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Critiques de Agnès Jaoui (14)
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Cuisine et dépendances

Parce qu'à l'annonce d'une triste nouvelle, on repense à son passé, à son histoire, à ses souvenirs. Et de fait, j'ai eu l'envie, le besoin même, de replonger dans ma cuisine, sans dépendances. Ouvrir une bouteille de vin, un Chinon aux fruits rouges type prune, je crois qu'il aurait bien aimé un verre de Chinon, je ne sais pas pourquoi, c'est l'image qu'il me renvoie, ça ne se discute pas, ça se ressent, simplement, intérieurement, silencieusement, c'est comme le désir, la passion, l'Amour. Et le type, un passionné, je le crois, de théâtre déjà, de cinéma et d'amitié. Pas un bougon, ce n'est qu'un personnage, mais un être tendre qui boirait un verre de vin avec moi. Agnès, tu peux te joindre à nous.



Bref, du coup, j'ai sorti mon DVD de « Cuisine et Dépendances », et j'ai souri, beaucoup, énormément, pendant quatre-vingt dix minutes. Et puis, je me suis rendu compte que j'avais un beau coffret avec le texte intégral de la pièce. Je crois que je ne l'avais jamais lu auparavant. L'occasion, je me jette dessus, comme quand on est sur un quai de gare, face à un train, et qu'on décide de monter dedans, juste pour voir un sourire. Parce que des sourires il y en a beaucoup qui fusent à l'ombre de la lune d'un soir. Et je prolonge donc ce plaisir de lire la pièce. Les dialogues font toujours mouche, j'ai les images qui restent gravées en moi, comme certains sourires.



J'ai encore passé un grand moment, un plaisir, un régal, aussi bon qu'un flan pâtissier ou qu'une panna cotta avec son petit coulis de mangue, aussi délicieux qu'un Chinon dans une cuisine sans dépendance ou qu'un Beaujolais aux abords d'un étang. C'est ça l'effet Bacri pour moi. du coup, je n'ai pas besoin de vous raconter l'histoire, tout le monde la connait, tout le monde l'a vécu. J'adore ce cynisme, cette mauvaise foi, ces comédiens, cette écriture… Tout simplement. J'adore les rapports humains, ses questionnements sur le couple, sur l'amitié, sur la société. Et c'est avec cette même simplicité que je me ressers un verre, dans les coulisses d'une cuisine. J'ouvre même un énorme paquet de pistaches.
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Un air de famille

J'ai vu et revu le film de Klapisch, que j'adore, et, si je savais effectivement que le scénario et les dialogues étaient signés Jaoui et Bacri, j'avais complètement oublié qu'à l'origine, "Un air de famille" était une pièce de théâtre. Redécouvrant la chose à l'occasion du challenge Théâtre de cette année, c'est donc avec un immense plaisir que j'ai enfin lu ce texte.



Je résume l'action : trois frères et sœur. L'aîné, Philippe, la quarantaine, sûr de lui, est cadre dans une boîte d'informatique et marié à Yolande, qui dégage une certaine niaiserie et dont l'ensemble de la famille fait peu de cas (son mari y compris). Le cadet, Henri, qui tient le café "Au père tranquille", tout comme son propre père avant lui, est marié à Arlette (qu'on ne verra pas). Il est plus ou moins considéré comme le raté de la famille, celui qui n'a et n'aura jamais aucune ambition. La benjamine, Betty, la trentaine, tient le rôle de la rebelle de la famille. Changeant constamment de travail, au moment où débute la pièce elle occupe un poste dans la même entreprise que Philippe, dont elle est très proche (du moins le pense-t-elle). La Mère, une maîtresse-femme, présentée sous cette terrible appellation et non pas par son prénom, règne sur ce petit monde. Elle fait sans cesse l'éloge de Philippe, tout comme elle regrette constamment tout haut l'inertie d'Henri, et s'agace de l'attitude "peu féminine" de Betty. Outre Yolande, mentionnée plus haut, un dernier personnage, Denis, employé par Henri au café et petit ami "non officiel" de Betty, tient compagnie à ces quatre personnages, lors du traditionnel rendez-vous du vendredi soir pour le repas de famille au meilleur restaurant du coin. En fait de restaurant, ils resteront toute la soirée au "Père tranquille", les petits événements de la vie bousculant pour une fois leurs habitudes.



A priori, donc, pas d'action trépidante. Tout se jouera dans les dialogues acérés dévoilant très vite les tensions inhérentes à cette famille, qui pourrait être à peu près n'importe quelle famille. Deux actes se répondent parfaitement, construits autour d'un événement dérisoire qui va prendre une importance démesurée : Philippe est passé en début de soirée cinq minutes dans une émission de télé régionale pour parler de son entreprise. C'est son principal souci du jour : comment les autres l'ont-ils trouvé ??? Était-il bien ??? Les autres, pour le coup, vont d'abord se conduire comme ils en ont l'habitude : Yolande va le rassurer (entreprise commencée avant le début de la pièce) sans que son avis ait un quelconque intérêt pour lui. Betty va le rassurer tout en mettant le doigt sur un détail - presque- insignifiant : il a bafouillé un instant. Henri va lui mentir puisqu’il a oublié de regarder l’émission et se faire un plaisir d'appuyer sur l'histoire du bafouillage (ça commence à déraper...), la Mère va le rassurer tout en lui reprochant sa façon de s'habiller. Tout ça passe évidemment avant les problèmes des autres (problèmes autrement plus ennuyeux, qui restent en sourdine pendant un temps, mais sont révélés au lecteur).



C'est dérisoire, et c'est un point de bascule pour cette famille qui va faire déraper les échanges verbaux, voler en éclats les non-dits (entre mère et fille, notamment) et bouleverser en partie les relations et les clichés jusque-là établis, tels que "Philippe est parfait", "Henri est un nul", "Betty est une chieuse", "Yolande est une imbécile", entre autres. Cela dit, on n'est pas non plus dans "Festen" : pas de révélation atroce ici. Les dialogues sont à la fois très incisifs et très drôles, mais aussi par moments émouvants. Les personnages, marqués par des caractéristiques très fortes, presque (à dessein) caricaturales, relèvent à la fois du général et de l’individualité. Bacri et Jaoui jouent d'une finesse d'analyse des rapports familiaux que leur humour décapant fait d'autant mieux ressortir. Ils savent parfaitement mettre le doigt là où ça fait mal tout en dédramatisant ces situations qui sont le lot de toutes les familles. On notera en passant les didascalies qui donnent surtout des indications psychologiques, plutôt que des indications scéniques. La justesse psychologique, - voire la démarche psychanalytique, amenée de façon très légère -, c'est ce qui fait tout le sel et toute la réussite de cette pièce.



Alors, bien sûr, avoir en tête le casting du film, qui fut celui de la création de la pièce, c'est la cerise sur le gâteau. Avec une mention spéciale pour Catherine Frot, qui a excellé dans le rôle d'une Yolande a priori un peu bêta, mais qui met juste comme il faut les pieds dans le plat. Avoir son jeu en mémoire ne fait que rendre plus caustique cette pièce que, vous l'aurez compris, je recommande vivement. C'est une petite perle, ainsi que son adaptation cinématographique. Une petite perle qui fait mal... et qui fait du bien.





Challenge Théâtre 2017-2018
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Cuisine et dépendances

Cuisine et dépendances, c'est un peu la pièce jumelle d'Un air de famille, composée cinq ans plus tard. Mêmes auteurs, Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, mêmes types de personnages, et ça tape là où ça fait mal. S'il y est question en partie de famille, pour le coup, ce sont surtout les relations amicales qui sont au coeur de la pièce. Des relations qui vont révéler leurs failles et se déliter bien comme il faut en une seule soirée.





Jacques, Georges, Charlotte et son mari (dont le prénom ne sera jamais prononcé et qu'on ne verra jamais) ont été de grands amis de jeunesse. Enfin, tout dépend du point de vue... Dix ans qu'ils ne se sont plus vus, jusqu'à ce qu'une rencontre inopinée pousse Marie, la femme de Jacques, à inviter le "grand homme" (journaliste, écrivain, et je ne sais plus quoi d'autre ; bref, c'est une sorte de célébrité) et son épouse Charlotte à dîner. Et les voilà tout excités de recevoir un pareil hôte chez eux, et de mettre les petits plats dans les grands, et de se comporter non pas comme des amis mais comme des groupies. Là encore, on ne verra aucun échange entre "le grand homme" et ses anciens amis. Car tout se déroule dans la cuisine, avec des allers-retours incessants, et des dialogues qui vont peu à peu dévoiler tout ce qui fermentait dans ce petit groupe.





Georges, qui vit temporairement chez Jacques et Marie, est considéré comme le chieur de service (bon, vous avez deviné, c'est Bacri qui tenait le rôle au théâtre dès la création). Fred (joué par Daroussin), le frère de Marie, joueur de poker légèrement imprudent, légèrement tapeur, se traîne une image de gamin insouciant et irréfléchi, pas tout à fait fausse, mais dans laquelle l'ont limité son beau-frère et sa soeur. Marilyn, la copine de Fred (qu'on ne verra jamais non plus), n'est qu'un beau cul aux yeux de Jacques. On voit déjà que, tout comme dans les relations familiales, les relations d'amitié sont faussées par des clichés, et que Marie comme Jacques ne cherchent pas tellement à aller plus loin que ça. Ils sont bien trop occupés à essayer de paraître sous leur meilleur jour devant le mari de Charlotte (qui se fout complètement d'eux) - Charlotte, à laquelle ils s'intéressent vaguement en début de soirée, mais seulement parce qu'elle amène une célébrité dans leur salon.





Derrière ces allers et venues, ces échanges à la va-vite constamment interrompus, les tensions sont palpables et font peu à peu surface, uniquement par le jeu des dialogues et de cette mise en scène composée de coupures. Déjà, Bacri et Jaoui avaient l'oeil pour déceler dans la vie ordinaire tout ce qui fait mal et qui ne se dit pas... sauf quand on atteint un niveau de non-dits qui n'est plus supportable, et que l'amitié n'est plus qu'une convenance qui n'a plus de sens (ainsi que, accessoirement, les relations frère et soeur). On reconnaît facilement des situations qu'on a soi-même vécu et on peut être facilement touché par les émotions étouffées qui émergent, y compris chez les personnages les moins sympathiques. C'est drôle et amer à la fois. C'est très drôle. Et au final, c'est très amer... comme parfois l'est la vie.


Lien : https://musardises-en-depit-..
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Cuisine et dépendances

On ne présente plus la pièce, depuis que le cinéma lui a fait les honneurs que l'on sait!



C'est pourtant au théâtre que je l'ai découverte d'abord. Quel régal!

Voilà une comédie qui joue sur le côté off, sur la notion, si théâtrale, de coulisses! En effet, dans la pièce, on ne voit jamais certains personnages, voués à n'être présents que par ce que disent d'eux ceux qui sont admis dans l'envers du décor, la cuisine, soit parce qu’ils en sont les animateurs ordinaires, soit parce qu’ils s’y cantonnent par mortification…



Le spectateur ne voit donc que les préparatifs d’un dîner , et n’entend que le commentaire de ce qui a lieu sur la « scène principale » - le living - qui devient ici, du fait de l’inversion des valeurs et de celle du point de vue, les « dépendances » de la cuisine. Il y a aussi un troisième point de vue qui souvent remet les deux autres en perspective, avec une certaine cruauté, c’est le téléphone..mais là aussi, théâtre oblige, la voix qui appelle n’est décodée que par les réactions qu’elle suscite sur scène..



Présence et absence, cuisine et dépendances…



La comédie peut aussi se voir comme une moderne variation sur l’espace scénique, une mise en abyme amusée du théâtre lui-même où les machinistes s’agiteraient dans les coulisses d’un spectacle partant en vrille, sous l’œil goguenard d’un régisseur dépassé par les événements…



Mais c’est aussi bien sûr une critique de mœurs féroce : celle de la petite bourgeoisie, ridiculement entichée des gloires médiatiques faciles, que tente de ramener à la réalité un contempteur de cette agitation dérisoire- impayable Bacri !- un « père-la-morale-pique-assiette » ….qui n’est pas dépourvu de jalousie ni de contradictions, lui non plus !!



Une comédie brillante et drôle !

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Cuisine et dépendances

En septembre 1991, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri sont, en compagnie de Zabou Breitman, de Sam Karmann et de Jean-Pierre Daroussin sur la scène du théâtre la Bruyère.

Ils sont les auteurs de "Cuisines et dépendances", magnifique pièce qui va rafler 4 Molières en 1992 dont celui du meilleur théâtre privé, du meilleur spectacle comique, du meilleur auteur et du meilleur metteur en scène.

L'Avant-Scène Théâtre la publie, dans son 895ème numéro, dès le mois d'octobre 1991.

Une adaptation est réalisée, réunissant les mêmes interprètes, pour le cinéma.

Le film tiendra l'affiche de longs mois durant. Le succès est total.

Jacques (Sam Karmann) et Martine (Zabou Breitman) ont organisé un repas pour un couple d'amis qu'ils n'ont pas vu depuis une dizaine d'années.

Parmi les invités figurent aussi Fred (Jean-Pierre Daroussin), l'insouciant frère de Martine, sa copine Marilyn que l'on ne verra à aucun moment de la pièce et Georges (Jean-Pierre Bacri), un ami logé temporairement.

Du couple invité, l'on ne verra que Charlotte (Agnès Jaoui), l'épouse frustrée du journaliste vedette de télévision qui a, depuis des années, mis toute son énergie dans la gestion de la carrière de son mari.

La scène représente la cuisine où les personnages viennent se livrer....

Jean-Pierre Bacri, avant d'être un homme de cinéma, est un brillant dramaturge.

Outre cette pièce, on lui doit de nombreuses pièces talentueuses dont une autre écrite en collaboration avec Agnès Jaoui : "Un air de famille" (l'Avant-Scène Théâtre n°956 d'octobre 1994).

Reprise par de nombreuses troupes, amateures ou non, "Cuisines et dépendances" fait, aujourd'hui, partie des incontournables pièces du répertoire moderne et contemporain.

Sa lecture dans ce numéro de "l'Avant-Scène Théâtre", réalisant un gros plan sur des dialogues brillants, réserve beaucoup de plaisir.



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Cuisine et dépendances

Les pièces d'Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri sont des références pour moi en matière de comédies car leur humour s'accompagne de portraits caustiques témoignant d'une époque.

En 1991, ils écrivent la pièce "Cuisine et dépendances" qui sera montée au théâtre l'année d'après puis adapté au cinéma.

J'ai revu le film récemment et cela m'a donné envie de lire la pièce. Il y a peu de différence car il n'y a pas grand-chose à supprimer dans les dialogues. La pièce est uniquement en huis clos (le film contient deux scènes extérieures en ouverture et à la fin) et j'aime beaucoup cette unité de lieu pour les trois actes de ce dîner de retrouvailles ou les langues vont se délier au rythme du passage des convives dans la cuisine.



Martine et Jacques ont invité à dîner d'anciens amis qu'ils n'ont pas vus depuis dix ans, Charlotte qui a réussi dans la presse et son mari devenu présentateur vedette de télévision et romancier. Georges, hébergé provisoirement chez Martine et Jacques, est également présent. Cet ami qui faisait partie de la même bande était très amoureux de Charlotte avec qui il a eu une aventure dans le passé. Arrive Fred, l'envahissant frère de Martine, joueur de poker qui a des soucis d'argent et sa petite amie du moment pulpeuse et aguicheuse.



Si on ne voit rien côté salon, côté cuisine, c'est l'effervescence. Tout le monde s'y croise au rythme d'un dîner interminable et c'est ici que tous vont se dévoiler. La présence du mari de Charlotte, qu'on ne verra jamais puisqu'il reste au salon, fait monter la tension au cours de la soirée car sa notoriété déchaîne des sentiments contradictoires entre soumission admirative et agressivité.

Même si je préfère "Un air de famille" on reconnait bien ici la plume aiguisée et jubilatoire du couple Bacri-Jaoui que j’apprécie.





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Cuisine et dépendances

Cette pièce de théâtre se donne les "coulisses" d'une soirée comme décor. C'est un peu comme si on voyait ce qui se passe derrière les portes qui claquent d'une pièce de boulevard. Cela permet d'avoir le rythme sans la superficialité qu'ont certaines de ces pièces. Il se dit dans cette cuisine ce qu'on ne dit pas en face.



Le fait également que deux des personnages "centraux" et "animateurs" de cette soirée de l'autre côté de la porte ne passent jamais la porte de la cuisine permettent de faire jouer l'imagination, ce qui est plus rare au théâtre qu'à la lecture d'un roman.



J'ai récemment lu un article sur la nouvelle création de la pièce qui regrettait les détails de la pièce qui la rendent un peu datée, moins révélatrice de notre époque actuelle. Elle devient du coup révélatrice de la société des années 90, c'est à l'époque dans laquelle on écrit qu'il faut coller, plus dure de ressembler à l'avenir !



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Un air de famille



La Feuille Volante n° 1295



Un air de famille – Une pièce d'Agnès Jaoui et de Roland Bacri - Un film de Cédric Klapisch.



Ce film tourné en 1996 par Cédric Klapisch est d'abord une pièce de théâtre, portant le même titre, écrite en 1994 par Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui qui sont aussi au générique.



La famille Ménard a quelque chose de traditionnel. « La Mère » (Claire Maurier) est veuve et parmi ses trois enfants Philippe, la quarantaine (Wladimir Yordanoff), marié à Yolande (Catherine Frot), est cadre dans une société d'informatique. C'est le préféré de sa mère, celui qui a réussi, qui prend les décisions pour tout le monde, tandis que Henri (Jean-Pierre Bacri), l’aîné, marié à Arlette, le raté de la famille, s'est contenté de reprendre « Au père tranquille », le café minable, auparavant tenu par son père, sans y avoir fait aucune modification. On y retrouve l'ancien juke-box en panne, la décoration et le mobilier d'un autre âge. Il vivote entre le « plat du jour » à midi et les retraités qui font durer un ballon de rouge tout l'après-midi en tapant le carton. Betty (Agnès Jaoui), la benjamine, qui a du travail grâce à Philippe dans son entreprise, célibataire de trente ans, conserve son indépendance et son franc-parler, ce qui inquiète sa mère. Sa marginalité rebelle face à sa hiérarchie risque de lui coûter sa place mais elle n'en n'a cure, elle reprendra sans doute son errance professionnelle faite de petits boulots et d'allocations- chômage. L'employé d'Henri, Denis, (Jean-Pierre Darroussin) est un peu le souffre-douleur de ce patron sans envergure mais qui cependant ne s'en laisse pas conter et fait valoir sa différence et ses préférences.



C'est le soir du 35° anniversaire de Yolande qui doit être célébré dans un bon restaurant du coin mais l'absence d'Arlette, dont on apprend très vite qu'elle a quitté le domicile conjugal, retarde le départ des convives, ce qui fait que tout se passera « au père tranquille » dans l'improvisation la plus totale. Rapidement, ce qui devait être une réunion de famille annuelle, traditionnelle et surtout paisible tourne à l'affrontement. A propos du passage raté à la télévision régionale de Philippe qui devait y parler de son entreprise, de vieilles querelles familiales ressortent et des disputes éclatent. Denis quant à lui, malgré sa non-appartenance à cette parentèle, fait ce qu'il peut pour donner un semblant de fête à cette soirée ratée. Le côté naturel et naïf de Yolande ressort qui énerve quelque peu son mari qui depuis longtemps ne lui accorde que peu d'importance, tandis que la mère campe exactement l'archétype de la « Belle-mère » et de la mère abusive, faisant ouvertement des différences entre ses enfants. Caruso, le pauvre chien paralysé, qui bien entendu ne dit rien et ne bouge pas, a même de la présence.



La traditionnelle règle du théâtre de l'unité de temps, de lieu est d'action est pratiquement respectée dans ce microcosme et le drame peut éclater, heureusement conclu par un épilogue moins sombre.

Cette œuvre est une évocation très juste de ce qui se passe dans toutes les familles, entre hypocrisies et non-dits, une entente de façade qui dégénère très vite en règlements de compte à propos de rien, ici d'un bafouillage de Philippe devant les caméras ou de sa cravate jugée peu conforme aux vues de sa mère et accessoirement une prise de bec entre Betty, décidément bien en état d'insubordination, et un des cadres de l'entreprise où elle travaille. Ces détails, savamment étudiés et exploités à l’extrême vont entraîner les membres de cette famille dans une sorte de maelstrom révélateur et destructeur.



J'ai trouvé le jeu des acteurs convaincant, les dialogues incisifs, les intonations de voix étudiées, bien dans l'ambiance un peu délétère d'une famille traditionnelle composée de membres qui ne se ressemblent pas forcément et qui ont entre eux d'inévitables désaccords et rivalités. Les différences sociales et familiales sont bien marquées ce qui fait de cette œuvre une satire fort pertinente.









© Hervé Gautier – Novembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]



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Un air de famille

Deuxième pièce du duo Bacri-Jaoui, celle dont l'adaptation cinéma les aura sans doute fait accéder au statut de star des scénaristes. Pourtant, il y a sans doute moins de critique profonde de la société dans son ensemble... mais plus de justesse dans la peinture de cette mini-société qu'est la famille.



Le duo touche juste et drôle. Il n'a pas besoin d'en rajouter, on se retrouve d'emblée dans nos propres réunions de famille, et cette sensation de "famille-arité" touche d'autant plus et déclenche un rire renforcé par le "Nous savons tellement bien de quoi vous parlez". Les rivalités frères et soeurs, parents-enfants, hommes-femmes sont abordées légèrement mais avec réalisme. L'incarnation par les acteurs a également évidemment joué son rôle, j'avais la voix énervée de Bacri dans la tête en lisant les répliques d'Henri, celle totalement désabusée de Jaoui pour Betty, les accents idoto-bourgeois de Frot pour Yolande...



Bref, une réussite qui donne envie de voir ce qu'on arriverait à en faire soi-même sur scène !
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Un air de famille

Jaoui/Bacri, inséparable duo d'auteurs/comédiens!

Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri on écrit la pièce de théâtre "Un air de famille" en 1994. Mais elle est devenue célèbre grâce au film réalisé par Cédric Klapisch en 1996, dans lequel ils jouent.

Comme son titre l'indique, c'est une histoire de famille. Les Ménard se retrouve une fois par semaine, le vendredi, dans le bistrot du frère aîné. Ce soir-là, autour de la mère, on retrouve les fils Henri et Philippe, la fille Betty, la belle-fille Yoyo dont c'est l'anniversaire et Denis, le garçon de café. Dans ce huis clos, la tension va monter tout au long de la soirée en attendant la femme d'Henri, qui annonce au téléphone qu'elle ne rentrera pas.

Les rancunes vont se dévoiler et la soirée tourner aux règlements de comptes.

Ce qui est fort, c'est que ce n'est pas qu'une simple comédie, c'est aussi une satire sociale et Jaoui et Bacri savent trouver le ton juste pour dresser ce portrait familial drôle et sincère.



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Cuisine et dépendances

Belle surprise théâtrale de l'année 2001. Pièce écrite par le très célèbre duo Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri.

3 actes durant lesquels vont se supporter 5 personnages qui s'insupportent mais qui, à la fois, sont unis par l'amitié. Jacues et Marie accueillent pour un diner un couple qu'il n'ont pas vu depuis dix ans.

Et donc vont se succéder dans la cuisine Georges, Charlotte et Fred, l'encombrant beau-frère qui a élu résidence chez Martine et Jacques. Un détail de taille, il est joueur et perd gros au point de chercher à taxer tous les convives de la soirée.

Tous ces personnages vont donc, par duos ou trios, passer de la salle à manger à la cuisine pour décharger leurs rancoeurs. Uns sorte de séance de psychotérapie de groupe.

C'est, évidemment car le couple Bacri Jaoui y va de son talent, très bien écrit. Grinçant et satirique à la fois. Cette pièce est, finalement, une cousine éloignée du "Prénom" et elle fait passer un très bon moment.

Quelle chance nous avons d'aimer le théatre, d'aimer jouer Shakespeare et de lire ou voir des pièces modernes comme celle-ci qui date de 2001

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Un air de famille

Une réunion de famille… qui tourne au vinaigre ! C’est l’anniversaire de Yolande, la femme de Philippe, le fils qui a réussi, le cadre à succès. Henri, lui, tient le bistrot « Au père tranquille » où se retrouvent également sa mère, sa sœur Betty, célibataire endurcie qui n’a pas la langue dans sa poche et Denis, son employé, qui semble aussi bien connaître Betty… Arlette, la femme d’Henri, est partie, mais il ne veut pas le dire…

De remarques acerbes en rancœurs trop longtemps enfouies, les règlements de compte ne sont pas loin, et les gagnants ne sont pas toujours ceux que l’on croit…



Avis :

Un portrait sans concession des réunions de famille où chacun tient son rôle, où les préférences et petites injustice sont monnaie courante et où chacun ne s’intéresse en fin de compte qu’à sa petite personne… Du « JaBa » pur jus ! Magistral !


Lien : https://delicesdelivres.go.y..
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Un air de famille

Réjouissant
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ElleSonParis : Elles chantent et enchantent..

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