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Citations de Agnès de Clairville (27)


Le chat tigré

Le rayon de poussière effleure la table massive. Sa couleur foncée se dore, m'appelle à venir m'étendre là, sur la surface polie par les coudes du fermier, et avant eux par ceux de ses parents, leurs repas avalés matin, midi et soir. La fermière n'est pas en vue, peut-être sarcle-t-elle les haricots verts. Les menottes du bébé papillonnent dans le cosy, au pied de l'escalier. Chacune de mes pattes se détend, puis mon dos et enfin ma queue, comme un s parfait au-dessus de moi. Je suis à ma longueur maximale, toutes griffes sorties afin de débarrasser mes muscles du moindre engourdissement. Je les bande, atterris sans bruit sur la table, me glisse voluptueusement sur son parfum de cire, plonge mes griffes dans la rainure tendre, à la jointure des deux planches coupées par le père du fermier bien avant que je sois né. Mon flanc épouse le bois, révélant les poils fins de mon ventre. Ils prennent le soleil dans le ronronnement que je viens de déclencher, mes paupières alourdies de volupté.

p. 44
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La chienne épagneule

J'aime la chasse ...
On a déjà sauté dans la camionnette.
L'habitacle est empli de l'odeur de poussière chaude. La fenêtre grince. L'air frais porte les parfums de la forêt. L'humidité monte. Elle oblige à mettre le chauffage sur le pare-brise. Je colle mon museau sur l'aération latérale. Je flaire les fougères imprégnées de poils de chevreuil. Les feuilles en décomposition remuées par les sangliers. Mes oreilles se dressent. Les voix des autres chiens sonnent sous la futaie. Grave, celle du braque domine. Les beagles claironnent en cadence. Un setter gémit. A l'arrivée, je saute dès l'ouverture de la portière. On se flaire le cul, on pisse et on repisse sur les flaques. Le braque et le setter grondent et tentent une bagarre.

p. 81
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La vache pie noir.

C'est la jeune qui nous conduit au pré. Elle chante, on trotte en rythme, enivrées par le soleil et le parfum gras du trèfle. Je laisse courir mon mufle sur la croupe de la noire qui me précède. Ça lui chasse les mouches, elle se laisse faire tranquillement, sa queue s'écarte mollement. Quand la fille ouvre le fil électrique du pré empli d'odeurs, la tête me tourne de tant d'herbes tendres, de pâquerettes et de pissenlits. On est une bonne dizaine à se cabrer comme des veaux. La jeune se plante à la barrière, les points sur les hanches. Elle rit toute seule, une herbe à la bouche.
Je ne sais si c'est le pollen, le soleil ou la chanson de la fille. Ou la queue de la noire, ou sa croupe luisante, ou sa tête gentiment tournée vers moi. Dans la joie, je lui monte dessus, elle sent tellement bon elle aussi ! On se frotte, et je retombe lourdement, pas calmée. Après, une autre pie me grimpe aussi, et c'est doux de sentir sa mamelle me frotter sous la queue, comme une démangeaison qui s'apaise et qui renaît. Des papillons tourbillonnent près de la haie, à l'unisson de notre joie. La jeune fille reste un moment à nous observer, son herbe tombée dans le chemin. Quand on va ruminer dans l'ombre de la haie, elle s'en retourne vers la ferme de son pas balancé. Peut-être que la chanson lui trotte encore dans la tête.

p. 98
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La pie.

Il faut se nourrir, être prêts à remplir dare-dare le premier bec de poussin grand-ouvert, qui ne tardera pas. Ils choisissent le jour parfait, sans prédateur à l'horizon, sans arme pointée sur notre repaire. Ils émergent l'un après l'autre des coquilles vert moucheté, mes petits amours trempés de glu, hurlant leur envie de grandir, de vivre et de voler. À partir de l'éclosion, je ne me préoccupe plus que d'eux. Je harcèle Pico pour qu'il accélère le ravitaillement des troupes. Notre survie l'accapare. La journée passe à tire-d'aile, Pico prend le relais, et je pars à la recherche du fricot. Il faut aussi reprendre des forces entre-temps.

p. 243
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Tout se révèle, tout prend enfin un sens. Ces années à me cacher l'évidence. L'engourdissement qui me saisit quand un film ou un livre me rend témoin d'un abus sexuel, d'un viol.
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Rien de grave. Bien sûr.
C’est aussi ce que je disais à Maman.
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Incipit :
J’ai.
J’ai.
J’ai-quelque-chose-de-pointu-qui-me-rentre-dans-le-cul-qui-m’empêche-de-marcher.
J’ai.
J’ai.
- PLUS FORT ! gueule un deuxième année immense et roux, une bière à la main, tout près de mon oreille.
Alors je crie moi aussi.
J’AI-QUELQUE-CHOSE-DE-POINTU-QUI-ME-RENTRE-DANS-LE-CUL-QUI-M’EMPÊCHE-DE-MARCHER.
J’AI.
J’AI.
Je n’essaie pas d’éviter les paquets de farine et d’huile qui me tombent dessus. J’avance d’un pas saccadé. Le garçon qui me précède me tire vers lui, sa main droite rencontre ma main gauche au niveau de son entrejambe.
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