Citations de Abha Dawesar (53)
La police est finalement gentille avec le docteur, dans son bon droit, c'est manifeste, et veut bien lui laisser la chance de surenchérir sur le pot-de-vin. (p. 140)
Les futurs maris se suivent, encore et encore. C'est toujours la famille du futur qui rejette la fille de Pajet. (...)
Les adultes, eux , doivent s'intéresser à d'autres choses : son salaire, les avantages liés à son emploi au plan médical, pour la retraite, le niveau des parents et l'état de leur portefeuille immobilier. Plus important encore : le nombre de frères avec lesquels il lui faudra partager l'héritage et le nombre de soeurs qui saigneront à blanc la famille quand viendra le moment de les marier. (p. 153 - 10/18, 2013)
La vie avait été trop belle pour être vraie, ces quelques dernières semaines. J'aurais dû me douter que tout cela aurait une fin. L'utopie n'était pas un état stable.
L'école, comme la ville et le pays, est surpeuplée. (p. 105- Coll. 10/18, 2013)
" Je veux qu'elle vienne à moi quand elle sera prête. Qu'elle ressente cela avec force, comme je veux le ressentir, moi aussi. Et non parce qu'elle est belle et jeune mais grâce à quelque chose de plus. Beauté, jeunesse, ce sont des obstacles qui, tout comme la célébrité, empêchent de connaître l'intérieur de l'être."
- Qu'aimes-tu lire, Anamika ? s'informa Linde, en se tournant vers moi.
- Je m'efforce d'éviter les best-sellers.
Je me trouvai snob, a l'instant même ou je m'entendis prononcer ces mots.
- Pourquoi ? demanda-t-elle aimablement.
- Disons qu'en littérature j'ai encore besoin d'assurer mes arrières. L'été dernier, j'ai lu presque tout Dostoievski.
Elle haussa un sourcil et remarqua :
- C'est du sérieux.
- Apparemment, elle aime les choses sérieuses, intervint ma mère.
Quand j'étais en seconde, ma mère contrôlait mes lectures et approvisionnait mon étagère en Jane Austen et George Elliot.
Notre salon était un marché où s’appréciaient offres et enchères. Malgré l’opulence des sols en marbre et des canapés inclinables en cuir, j’avais l’impression d’être une tête de bétail que s’échangeaient deux tribus nomades.
A l'école, c'est la journée du Fondateur. Un Fondateur qui est aussi le propriétaire de l'école. On raconte que, petit, il était orphelin dans la rue, puis qu'il a ciré les chaussures à la gare, vendu des biscuits dans les trains, récupéré les vieux journaux vendus ensuite au poids, et ainsi de suite jusqu'à devenir le propriétaire d'une biscuiterie , d'un groupe de presse, d'un grand magasin et d'une école très rentable. Grâce à un dur labeur et un jugement avisé, le Fondateur est assis sur un tas d'or qui s'élève toujours plus haut vers le ciel, tout comme la chaîne de montagnes au nord du pays atteint le ciel sous l'effet de la tectonique des plaques. (p. 144, 10/18, 2013)
Mon père boit, ma mère nargue. Mon père frappe, ma mère gémit. Mon père hurle, ma mère crie. Ils sont menottés tels des prisonniers décrivant des cercles sans fin. La bête qu’a été leur vie commune s’éveille toutes les vingt-quatre heures en soubresauts et secousses frénétiques, gagnant un jour d’existence en plus. Ils se sont sans cesse trahis et leur trahison ressemble aux vents hurlants du désert qui transforment une roche en sable. Ils hurlent, hurlent et hurlent dans mes oreilles même lorsque les arbres restent immobiles.
Le père de Tracy. Le père d’Uma. Le sien. Des pères qui décident. Des pères qui possèdent leurs enfants. Qui les contrôlent. Vivent à travers eux. Leur refilent des gênes. Leur transmettent la maladie de Huntington. Abrègent des vies. Et aujourd’hui, Thomas. Sur le point d’être père à son tour. Cette responsabilité. Ce pouvoir. Cette dévotion. Thomas va corriger le tir des pères.
"Aimer, c'est saigner, mais saigner, c'est vivre. Même si j'ai soixante quinze ans, ça me console, d'une certaine façon, de saigner."
"Tu es encore victime de ton imagination. Et tant que tu travailleras avec elle, tu resteras son prisonnier. Notre oeuvre d'écrivain est toujours plus vaste que nous. C'est un trou immense, dans lequel on croit s'être fait une place mais, en fait, on s'y perd. C'est comme ça!"
Delhi est une ville où tout se passe dans la clandestinité. Une ville où l'horizon disparait derrière les émissions de microparticules et où les journées sont brûlantes. Une ville sans amour mais avec des tonnes de passion. Comment la passion sans amour peut-elle exister ?
Séduite par la science, il est impossible qu'elle adhère aux castes; imprégnée de scepticisme, elle n'a pas grand-chose d'une hindoue. Plus faible qu'un homme de taille égale, imprégnée d’œstrogènes, elle accepte le fait d'être une femme. Munie d'un cortex préfrontal qui génère des pensées, dessine des lignes causales des origines aux fins mais étouffe les instincts sous le poids de l'abstraction, elle a beaucoup de mal à comprendre pourquoi elle est là, où elle va, d'où elle vient et ce que cela signifie.
La vie n'est pas comme une pièce de théâtre ou un film, on ne peut jamais établir le plan précis des conséquences.
...le mariage consiste à trouver une base commune, un lieu qu'on puisse appeler son chez-soi. Un lieu où revenir lorsqu'on est fatigué de mener ses combats au dehors, dans le monde.
Nous étions toutes les trois des tranches d'un même cerveau. Nos pensées et nos sentiments étaient pareils à un fleuve descendu des montagnes et coulant dans les plaines vers l'embouchure de la baie du Bengale. Tout comme l'Inde elle-même, avec sa géographie sacrée chevauchant de nombreux State et empêchant de représenter en jargon politique et les mouvements séparatistes de la découper avec précision. C'était un sentiment tout nouveau d'appartenance, d'aventure, de partage, une sensation d'être bien davantage qu'un simple individu.
L'univers était chaotique et relatif. Ces aspects-là pouvaient se mesurer. Il existait quelques faits concrets sur lesquels on pouvait baser une façon de vivre sa vie. Je m'étais toujours moquée de la religion comme d'une béquille destinée aux masses, ce n'était donc même pas envisageable. Il nous avait fallu deux mille ans pour découvrir que nous ne savons rien. Cette instant-là, où j'étais affalée sur mon lit, changea toute ma vie. J'étais soudain libre. Libre et libérée du fardeau de la connaissance, et donc de toute morale qui en découle. Seuls comptaient les sentiments. Et les sensations.
Je songeai au principe d'incertitude de Heisenberg. Tout comme on ne pouvait jamais être certain à tout instant de sa position exacte étant donné sa vitesse, je ne pourrais jamais être certaine à tout instant des conséquences exactes étant donné les élans de mon cœur. Et si je devais être fidèle à moi-même, connaître mon cœur avec une précision infaillible s'avérait crucial.
- L'incertitude n'est-elle pas le prix à payer pour suivre sa vérité, pour affronter son obscurité et la combattre ? demandais-je.
- Je me souviens d'avoir pensé comme toi.
- Et ?
Avait-elle essayé et échoué ? Linde n'avait pas abordé ce sujet, Adit non plus.
- Ton obscurité pourrait révéler ce qu'il y a de meilleur en toi.
Peut-être avait-elle raison. Mais je ne me voyais pas échouer face à moi-même ou à Chakra Dev. J'étais convaincue de ma force. J'admirais Adit parce qu'il avait été sur le champ de bataille et avait reçu une balle sans prendre la fuite. Mon champ de bataille à moi était dans ma poitrine. Partir dans un pays nouveau comme l'Amérique, où personne de ma famille n'avait jamais mis les pieds, me paraissait un jeu d'enfant comparé au fait de m'aventurer dans le vaste paysage qui s'ouvrait en moi.
Je quittai mon fauteuil et me penchai pour déposer un baiser sur le front de Maya.
- Je suis contente de vous avoir rencontrée, dis-je.
- Moi aussi. Tu n'es plus tout à fait comme tu étais plus tôt dans la soirée.
- Je me sens plus légère et plus lucide. Bien que Tripta dirait que ce n'est qu'un afflux de nouvelles substances chimiques.
Il ne sait toujours pas comment quelqu'un qui n'a rien peut devenir riche. A part le Fondateur, qui, de gamin des rues, est devenu millionnaire, il ne connaît aucune autre personne qui ait pu avec succès abandonner les lettres R-I-E-N et les transformer en O-N-T.