l’on ne se rencontre, et même après, dans le coup de foudre, même là, au-delà du temps, dans un autre monde, et plus tard, lorsque le coup de foudre n’est plus, et que l’amour attend, attend, attend, même là-bas, dans la nuit … ça a commencé à se produire, et ça s’est produit, et ça a continué à se produire, et ça continue toujours à se produire.
Non, c'est certain, dit la mère, mais que veux-tu, les individus sont comme ça. Dans ce cas je ne veux plus être un individu, dit la fille.
Et si l'histoire porte jusqu'à nouvel ordre les accents d'un rêve.. cela s'explique par le fait que la vie est un rêve, un rêve dont on ne se réveille jamais mais qui un beau jour s'avère brusquement évanoui depuis des lustres ; et pour autant vous êtes toujours ici...
« […] comme une épiphanie, un faisceau de lumière éblouissante, la mère, sa silhouette aristocratique, ses longs membres gracieux, ses os puissants, ses cheveux qu’elle teint couleur ivoire, une toison lisse qui lui tombe au bas des reins, l’étalon qu’elle monte l’été dans ces vapeurs de l’aube flottant sur les champs […] »
Le coup de foudre n’a pas de langage, c’est un animal, c’est le théâtre de la cruauté, il est à la limite de la folie, il est le sublime et il n’est pas en mesure de se formuler lui-même.
Le coup de foudre n’a pas de nom et pas de visage, celui que vous voyez dans le miroir n’est pas vous, et c’est une peur, un plaisir, une chute dans le vide.
Et ça s’est produit, ce n’était pas le destin, ce n’était pas le hasard, ça s’est produit, tout bonnement, la vie est comme ça, les choses arrivent.
Non, c'est certain, dit la mère, mais que veux-tu, les individus sont comme ça. Dans ce cas je ne veux plus être un individu, dit la fille.
Ils demeurèrent le reste de la soirée et toute la nuit dans le grand salon, devant l'âtre vide, froid, sombre. Il ne fallu guère de temps au cadet puis à l'aîné des deux petits frères pour s'endormir et poser leur tête sur chacune des cuisses de la mère. Lorsque la fille demanda à une unique occasion la permission d'aller aux toilettes, le beau-père introduisit la clé dans la serrure et déverrouilla la porte, non sans indiquer à la mère que si elle aussi voulait y aller c'était maintenant, mais celle-ci secouant la tête pour seule réponse, il reverrouilla la porte et suivit sa belle-fille jusqu'à la plus proche des seize salles de bains munies de toilettes où il fit le planton devant la porte, d'ailleurs davantage avec l'allure d'un factionnaire armé ou du portier d'une discothèque post-soviétique, et, lorsqu'elle en ressortit il la laissa le précéder jusqu'au grand salon dont à nouveau il déverrouilla et reverrouilla la porte pour ensuite glisser la clé dans sa poche.
J’avais cru que, comme le jour de la nuit, l’amour jaillirait du coup de foudre, que l’un ne pouvait exister sans la possibilité de l’autre et que l’autre ne pouvait exister sans l’un en ce qu’il était sa condition préalable, que la transition aussi effrénée que l’aube serait la plus belle de toutes et nous emporterait avec elle, que celui dont on tombe amoureux comme jamais auparavant et jamais plus depuis, le seul, est celui avec qui on peut vivre, comme quand on respire, comme quand on se donne, que le « oui » et le « oui » ne sont pas une limite mais une porte qui s’ouvre du début et communique sur la suite, que l’ivresse, la folie et le temps dépourvu de temps, avec les jours, les semaines les saisons, se montreraient, incarneraient le quotidien…
Je sais maintenant ce que je veux, et pourquoi j’écris : pour créer la vie, montrer la beauté dans le monde, dans la moindre petite chose, dans la moindre petite créature, dans la peine, dans la douleur, dans l’amour, montrer qu’il est possible de vivre, ensemble, et de s’aimer, en dépit du reste.