Alain Claude Sulzer - Post-scriptum .
Alain Claude Sulzer vous présente son ouvrage "Post-scriptum". Parution le 7 septembre aux éditions J. Chambon. Rentrée littéraire 2016. Traduit de l'allemand par
Johannes Honigmann. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/sulzer-alain-claude-post-scriptum-9782330066567.html Notes de Musique : No Love Song by Berlinist. Free Music Archive. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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Il voulait changer de vie. Il voulait devenir acteur, puis il voulait de nouveau devenir enseignant, il voulait tirer un trait sur la vie qu'il avait menée jusque-là, puis il voulait de nouveau suivre les voies toutes tracées. Il voulait à la fois obéir et déplaire à ses parents. Il se sentait traqué par son propre regard et par celui des autres. (p. 161-162)
Un peu plus tard, il remarqua un chien au court pelage caramel qui l'avait suivi sans qu'il y prenne garde. Il semblait n'appartenir à personne et il avait très envie d'être caressé. Il était évident que ce n'était pas un aboyeur comme les chiens du coin et qu'il ne cherchait pas à mordre. Il se contentait de le regarder en remuant la queue. Edmond réprima son premier mouvement de lever sa canne pour le chasser. Il avait lu dans le regard du chien quelque chose qui lui rappela Jules, une frustration, une tristesse, une prière aussi.
Combien d'années cette photo avait-elle été posée là sans que je lui jette le moindre coup d'oeil, combien de milliers de fois étais-je passé devant, depuis que j'occupais cette chambre, sans y prêter attention, de combien s'en était-il fallu que je la range quelque part avant de l'oublier ? Mais soudain, la photo de mon père échappait à cette indifférence qui frappait
l'ours en peluche lui aussi posé sur l'étagère et qui avait jadis bénéficié de toute mon affection et de toute mon attention. (...)
La photo était sans commencement et sans fin. Mais ce mercredi après-midi, elle me montrait quelque chose que je ne connaissais pas. Je ressentis la perte d'un homme que je n'avais jamais rencontré. (p. 14-15)
Quelqu'un qui aurait observé ces deux hommes qui discutaient avec de grands gestes de choses que personne à part eux n'entendait les aurait tenus exactement pour ce qu'ils étaient ; des amis ou des frères qui s'entendaient bien; des frères, certes, mais avant tout des Poètes ! Des explorateurs ! Des amoureux des mots ! Des chercheurs, des connaisseurs avertis des valeurs sûres et du poids de la formulation la plus franche, la plus fleurie, la plus pointue, la plus exacte, pour chaque chose, chaque émotion, chaque matière, bref chaque manifestation du monde visible et invisible.Un seul mot suffisait rarement, les couleurs étaient mélangées sur une palette fictive jusqu'à trouver le ton souhaité.
( p.10)
Edmond écrit dans le Journal ( Année 1870 , mercredi 22 juin) :
« M’interrogeant longuement, j’ai la conviction qu’il est mort du travail de la forme, à la peine du style. Je me rappelle maintenant, après les heures sans repos passées au remaniement, à la correction d’un morceau, après ces efforts et ces dépenses de cervelle, vers une perfection, faisant rendre à la langue française tout ce qu’elle pouvait rendre et au-delà, après ces luttes obstinées, entêtées, où parfois entrait le dépit, la colère de l’impuissance ; je me rappelle aujourd’hui l’étrange et l’infinie prostration avec laquelle il se laissait tomber sur un divan et la fumerie à la fois silencieuse et accablée qui suivait. »
Il ne croit pas qu'elle puisse découvrir un jour le pot aux roses. Entre eux s'ouvre une abîme infranchissable. L'objet qui semble les souder est en réalité la lame qui les sépare. Il n'est pas n'importe où en pensée, mais exactement là où il veut être. Il ne vagabonde pas, il est concentré sur quelque chose d'autre que sa femme.
La porte qui menait finalement à la liberté, c’était lui-même qui l’avait ouverte
Il n'avait pas l'oreille absolue, il n'avait, au mieux, qu'un certain rythme, dont il ne pouvait faire la démonstration que lorsqu'il dansait. Il vieillirait et rien en lui ne mûrirait comme chez les virtuoses du piano et du violon, sauf son désir d'avoir un talent qui n'était pas donné à tout le monde, surtout pas à lui.
Sebastian va lui écrire. Il suffira de peu de mots. De sa plume en jailliront beaucoup. Il ne les retiendra pas. Les mots ne sont même pas utiles. Il suffira d'une feuille blanche, d'une ligne, d'un point. Il ne lui écrira pas comment passent les journées, mais qu'elles ne passent pas. (p. 207)
En ne l’ouvrant pas, il arrêtait le temps. [...] Il pouvait les compter sur les doigts les lettres qu’il avait reçues au cours des dix dernières années ; les clients n’écrivaient pas, les collègues s’adressaient à tous collectivement, quant aux amis, il n’en avait pas.