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Sous le règne de Napoléon, François Vidocq, le seul homme à s'être échappé des plus grands bagnes du pays, est une légende des bas-fonds parisiens. Laissé pour mort après sa dernière évasion spectaculaire, l'ex-bagnard essaye de se faire oublier sous les traits d'un simple commerçant. Son passé le rattrape pourtant, et, après avoir été accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis, il propose un marché au chef de la sûreté : il rejoint la police pour combattre la pègre, en échange de sa liberté. Malgré des résultats exceptionnels, il provoque l'hostilité de ses confrères policiers et la fureur des criminels qui ont mis sa tête à prix...
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Les bornes de cet ouvrage ne me permettent de parler que des individus que les articles du Code Pénal atteignent ; si jamais, ce qu'à Dieu ne plaise, je me détermine à écrire le recueil des ruses de tous les fripons qui pullulent dans le monde, fripons auxquels le procureur du roi donne la main, et qui sont salués par le commissaire de police, il faudra que je me résolve à écrire un ouvrage plus volumineux que la "Biographie" des frères Michaud.
Le petit père Guillotin n'a pas de boucher, mais il a son équarrisseur ; et dans ses casseroles de cuivre, dont le vert-de-gris n'empoisonne pas, le cheval fourbu se transforme en boeuf à la mode, les cuisses du caniche mis à mort dans la rue Guénegaud deviennent des gigots de prés-salés, et la magie d'une sauce raffermissante donne au veau mort-né de la laitière l'appétissant coup d’œil du Pontoise.
Reprendre des fers ce que j'avais brisés au prix de tant d'efforts, cette idée me poursuivait sans cesse : mon secret, je ne le possédais pas seul, il y avait des forçats par le monde, si je les fuyais, je les voyais prêts à me livrer : mon repos, mon existence étaient menacés partout, et toujours.
Un coup d'œil, le nom d'un commissaire, l'apparition d'un gendarme, la lecture d'un arrêt, tout devait exciter et entretenir mes alarmes...
J'étais hors de la société, et pourtant, je ne demandais qu'à lui donner des garanties ; je lui en avais donné, j'en atteste ma conduite invariable à la suite de chacune de mes évasions, mes habitudes d'ordre, et ma fidélité scrupuleuse à remplir tous mes engagements.
Aussitôt l’on fouilla Joseph, et l’argent volé fut trouvé dans sa ceinture. Ma justification était complète. Roman lui-même me fit des excuses ; en même temps il me déclara que j’avais cessé de faire partie de sa troupe ; « c’est un malheur, ajouta-t-il, mais vous sentez qu’ayant été aux galères… » Il n’acheva pas, me mit quinze louis dans la main, et me fit promettre de ne pas parler de ce que j’avais vu, avant vingt-cinq jours. – Je fus discret.
Il existe à Paris des hommes toujours bien vêtus, déjeunant bien et dînant bien, et qui cependant ne possèdent ni industrie, ni revenus ; ce ne sont pourtant point des mouchards, mais ils ne valent guère plus : ce sont des "fileuses" ; leur unique industrie est de suivre les "floueurs" et les "emporteurs" (ndr : escrocs divers) et de rester paisibles spectateurs de la partie qui vient de s'engager ; ils prélèvent cependant un impôt de trois francs par louis sur la somme perdue par le "sinve" (ndr : pigeon). [...]
Somme totale, le métier des fileuses est un excellent métier, car il est lucratif, et peut être exercé, pour ainsi dire, impunément.
Lorsqu'on lit les mémoires de Vidocq on est surpris par deux choses. D'abord c'est un monsieur qui a pris une telle accoutumance du déguisement qu'on ne sait plus, à la fin, qui il est ; ensuite il plaide tellement pour lui-même que nous en venons, vous et moi, lecteurs naïfs, à douter de l'apologie qu'il ne cesse de faire : le grand homme de Vidocq, c'est Vidocq...
Aurait-il tort ?
Si l'on en croit l'histoire : non ! il a crée cette forme de la police, la sûreté, qui a pris, à la fin, le pas sur les autres. Si l'on en croit l'histoire littéraire, c'est plus net encore : Vidocq est au départ des romans les plus importants du XIX° siècle. Ici et là, c'est un personnage capital, essentiel...
Aurait-il raison ? Le personnage est-il aux dimensions de l'homme ? Y a-t-il tricherie en quelque lieu ?
Le problème se complique....
(extrait de la préface de "Les mémoires de Vidocq" insérée en début des deux volumes parus chez "Marabout Géant" en 1966)
Je retrouvai au Petit Hôtel la plupart des détenus qu’avant mon évasion j’avais vu mettre en liberté. Quelques-uns n’avaient fait, pour ainsi dire, qu’une courte absence. Ils se trouvaient arrêtés sous la prévention de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. De ce nombre était Calandrin, dont j’ai parlé plus haut : élargi le 11, il avait été repris le 14, comme prévenu de vol avec effraction et de complicité avec les chauffeurs, dont le nom seul inspirait alors un effroi général. Sur la réputation que m’avaient value mes diverses évasions, ces gens-là me recherchèrent comme un homme sur lequel on pouvait compter.
De mon côté, je ne pouvais guères m’éloigner d’eux. Accusés de crimes capitaux, ils avaient un intérêt puissant à garder le secret sur nos tentatives, tandis que le malheureux, prévenu d’un simple délit, pouvait nous dénoncer, dans la crainte de se trouver compromis dans notre évasion : telle est la logique des prisons. Cette évasion n’était toutefois rien moins que facile ;
on en jugera par la description de nos cachots : sept pieds carrés, des murs épais d’une toise, revêtus de madriers croisés et boulonnés en fer ; une croisée de deux pieds sur trois, fermée de trois grilles placées l’une à la suite de l’autre ; la porte doublée en fer battu. Avec de telles précautions, un geôlier pouvait se croire sûr de ses pensionnaires : on mit pourtant sa surveillance
en défaut.
J’étais dans un des cachots du second avec un nommé Duhamel. Moyennant six francs, un détenu, qui faisait le service de guichetier, nous fournit deux scies à refendre, un ciseau à froid et deux tire-fonds. Nous avions des cuillers d’étain : le concierge ignorait probablement l’usage qu’en pouvaient faire
des prisonniers : je connaissais la clef des cachots, elle était la même pour tous ceux du même étage ; j’en exécutai le modèle avec une grosse carotte, puis je fabriquai un moule avec de la mie de pain et des pommes de terre. Il fallait du feu, nous en obtînmes en fabriquant un lampion avec un morceau de lard et des lambeaux de bonnet de coton.
Non contents de dilapidations de ce genre, les chevau-légers, réunis aux gabarriers chasseurs, enfonçaient pendant la nuit des barriques de sucre, dont le contenu disparaissait entièrement, emporté par portions dans des sacs noirs, qu’on appelait black-straps (bandes noires). Des constables, venus à Paris en mission, et avec lesquels j’ai dû être mis en rapport, m’ont assuré
qu’en une nuit, il avait été ainsi enlevé de divers vaisseaux jusqu’à vingt barriques de sucre, et jusqu’à du rhum extrait au moyen d’une pompe (gigger), et dont on remplit des vessies. Les bâtiments à bord desquels se pratiquait ce trafic étaient désignés sous le nom de game ships (vaisseaux à gibier).
À cette époque, les vols de liquides et des spiritueux étaient, au surplus, fort communs, même dans la marine royale. On en trouve un exemple fort curieux dans ce qui arriva à bord de la frégate la Victoire, qui apportait en Angleterre les restes de Nelson, tué, comme on sait, au combat de Trafalgar.
Pour conserver le corps, on l’avait mis dans une tonne de rhum. Lorsqu’en arrivant de Plymouth, on ouvrit la tonne, elle était à sec. Pendant la traversée, les matelots, bien certains que le sommelier ne visiterait pas cette pièce, avaient tout bu à l’aide de calumets de paille ou de giggers. Ils appelaient cela
mettre l’Amiral en perce. Les bateliers chasseurs se tenaient à bord des vaisseaux qu’on déchargeait, pour recevoir et transférer sur-le-champ à
terre les objets volés. Comme ils étaient chargés de traiter avec les receleurs, ils se réservaient des profits considérables ; tous faisaient beaucoup de dépense. On en citait un qui, du fruit de son industrie, entretenait une femme très élégante, et et possédait un cheval de selle.
Par hirondelles de vase, on entendait ces hommes qui rôdaient à marée basse, autour de la quille des vaisseaux, sous prétexte de chercher de vieux cordages, du fer, du charbon, mais dans le fait pour recevoir et cacher des objets qu’on leur jetait du bord.
Un jour à la Croix-Rouge,
Nous étions dix à douze,
Tous grinches de renom ;
Nous attendions la sorgue
Voulant poisser des bogues
Pour faire du billon (bis)
Partage ou non partage,
Tout est à notre usage ;
N'épargnons le poitou
Poissons avec adresse
Messières et gonzesses
Sans faire de regoût. (bis)
Dessus le Pont-au-Change
Certain argent de change
Se criblait au charron
J'engantai sa toquante,
Ses attaches en brillantes,
Avec ses billemonts. (bis)
Quand douze plombes crossent
Les pègres s'en retournent
Au tapis de Montron.
Montron ouvre ta lourde
Si tu veux que j'aboule
Et piausse en ton bocson. (bis)
Montron drogue à sa largue,
Bonnis-moi donc giroffle,
Qui sont ces pègres-là ?
Des grinchisseurs de bogues,
Esquinteurs de boutoques,
Les connobres-tu pas ? (bis)
Et vite ma culbute ;
Quand je vois mon affure
Je suis toujours paré
Du plus grand coeur du monde
Je vais à la profonde
Pour vous donner du frais. (bis)
Mais déjà la patrarque,
Au clair de la moucharde,
Nous reluque de loin.
L'aventure est étrange,
C'était l'Argent-de-change
Que suivaient les roussins. (bis)
A des fois l'on rigole,
Ou bien l'on pavillonne,
Qu'on devrait lansquiner.
Raille, griviers et cognes
Nous ont pour la cigogne
Tretous marrons paumés. (bis)
Peut-être trouvera-t-on que j'ai trop longtemps entretenu le public d ce qui ne m'était que personnel, mais il fallait bien que l'on sût par quelles vicissitudes j'ai dû passer pour devenir cet Hercule à qui il était réservé de purger la terre d'épouvantables monstres et de balayer l'étable d'Augias.