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Critiques de Alain Ehrenberg (24)
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La fatigue d'être soi : Dépression et société

« La fatigue d’être soi », est un essai de Alain EHRENBERG. Ce sociologue se questionne, de manière très référencée pour le non spécialiste que je suis, sur les rapports liant la Dépression et la Société. Alain EHRENBERG dirige le groupement de recherche « Psychotropes, Politique, Société. « La fatigue d’être soi » est le troisième volet d’une recherche qui, après ‘Le Culte de la performance’ et ‘L’individu incertain’, s’attache à dessiner les figures de l’individu contemporain.

Ainsi donc, l’homme contemporain serait un être fatigué. Pas là vraiment de quoi écrire un bouquin de 414 pages, notes bibliographiques comprises. Mais l’auteur précise l’objet de la fatigue : Notre société est le cadre de vie de l’homme fatigué de devoir ’être lui’ !

Sans entrer dans les multiples nuances qu’il apporte à ses propos, l’auteur nous invite à retenir que, historiquement, l’humain à chercher à s’affranchir de tout autre souverain que lui-même. Ne plus dépendre ni d’une religion, ni d’une morale sociétale, ni d’une famille, ni d’un patron …. Ne plus avoir de Lois, de préceptes, de commandements autres que les seuls décidés et revendiqués par l’individu. Telle est la quête de nombreux humains qui se cherchent et se veulent seuls maîtres à bord d’eux-mêmes.

Avant, il existait une vieille tradition de conseil de vie qui formait l’opinion, qui traçait la voie à suivre. Que ce soit au travail, dans les familles, les milieux de formation de la jeunesse, les mouvements religieux ou laïques, les almanachs populaires et même la presse féminine qui pourtant se revendiquait d’être un vecteur d’émancipation, toujours la voix qui y parlait était d’Autorité ! « Le directeur de conscience sait ce qu’il doit enseigner à l’ignorant. Son style est donc prescriptif : voilà quel est le problème, voilà ce que vous avez à faire. » De plus, cette direction de conscience reposait largement sur une vision collective de la vie. Cette dernière était destinée à créer les conditions pour que chacun y tienne le rôle qui lui était assigné (bonne épouse, bonne mère, bon chef de famille, bon étudiant, bon petit scout…) Chacun ‘bien propre sur lui, au-dedans de son esprit comme au-dehors’ ! L’envie (ne parlons même pas de besoin) de dévier de la destinée et de chercher comment il pourrait basculer pour vivre un envers était signe de dérèglement. Le déraisonnable était une faute et engendrait une culpabilité ‘bien naturelle’. Celui qui prétendait le contraire était déviant, pervers … et tant pis pour lui s’il était névrosé ou dépressif.

Dans cette vue traditionnelle, la question du consultant auprès du spécialiste était : Que dois-je faire pour être mieux ? La réponse enfonçait le même clou : C’est en faisant son devoir (pour le bien collectif) qu’on se sent heureux ! Dans notre société moderne, la question du ‘Que faire’ doit être précédée de la question du ‘Qui suis-je’ puisque le bonheur ne s’obtient que par une mise en conformité de mes désirs profonds.

Les années 1970 ont été un temps charnière dans cette recherche de propriété de sa propre vie. Mais l’homme souverain, seul semblable à lui-même n’est plus unique, il est devenu masse. Pour tous, il n’y a rien au-dessus de chacun qui puisse dicter une conduite à suivre. L’homme devient donc un maître absolu mais sans boussole, sans cap, sans maître de référence, ni dans le temps, ni sur le lieu. Il doit donc porter l’entièreté de la responsabilité de ses choix et de son devenir. La pression augmente sur lui, sur son moi intime. Tout le monde revendiquant la même liberté de se faire comme il veut fait naître une pression sociétale qui pèse, elle aussi sur chacun des individus. Lorsque l’individu est son propre souverain, il ne peut s’identifier à personne d’autre mais, en tant que souverain, il devra justifier ses exigences faces aux autres, tous tout aussi souverains que lui.

Comment, dès lors, une personne pourra-t-elle s’identifier aux autres et les comprendre alors qu’elle n’aura pas pu construire sa propre identité ? Là est un des nœuds, plus que serré, que la personne dépressive se doit de dénouer. La dépression est donc une pathologie narcissique. Non pas que le déprimé se complaise à se mirer mais, tout au contraire, il ne peut trouver l’image de lui-même dont il a besoin pour exister, cette image n’a pu se construire faute de référents. Le déprimé est donc prisonnier d’une image invisible, donc sans défaut apparent, parfaite, ce qui le pousse à se sentir et se déclarer inapte à faire et incapable d’être. Bonjour tristesse ! La personnalité dépressive est une personnalité ‘adolescente’ qui, par manque de frustrations (elle revendique de pouvoir tout obtenir comme elle le veut) en devient incapable de prendre une place digne dans la société, ce qui entraîne fragilité, précarité, culpabilité et impossibilité pour elle de s’imaginer pouvoir s’ancrer dans une identité co-construite en interrelation avec le monde.

Mais ce serait une erreur de penser que la personne déprimée est coupable parce que (seule) responsable. Elle est, aussi, victime. La société a changé. Quel que soit le domaine (entreprise, famille, école …) les règles ne sont plus les seules obéissance, discipline et conformité à la morale. On veut partout de la flexibilité, du changement, de la réactivité qui imposent à chacun une maîtrise de soi qui devrait donc, faute de possibilité d’apprentissage, être innée. Ajouter l’exigence de souplesse psychique et affective à toutes épreuves, le tout dans un monde qui n’a de permanent que le changement et donc où existe une grande difficulté à se doter d’une visée, d’une trajectoire à suivre… vous ferez l’expérience de la quadrature du cercle du développement de l’identité. Comment, dans un tel contexte institutionnalisé, les plus faibles, les plus fragiles pourraient-ils ne pas être et ne pas se sentir relégués au banc des coupables, des faibles, des inutiles… des déprimés ?

Face à de telles réalités, l’individu n’est plus inscrit dans un monde durable, une nature référentielle, face à une Loi supérieure à lui-même, impersonnelle et donc la même pour tous. Alors comment répondre aux questions ‘Que faire ?’, ‘Est-ce possible ?’, Est-ce juste et bon ?’ ‘Et pour qui ?’ ‘Et moi, qui suis-je pour répondre à ces questions dont les réponses devraient être des balises pour avancer sans m’enfoncer ?’ On le voit, l’individu souverain a bien des raisons d’être déprimé, se sachant dépendant dans une société qui le pousse à ne pas le reconnaître.

La richesse de cet essai proposé par Alain EHRENBERG est-elle de ne pas apporter de réponses toutes faites aux questions qu’il soulève ? En ne répondant pas l’auteur est, en tous cas, dans l’air du temps. Mais le message délivré est peu discutable. Le ton, les exemples donnés et les références citées ne laissent aucun doute. L’individu ne peut plus se voir imposer des directions de consciences qui nient son droit d’être mais il doit chercher des réponses dans la confrontation, la complémentarité avec les autres pour pouvoir devenir ce qu’il doit être, un individu collectif au sein d’une société !

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La mécanique des passions

J'avais choisi ce livre pour tenter de comprendre les rouages psychologiques qui ont conduit l'homme occidental à devenir ce qu'il est aujourd'hui : un individualiste (égoïste) grégaire, si contradictoire que cela puisse paraître. Il m'intéressait d'aborder un point de vue plus sociologique que purement psychologique, ayant par ailleurs défriché l'empire des sciences cognitives du point de vue de l'un de ses pionniers, le psychiatre américain Aaron Beck.

Même si les idées développées m'ont semblé pertinentes, je conserve un sentiment d'inabouti. Ce livre est pour moi une excellente introduction à la problématique, mais cette dernière doit encore être creusée.
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La fatigue d'être soi : Dépression et société

Je me posais la question de savoir si dans cet essai il est accepté que la dépression possède des causes sociales, en relation avec la métamorphose néolibérale de l'individualisme. Je pense que la réponse est positive, et de plus il est posé un lien très intéressant entre dépression et addictions. La thèse du livre est entièrement résumé dans l'introduction [cf. en particulier cit. 1 et 2].

Pour le reste, je regrette vivement que l'ouvrage ne consiste que de façon absolument minime (environ 2%) en un essai de sociologie, la partie restante étant une histoire intellectuelle de la définition-perception de la dépression en psychiatrie, en psychanalyse et, de manière prépondérante depuis la découverte des molécules psychoactives, en pharmacologie. Mis à part le premier chapitre d'intérêt général, qui retrace l'histoire les ancêtres de la dépression que furent la mélancolie du XVIe siècle, la neurasthénie du XIXe et la dialectique entre Pierre Janet et Sigmund Freud au début du XXe, si les autres chapitres sont passionnants pour le psychiatre qui recherche l'évolution de sa discipline avec tous ses débats français et américains représentés par les noms de ses nombreux confrères cités que le profane ignore complètement, le sociologue ronge le frein en ne trouvant çà et là que quelques anticipations à des contenus toujours reportés et qui en fin de compte se soldent par peu de substance et pratiquement aucune démonstration. [Il me semble que mes cit. suffisent presque à les résumer entièrement...] Quant aux chap. (surtout le V et le VI) consacrés à l'influence de la recherche pharmacologique sur la compréhension de la dépression, ainsi que sur le DSM – III, ils sont très clairs mais absolument dépassés. Le pire défaut du livre, me semble-t-il, est de ne pas avoir tiré les conséquences, sociologiques précisément, du constat (chap. VII) que la notion de guérison s'avère inappropriée à la dépression (et aux addictions), et que la pharmacopée n'a pas tenu ses promesses initiales. La réponse en termes de « nostalgie du sujet perdu » et de métamorphose de la subjectivité m'apparaît là faible et assez inadéquate.
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La mécanique des passions

Depuis une décennie, je m’intéresse au cerveau. Comment se fabrique la mémoire ? Où se trouve le siège de la douleur ? Comment puis-je suivre le cheminement d’une idée, d’une pensée, d’une émotion ? Comment est-ce que je reconnais une forme, une couleur, une odeur ? Est-ce que le cerveau est la fabrique d’une réalité qui m’est propre mais pas celle de mon voisin ?

Dans cet essai, l’auteur mentionne que le cerveau est un système évolutif en constante transformation. Malgré cette aptitude, la souffrance psychique et la santé mentale sont un enjeu majeur de santé publique mondiale. Les pays occidentaux en sont les plus concernés. A l’heure actuelle, il n’est plus possible d’isoler le cerveau de l’esprit. La neurologie et la psychanalyse sont les deux faces d’une même pièce. On ne peut pas non plus opposer le cerveau et le corps, l’individu à la société, la nature de l’homme et sa culture, le matérialisme et le spirituel, le visible et l’invisible.

C’est un essai instructif et fascinant qui développe la modernité, les aspects moraux et sociaux de l’individu (compétence sociale et savoir-être. Alain Erhenberg, sociologue, fait appel à Antonio Damasio, médecin et professeur en neurosciences pour appuyer son propos, ainsi qu’Oliver Sacks, médecin anglais. Nous découvrons ainsi qu’une lésion dans une partie du cerveau peut conduire à une perte d’autonomie, de compétence de l’individu. L’auteur rapporte le cas de patients ayant perdu leur savoir social suite à un accident mais aussi de patients autistes. Ces pathologies peuvent permettre de comprendre le handicap social. L’homme crée sa personnalité, sa valeur dans une société qui n’est malheureusement pas adapté au foisonnement des individualités. La société est normée. Les relations sont complexes et multiples.

L’évolution de l’étude du cerveau, des comportements et de la société préoccupent les scientifiques depuis l’après Seconde guerre mondiale. La biologie a découvert que le cerveau se divise en zones aux fonctions différenciées. L’imagerie cérébrale apporte aussi sa contribution en cartographiant ces zones. Les scientifiques ont découvert la plasticité de notre cerveau. Toutes ces découvertes sur le cerveau ont permis de développer des thérapies comportementales et cognitives. Il y a même des programmes de réalité virtuelle !

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La société du malaise

Comment me positionner devant un essai qui m'a beaucoup appris, qui m'a fait intensément réfléchir, dont la densité et l'envergure ont été autant un fardeau qu'une vraie source de satisfaction, dont j'approuve la plus grande partie des contenus, dont j'admire la méthode comparatiste mais réprouve fortement la thèse et les conclusions ?

À la fin de l'introduction (cf. cit. 2) l'auteur affirme que la question fondamentale n'est pas de savoir quelle est la cause des pathologies psychosociales, et le fil rouge de sa démonstration consiste à affirmer que la recherche d'une cause sociale et politique à une certaine souffrance psychique est une erreur épistémologique franco-française liée, pour faire vite, à notre antilibéralisme. L'usage d'une psychanalyse qui, selon l'orthodoxie freudienne (tardive puisque issue du Malaise dans la civilisation (1929) qui, nous le savons, dérivait d'une polémique avec Wilhelm Reich...), sert à soigner des pathologies d'origine strictement individuelle et non sociale (la psychologie sociale ne fonctionnant que « par analogie »...) pour appréhender des maladies psychiques qui, de toute évidence, sont corrélées avec le néolibéralisme et particulièrement avec l'évolution de la notion d'autonomie, serait pour l'auteur abusif et culturaliste, c-à-d. lié à des contextes nationaux, issus de leur propre histoire intellectuelle, ainsi que des contingences économiques, politiques, et de réception et pratique de ladite psychanalyse. De surcroît, la critique du néolibéralisme comme idéologie entraînant la destruction des liens sociaux impliquerait nécessairement un passéisme réactionnaire nostalgique d'une société hiérarchique – l'individualisme serait opposé à la hiérarchie – ainsi qu'un utopisme paralysant s'opposant à une conception pragmatique de la politique qui consisterait à résoudre des problèmes concrets par des actions spécifiques.

Or la clinique est là. Aussi bien en France qu'aux États-Unis, et malgré une compréhension parfois opposée que l'on a dans ces deux pays des problématiques de l'autonomie, de la liberté, de l'égalité, de l'individualisme, les psychopathies narcissiques se sont multipliées depuis les années 1980... Et les maladies psychiques, quel que soit la qualification qu'on leur donne – malaises, psychopathies sociales, etc. – appellent une quête de sens et une étiologie, de la part des patients comme des thérapeutes et de la société tout entière. Donc, si, la question fondamentale demeure celle de l'origine des maladies psychiques. L'anthropologie des sentiment et en particulier de la souffrance de David Le Breton, dont je découvre qu'elle provient à l'origine de Marcel Mauss (1921), l'ethnopsychiatrie de Tobie Nathan et d'autres centres d'intérêts miens m'ont habitué à une perspective très ouverte dans la recherche du sens que les civilisations associent justement aux troubles mentaux. Je suis donc ravi qu'un tel exercice d'anthropologie comparée, concernant la France et les États-Unis, ait été effectué de façon aussi approfondie dans ce volume.

Je suis simplement perplexe qu'un sociologue qui s'est si longuement occupé d'addictions, phénomène s'il en est où l'impasse ne peut être faite sur les causes sociales de la pathologie « comportementale », qui est l'auteur d'une bibliographie dont tout laisserait penser qu'elle est fondée sur la causalité sociale des psychopathologies, dont le dernier essai ne m'a pas donné l'impression d'un tel refus de critique du libéralisme... semble avoir opéré, dans cet ouvrage-là, un étrange revirement... Je pense en particulier à son essai : La Fatigue d'être soi – Dépression et société (1998) ; voici ce qu'on peut lire dans la note n° 78 p. 276 de La société du malaise, dans le contexte de l'analyse du caractère pathogène du capitalisme néolibéral par l'auteur allemand Axel Honneth dont l'auteur prend ses distances : « Honneth fait très aimablement référence à mes travaux et je lui dois la traduction en allemand de mon livre sur la dépression pour laquelle il m'a honoré d'une préface. Il y a un malentendu, sans doute dû à des formulations hâtives de ma part, qui porte sur le point suivant : les symptômes ne sont pas causés par la société, selon moi, alors que Honneth pense l'inverse. » Cela mérite d'aller voir dans ce très célèbre ouvrage si je commets la même bévue que Honneth ou bien si Ehrenberg était à l'époque moins libéral qu'en 2010...







Table [avec quelques commentaires et renvois aux cit.]



Introduction : « Le tournant personnel de l'individualisme : malaise dans la civilisation ou changement de l'esprit des institutions ? » :



- L'autonomie et la subjectivité : sociologie individualiste et sociologie de l'individualisme. [La problématique de la souffrance psychique est liée à la représentation de l'autonomie, laquelle n'est pas universelle, mais liée à un discours psychologique, d'Histoire intellectuelle, sociologique contextualisé. Cf. cit. 1]

- Domaine d'enquête : les pathologies de l'idéal

- Démarche : la manière américaine et la manière française de nouer afflictions individuelles et relations sociales troublées

- Les sujets qui fâchent : problèmes de vérités et problèmes de critères [cf. cit. 2]



Première partie : « L'esprit américain de la personnalité » :



Chap. Ier : « L'inquiète confiance du self : de l'individualisme moral au caractère américain » :



- Puritanisme, libéralisme, romantisme : la triple fondation du self américain [Tour d'horizon d'Histoire intellectuelle américaine].

- La première crise de l'individualisme américain : personnalité, psychologie, psychothérapie. [Histoire de la réception de la psychanalyse en Amérique et de son évolution. Cf. cit. 3]



Chap. 2 : « L'ego psychodynamique de la psychanalyse américaine » [Approfondissements sur la psychanalyse américaine] :



- Retour en Europe : le modèle de la névrose est-il suffisamment bon ?

- La Psychologie du Moi ou le retour à Freud de la psychanalyse américaine



Chap. 3 : « D'Œdipe à Narcisse : la crise de la self-reliance » [Quand de nouvelles formes de souffrance psychique émergent aux États-Unis et comment elles sont appréhendées : épidémiologie, épistémologie, sociologie et sa critique] :



- La jérémiade américaine ou les habits neufs de l'ascétisme puritain

- La forme américaine de l'inquiétude individualiste [cf. cit. 4 et 5]





Seconde partie : « L'esprit français de l'institution » :



Chap. 4 : « Le sujet de la psychanalyse française » :



- Les exemplaires complexes de Lacan : psychologie collective ou sociologie ? [Comment la psychanalyse lacanienne peut être « détournée » en une psychologie collective que l'auteur conteste]

- Les pôles du débat psychanalytique français

- La psychanalyse française comme métasavoir : profession, culture de masse, politique [La fortune du paradigme psychanalytique en France, ses questions professionnelles et son intrication politique. Cf. cit. 6]



Chap. 5 : « De l'autonomie comme aspiration à l'autonomie comme condition » :



- De l'individualisme politique à la société individualiste (1789-1980) [L'individualisme fondé par la Révolution, dans la pensée politique française et dans son Histoire intellectuelle]

- Le virage vers la subjectivité ou l'alliance du thérapeute et de l'entrepreneur [Sur le nouvel esprit d'action. Cf. cit. 7]



Chap. 6 : « Le malheur de l'horizontalité ou les habits neufs de l'idée républicaine » :



- Un monde sans limites [Freud qui se méfia de la psychanalyse sociale – comme l'auteur – n'est pas écouté en France où l'on verse dans la « psychanalyse du lien social » et l'on opère un « glissement du pathogène au normatif ». Cf. cit. 8]

- La crise du symbolique et le déclin de l'institution : la société perd-elle son autorité ? [Problématique de la perception du déclin de l'institution, contestée par l'auteur. Cf. cit. 9]



Chap. 7 : « Le travail, la souffrance, la reconnaissance » [Le travail, premier cas d'étude de la souffrance sociale en France] :



- La dénonciation passionnée : le juste et l'injuste [Critique de l'auteur, d'après Arendt, de la « compassion », comme réponse à la souffrance au travail, et problème de la reconnaissance comme source de malaise]

- La matière de l'action : la qualité de vie, le stress et le risque psychosocial



Chap. 8 : « La précarisation de l'existence : les nouvelles donnes de l'inégalité entre santé mentale et politique » [La précarité et les malaises de l'activation, second cas d'étude de la souffrance psychique] :



- La clinique psychosociale : restaurer la puissance d'agir face au malheur néolibéral [cf. cit. 10]

- La crise américaine de la pensée sociale française [cf. cit. 11]



Conclusion : « Les affections électives ou l'attitude individualiste face à l'adversité »



- Libéralisme américain et antilibéralisme français

- Pour bien comprendre l'individualisme penser d'abord hiérarchie

- La santé mentale, un traitement individualiste des passions.

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La mécanique des passions

Succédant au récit psychanalytique qui a animé la compréhension du psychisme humain au XXe siècle, les neurosciences, par un discours qui marque un retour à la biologie cérébrale (scientisme) et das le cadre d'une organisation sociale apparemment moins verticale et plus ancrée vers l'attente de l'autonomie et des choix personnels, aspirent à fournir à terme des explications de la même envergure. Mais le sociologue déconstruit ici les présupposés idéologiques qui les sous-tendent : d'abord l'individualisme libéral conjugué à une exhortation à se prendre en charge, que l'on soit sain ou atteint de psychopathologie y compris les plus graves, compte tenu du postulat que le cerveau de chacun, grâce à la plasticité synaptique, possède toujours un potentiel caché. Cette exhortation, qui est en réalité un appel à perfectionner son être moral à travers une cognition des comportements sociaux (« compétences sociales »), s'adresse à tout le monde, dans la mesure où nous sommes tous victimes des « biais cognitifs », et nous possédons tous un potentiel d'« empathie » à développer, lequel revêt à la fois une valeur individuelle et collective. La tentative de modéliser l'ensemble du cognitif, au niveau du cerveau individuel et de l'intelligence collective, donc des comportements sociaux, grâce notamment aux outils informatiques s'appliquera(it) à terme autant à la thérapeutique des pathologies psychiques-mentales qu'au contrôle et à la « réhabilitation » des déviants...

Mais Alain Ehrenberg ne pousse pas son analyse jusqu'à la critique : ni de l'idéologie sous-jacente ni des éventuelles conséquences politiques qu'un tel développement des neurosciences pourrait entraîner. Avec beaucoup de nuances aussi bien dans le tour d'horizon sur l'histoire intellectuelle de l'individualisme que sur le cheminement des différentes recherches en neurosciences, il se limite à son travail de sociologue, qui met en lumière les significations et le mécanismes occultes des notions implicites et des aspirations inexprimées. Et cela, dans la « mare magnum » du développement personnel qui nous entoure et noie de toute part, est déjà œuvre héroïque...







Table [avec quelques commentaires et les renvois aux cit.] :



Introduction : « La nouvelle science du comportement humain » :

- De la psychanalyse aux neurosciences, d'un climat de la modernité à l'autre

- Les neurosciences cognitives en tant qu'autorité morale : quels idéaux de la modernité ? Quel individualisme ? [cit. 1]

- Le programme.



Chap. Ier : « Des cerveaux exemplaires. Des malheurs du sujet pratique à l'héroïsme du potentiel caché » :

- Les malheurs su sujet pratique [les neurologues étudient les premiers cas de lésions cérébrales entraînant des dysfonctionnement comportementaux et/ou émotionnels]

- Les cerveaux du potentiel caché ou la démocratisation de l'exceptionnel [cf. les études de cas par Oliver Sacks, et l'évolution de la vision de l'autisme]



Chap. 2 : « Méthode scientifique et idéal individualiste. La conversion des passions des Lumières écossaises au nouvel individualisme » :

- La mécanique de la conversion des passions : l'individu ordinaire comme homme d'action créateur de valeurs [Rousseau vs. les Lumières écossaises ou le surgissement de l'individualisme moderne]

- De l'ingénierie sociale à l'accomplissement de soi (1900-1970) : les trois âges du comportement [cf. cit. 2]

- Un homme de décision choisit librement : introduire la subjectivité et l'activité [cf. cit. 3]

- La "Révolution cognitive" ou le scientifique en modèle de l'intelligence ordinaire



Chap. 3 : « Le cerveau-individu, une physiologie de l'autonomie » [les principales avancées des neurosciences, de la neurologie à la neuropsychologie au cognitif] :

- Un "retour" du sujet en version biologique ?

- Individualisation : du cerveau-réactif au cerveau-agent

- La désindividualisation du cerveau dans l'espace matriciel des neurosciences [cf. cit. 4]



Chap. 4 : « Les neurosciences sociales ou comment l'individu agit avec les autres » :

- La nécessité du social [introduction du concept de "compétence sociale" et son articulation avec "l'empathie"]

- L'économie comportementale, une psychopathologie cognitive de la vie quotidienne [la "maîtrise des contingences de la confiance", la notion de "biais cognitifs" et celle de "coup de coude (nudge)" : « un mécanisme pour changer de comportement sans avoir à changer l'esprit »]



Chap. 5 : « Les exercices de l'autonomie : des rituels individualistes pour refaire son être moral ? » [cf. cit. 5] :

- La cognition sociale, axe du devenir-individu des schizophrènes

- Rétablir la cognition sociale ou comment faire de l'individu l'agent de son propre changement

- Informatique émotionnelle et machine partenaire [cf. cit. 6]

- Le biologique, le psychologique et le social : agir sur les circuits neuronaux ou trouver une forme de vie acceptable ? [Analyse des trois explications, culminant sur « Les limites de l'explication neurobiologique forte : un oubli du langage ? »]



Chap. 6 : « Suis-je malade de mes idées ou de mon cerveau ? Neurosciences et connaissance de soi » :

- Le perfectionnisme moral, une philosophie de la transformation personnelle

- Les causes et les raisons : les dilemmes de l'une et l'harmonie de l'autre

- L'enclos du cerveau : qu'est-ce que cela fait d'être quelqu'un ? [cf. cit. 7]



Conclusion : « La place du cerveau. De l'homme neuronal à l'homme total » :

- Le récit de l'individualisme : une chambre d'écho de nos idéaux capacitaires

- Usages ordinaires et connaissance pratique : réformer l'homme neuronal par l'homme total.





Cit. :





1. [La thèse de l'ouvrage] : « […] En suivant le fil conducteur du problème cerveau/comportement, les neurosciences et les sciences comportementales-cognitives sont abordées comme un des grands récits de l'individualisme contemporain, qui met en jeu une anthropologie de l'action, centrée sur les aspects pratiques de la vie sociale et personnelle, et qui transfigure dans des jeux de langage scientifique une des représentations collectives les plus communes, possédant donc la plus haute valeur, de la société de l'autonomie, celle du potentiel caché. » (p. 21)



2. [Les avatars du « béhaviorisme »] : « Le mot "comportement" a connu trois moments entre son introduction et les années 1970. Le premier est représenté par le béhaviorisme dont la question clé, symbolisée par la polarité stimulus/réponse, est de comprendre comment un être humain est façonné par son environnement. Le deuxième temps est celui de l'émergence des sciences sociales du comportement (Behavioral Social Sciences) au cours des années 1940, pour lesquelles il s'agit, à l'inverse du béhaviorisme, de saisir la façon dont l'individu façonne son environnement par ses choix, ses décisions, son intelligence, sa rationalité tout en restant façonné par lui, ce qu'on appellera en bref son système cognitif. […] Le troisième temps est marqué par l'intégration dans la psychologie scientifique du nouvel individualisme émergeant au cours des années 1960 : la régulation du comportement s'infléchit vers l'autorégulation. Il ne s'agira alors plus de diriger la conduite de l'individu, mais de lui permettre de se rendre compétent de telle sorte qu'il puisse s'accomplir efficacement dans ses choix en adoptant activement une ligne de conduite personnelle. L'autorégulation est une régulation du comportement reposant sur l'idée que l'individu est l'agent de son propre changement. » (p. 86)



3. [Connotations politiques de l'autonomie] : « L'acteur stratégique rationnel, caractérisé par le souci de son intérêt personnel, égoïste ou altruiste, devient la figure centrale à partir de laquelle les concepts des Lumières et les problèmes de gouvernement de la société sont reconfigurés : il s'agit de trouver un fondement scientifique à la nature humaine en en découvrant les lois. La fuite en avant vers le scientisme recouvre un idéal politique visant à ancrer plus fortement les idéaux démocratiques : des lois du comportement (libre) doivent pouvoir mieux résister aux assauts du totalitarisme que les vieux concepts politiques des Lumières, comme la sympathie ou la société civile – la société de la civilisation des passions. La théorie du choix rationnel est ainsi au cœur d'une changement de sensibilité où l'individu se construit moins par l'environnement qu'il ne le façonne lui-même, avec les moyens du bord. Elle s'applique à l'action individuelle comme à l'action collective. » (p. 99)



4. [Le « cerveau fait individu »] : « […] Cette perspective s'est déployée dans un double mouvement d'individualisation et de désindividualisation du cerveau. L'axe qui va de la neuropsychologie à la plasticité synaptique l'a individualisé sur le modèle de l'unicité de chaque être humain et, ce faisant, a modifié son statut épistémologique en l'élevant au rang d'une quasi-entité personnelle. Le cerveau est, on le constate, personnifié, mais plus précisément il est personnifié selon les modèles sociaux les plus valorisés dans la société, celui du scientifique ou du chercheur (qui vérifie ses résultats) ou de l'entrepreneur et de l'homme d'action (qui doit prendre des décisions en permanence). […]

L'axe de la matrice cerveau-esprit l'a, au contraire, désindividualisé en élaborant un cerveau populationnel, probabiliste et numérisé, et en faisant l'hypothèse de liaisons plus directes entre un comportement et des circuits cérébraux que celles pouvant exister avec un syndrome, grâce à la substitution de critères de domaines aux critères diagnostiques. Le modèle est agnostique en matière autant de traitement que de syndromes. Il peut donc agréger et intéresser toutes les professions impliquées dans la prise en charge de la psychopathologie. » (p. 162)



5. [les notions de « réhabilitation » et de « rétablissement » appliquées au traitement du handicap] : « "Handicapé" était un état, "handicapable" est un cheminement et, très exactement, un cheminement qui est moins une guérison que la transformation personnelle face à la négativité, dont les difficultés sont certes bien plus intenses, plus dramatiques, plus douloureuses que celles de l'homme ordinaire, mais non d'une autre nature. Le rétablissement est le système de prise en charge qui s'appuie sur cette attitude fondamentale face à l'adversité, la contingence ou la négativité, qu'est l'idéal du potentiel caché. Il en est l'institution. La ligne directrice de ce système d'action consiste à développer le plus largement possible les capacités de l'individu par des exercices lui permettant d'entreprendre son parcours de transformation personnelle en se comportant comme l'agent de son propre changement. Plus précisément, un ensemble d'idées-valeurs se sont progressivement nouées pour former un système qui se caractérise par quatre traits : l'idéal du potentiel caché, la définition du mal à travers la polarité handicap/atout, le déplacement du statut de malade mental ou cérébral vers celui de partenaire moral, tandis que le thérapeute adopte celui de coach, voire de pair-aidant. Il met en scène la diversité des moyens employables pour transformer un handicap, une déviance ou une pathologie qui nous diminue en un atout qui nous renforce, au moyen d'une solution personnelle ou, pour parler dans le langage de David Hume, de nos capacités à convertir une passion négative en une passion positive. Il théâtralise les multiples épreuves, dilemmes et limites que l'individu affronte pour refaire son être moral. » (pp. 212-213)



6. [Le projet du Réseau cérébral global est ses implications à l'échelle sociale] : « Le Réseau cérébral global peut être défini comme un ensemble de pratiques employant des technologies numériques permettant de démultiplier, d'une part, les capacités de l'individu, qu'il s'agisse de prendre des habitudes ou d'accroître sa perspicacité (c'est "l'augmentation" pour reprendre l'un des deux mots clés du monde numérique), et, d'autre part, les relations (ce sont les "connexions", pour reprendre l'autre mot clé). La démultiplication des coopérations et des échanges passe par un système technico-social où chacun contribue automatiquement à un effet coopératif que les acteurs appellent "intelligence collective" – cet effet démultipliant lui-même les capacités individuelles. Tout tourne autour de la relation et de l'individu, et se construit en référence au grand concept des sciences comportementales : le biais cognitif. L'intelligence des technologies digitales consiste à nous éviter des biais cognitifs, à nous entraîner et à obtenir des effets coopératifs.

Thérapies assistées par ordinateurs, programmes de modification des biais cognitifs, assistants personnels de communication, diagnostics effectués par des ordinateurs, surveillance en continu des variations d'état du patient, etc., nous avons là un ensemble de technologies partenaires pour le problem-solver. » (p. 235)



7. [Thérapies cognitivo-comportementales (TCC) vs thérapies dynamiques ? Une opposition en voie de dépassement (3 cit.)] : « i) La grande distinction entre les deux manières de refaire notre être moral consiste en ceci : les neurosciences et les sciences cognitivo-comportementales font partie des pratiques qui convertissent des passions en actions au moyen d'exercices dans une perspective d'autorégulation, alors que la psychanalyse transforme des passions (les symptômes que l'on subit) en questions (le symptôme est susceptible de parler parce qu'il recèle une intention dont le sujet ne se rend pas compte, une intention inconsciente) et des questions en actions, la guérison étant, pour reprendre cette définition de Freud de 1923, "la liberté de se décider pour ceci ou pour cela".

[…]

ii) Gagner du pouvoir d'agir en convertissant des symptômes ou gagner en intelligibilité en interprétant ceux-ci pour savoir quel est son désir constitue dès lors non une opposition de nature, mais des distinctions pratiques se combinant selon des modalités multiples, dans des sociétés imprégnées d'attentes collectives puissantes à l'égard de l'autonomie individuelle. Rendre intelligible pour arriver à une conscience d'agir plus claire, ou bien s'exercer pour acquérir des automatismes, cette alternative est sous-jacente aux disputes auxquelles on peut assister entre partisans des neurosciences pour lesquels la cible est un sujet cérébral et supporters de la psychanalyse qui pensent dans les termes d'un sujet parlant. Cette opposition frontale doit être sociologiquement relativisée.

[…]

iii) Car ces tensions et complémentarités sont centrales dans l'individualisme contemporain, où l'autonomie est devenue normative et où l'on attend de l'individu non qu'il reste à sa place, mais qu'il fasse des choix et puisse s'accomplir dans un parcours de vie. Il faut à celui-ci une morale qui ne le condamne pas à choisir entre ce qu'il doit (Kant) et ce qu'il veut (Hume), une morale qui lui permette d'avoir une intelligence de lui-même et des relations sociales, une compétence suffisante pour agir dans le maquis de ces relations dont les neuroscientifiques les plus ambitieux espèrent un jour découvrir les mécanismes au sein de l'organisme. » (pp. 296-298)
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La Maladie mentale en mutation : Psychiatri..

Dans cet ouvrage collectif, il n'est pas question de la genèse sociale des pathologies mentales que je recherche toujours avidement, et l'actualité des métamorphoses de la psychiatrie est également fortement mise à mal parce qu'il est daté (2001). Ainsi, les critiques des DSM sont largement connues, de même que les polémiques entre approches neuroscientifiques et psychothérapiques, les questionnements sur les us et abus des prescriptions de psychotropes et enfin, en partie, les inquiétudes sur les études du génome. Cela dit, cette première approche interdisciplinaire entre psychiatrie, sociologie, anthropologie (le cas des sans-abris), ethnologie (le cas de la maladie mentale en Indonésie), histoire et philosophie a le mérite d'explorer pour la première fois des pathologies mentales – en particulier la dépression et les troubles de personnalités multiples – selon plusieurs points de vue. De cette démarche originale apparaissent des voies d'appréhender le phénomène psychopathologique de manière sociologique, certaines desquelles seront approfondies et systématisées par Alain Ehrenberg lui-même dans ses ouvrages successifs, alors que d'autres attendent encore de l'être, peut-être par quelqu'un qui voudra s'engager davantage dans les implications de la « sociogenèse des troubles mentaux », en dépassant à la fois le cadre marxien-pavlovien, les études rattachant spécifiquement une pathologie précise à une condition sociale ou professionnelle (ex. les SDF, les travailleurs de tel ou tel secteur, les chômeurs, les jeunes, etc.), et sans doute en actualisant les découvertes des pionniers parmi les psychanalystes politiquement engagés...







Table [avec quelques commentaires et appel des cit.]



Introduction : « Pourquoi avons-nous besoin d'une réflexion sur la psychiatrie ? » par Alain Ehrenberg et Anne M. Lovell [Les spécificités de la psychiatrie depuis sa naissance et les mutations contemporaines. Cit. 1 et 2]



Première partie : Le sujet pathologique dans tous ses états :

- « L'apparition d'une double personnalité en France – entre médecine et philosophie » par Jacqueline Carroy [Sur l'apparition des premiers cas de personnalités multiples au début de la IIIe République en France]

- « Le trouble de la personnalité multiple : vérités et mensonges du sujet » par Sherrill Mulhern [Sur l'explosion des cas de TPM aux États-Unis dans les années 1980 et sur la dérive des récits des traumas infantiles relatifs]

- « Nos névroses traumatiques ont-elles un avenir ? » par Allan Young [Sur le remplacement de la notion de névrose traumatique à partir du DSM-III et l'émergence d'un nouveau programme de recherche américain sur le « stress post-traumatique » en neurobiologie]

- « Les fictions de soi-même ou les délires identificatoires dans la rue » par Anne M. Lovell [Comment, chez les sans-abris américains, les délires identitaires constituent un mécanisme de défense contre la stigmatisation. Cit. 3]

- « Le sujet de la maladie mentale : psychose, folie furieuse et subjectivité en Indonésie » par Byron J. Good (et alii.) [Étude de cas ethnologique]

- « La neurasthénie de l'écrivain. De Byron à Styron » par Pierre Pachet [Dépression et écriture à partir du Romantisme jusqu'à aujourd'hui. Cit. 4]



Deuxième partie : Traitements et diagnostics :

- « Psychogenèse de la dépression et mode d'action des médicaments antidépresseurs » par Daniel Widlöcher [Une nouvelle conception des figements du corps et de l'esprit. Cit. 5]

- « Les modes de légitimation de la prescription de médicaments psychotropes en médecine générale dans la presse professionnelle depuis 1950 » par Claude Legrand [Comment le social intervient dans la conception de la maladie et de la thérapie]

- « Diagnostic et clinique psychiatrique au temps du DSM » par Jacques Gasser et Michael Stigler [Le grand débat sur les DSM... même s'il n'est question ici que des DSM-III, DSM-III-R et DSM-IV]

- « L'histoire contemporaine de la psychiatrie, dans ses rapports avec la société française » par Georges Lantéri-Laura [Spécificités françaises de la réception de l'antipsychiatrie compte tenu du contexte institutionnel (asiles) et politique (par rapport à la question de la sociogenèse des troubles mentaux).]



Troisième partie : Le mental, le cérébral, le vivant :

- « Y a-t-il des limites à la naturalisation des états mentaux ? » par Marc Jeannerod [La dialectique entre états mentaux et états cérébraux considérée du point de vue de la communication entre individus]

- « Le mental » par Vincent Descombes [Comment la philosophie conteste, sur une base wittgensteinienne la notion de « représentations internes » c-à-d. la dichotomie posée par les neuroscientifiques et exposée dans le chap. précédent]

- « Artifices et Lumières : de la sociobiologie à la biosocialité » par Paul Rabinow [Le potentiel dangereux des recherches sur le génome hypothétisé par rapport au handicap ainsi qu'à la nourriture génétiquement modifiée]
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La fatigue d'être soi : Dépression et société

Cet essai est costaud ! Passionnant et costaud ! Il est remarquablement documenté, il n'y a pas moins de quatre vingt pages de notes et références, et une vingtaine de bibliographie. C'est un travail de recherche sociologique sur la dépression dans nos sociétés modernes depuis le 19e siècle. Il est centré sur la France, l'Europe et les Etats Unis. La première partie sur l'histoire de la dépression et la psychiatrie pose les bases de la réflexion. L'auteur nous met en présence d'un vocabulaire médical et scientifique complexe. Il nous apprend que la France manque d'une solide histoire de la psychiatrie. Et il développe le fait que la dépression se répand dans les sociétés libres, qu'elle est liée à la capacité d'agir ou pas de l'individu. Il présente trois origines de la dépression : endogène, psychogène et exogène. Ce sont des modèles diagnostics qui évoluent par la suite.

La partie sur les électrochocs montre le lien fort entre la définition de la maladie et la réponse thérapeutique, comment le traitement permet de mieux cerner une maladie.

Le parallèle avec la psychiatrie américaine est source de questions constructives, les fondements sont différents.

Cet essai édité en 2000, expose des idées et tendances toujours d'actualité. Cet essai est excellent, il faut s'accrocher car difficile de ne pas se perdre dans le jargon médical et psy.

Je pense lire les deux autres volets de cette recherche, sur la performance et l'individu. J'ai beaucoup appris sur de nombreuses notions comme la névrose, la psychose, la psychanalyse, la psychiatrie et ses courants, les grandes figures du domaine comme l'incontournable Freud et d'autres moins connus mais dont l'apport est indiscutable (Janet), les évolutions de la dépression de la mélancolie du 19e siècle aux troubles mentaux et de l'humeur du 20e siècle. J'ai été surprise de retrouver les termes de "surmenage" et d'"épuisement" au 19e siècle, l'idée émergeait que la vie en société pouvait avoir des répercussions néfastes. Il y aurait tant à dire de cet ouvrage.
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La fatigue d'être soi : Dépression et société

Qui suis-je ? Peut-on être fatigué d’être soi sans se connaître ? Je suis le genre de personne qui se pose ce type de questions couramment et ce n’est pas facile à vivre, j’espérais trouver dans cet essai quelques pistes pour mieux me cerner, m’appréhender et apprendre à vivre avec moi-même et j’ai été plutôt déçu. L’auteur reste assez en surface, dans les grandes lignes de la psychologie sans aller dans le profond, et j’ai besoin d’aller dans les abysses de mon être.

Je n’ai pas trouvé ça bien écrit, les propos sont parfois confus et pose plus de questions qu’il n’y a de réponses, c’est le plus gros défaut de cet ouvrage, il n’est pas accessible à tous ni très pédagogue. Peut-être que je ne suis simplement pas le public cible aussi. Le travail de recherche de l’auteur, je ne le remets pas en question, il est complet et semble concis, ses propos non plus je ne les remets pas en question, c’est la forme qui me pose problème.

Bref, je ne suis pas plus avancé sur mes questionnements et c’est bien là mon principal problème avec ce livre.

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Le culte de la performance

Je suis encore en cours de lecture. Cet ouvrage, qui commence à dater, traite entre autres choses avec une bonne finesse d'analyse le supportérisme et le hooliganisme (qui a changé depuis les années 90).



Une remarque à ce stade : il y a un gros problème dans l'édition originale papier, qui est propagée dans les formats ebook actuellement diffusés : la présence d'un nombre énorme de coquilles (absence de relecture ?). Le simple passage d'un correcteur orthographique comme celui de Word aurait permis de "nettoyer" l'ouvrage avant de le republier.
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La mécanique des passions

Difficile de faire une critique de cet ouvrage que j'ai personnellement apprécié mais dont je n'ai pas encore fini de digérer les idées et les références.



Je précise que pour moi Ehrenberg est un des "passeurs" les plus stimulants de notre époque, tant il mêle les disciplines, suivant une approche diachronique et relativement transculturelle, en maintenant un niveau d'exigence élevé, tout en restant assez accessible.



La critique la plus voisine de mon sentiment est celle de Libé :

https://www.liberation.fr/livres/2018/04/04/la-societe-grand-corps-malade_1641036



Même si elle omet de parler de la référence quasi permanente faite par l'auteur de la comparaison entre le cerveau "neuro-typique" et celui des autistes, qui est pour moi un des points-clé du livre.



En revanche la critique faite par Elisabeth Roudinesco dans le Monde est tellement hors de propos que je pense qu'elle n'a lu que la table des matières, la 4ème de couv, et les 3 dernières pages.
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Individus sous influence

Table des matières [commentée avec renvoi aux cit.] :



- Alain Ehrenberg : « Un monde de funambules » [cit. n° 1 et 2]



Partie I : « États seconds » [Sur les aspects littéraires, psychologiques et historiques de la consommation de drogues]



- Pierre Pachet : « Coleridge, De Quincey, Baudelaire : la drogue de l'individu moderne »

- João Fatela : « Drogues et ambivalences de la subjectivité » [cit. n° 3]

- Olivier Mongin : « Désincorporation »

- Georges Vigarello : « La drogue a-t-elle un passé ? » [cit. n° 4]



Partie II : « Traversée des images » [Sur l'imaginaire des drogues à travers les arts, en particulier la musique, la littérature américaine du XXe siècle, le cinéma, la publicité, la BD]



- Patrick Mignon : « La démocratisation de la bohème : drogues, jazz et pop music »

- Pierre-Yves Petillon : « Paysages mentaux de la drogue : versions transatlantiques »

- Thierry Jousse : « Drogues et cinéma »

- Vincent Amiel : « Peut-on voir un autre monde ? »



Partie III : « Entre influences et dépendances » [Représentations sociales des drogues, drogues et socialisation/désocialisation, médicaments psychotropes...]



- Véronique Nahoum-Grappe : « Le rire du buveur, le rictus du toxicomane » [cit. n° 5]

- Jacques Hassoun : « Janus mélancolique »

- Jean-François Solal : « Les médicaments psychotropes, une dépendance confortable » [cit. n° 6]

- Alain Renaut : « Individu, dépendance et autonomie »



Partie IV : « Régulations » [Aspects juridiques, de contrôle social et judiciaires]



- Robert Castel et Anne Coppel : « Les contrôles de la toxicomanie » [cit. n° 7]

- François-Rodolphe Ingold : « Toxicomanes en Europe : épidémiologie et ethnographie »

- Claude Le Pen : « Une politique pour les tranquillisants ? » [cit. n° 8]

- Dominique Charvet : « L'homme de loi et la toxicomanie »

- Antoine Garapon : « Le toxicomane et la justice : comment restaurer un sujet de droit ? » [cit. n° 9]

- Mireille Delmas-Marty : « Quelles politiques européennes ? Analyse juridique comparée des politiques de la drogue et de l'alcool – les raisons du droit »

- Albert Ogien : « Courte bibliographie raisonnée » [se décline en : « Récits de voyage », « La drogue, le monde », « Vivre la drogue », « L'inconscient, l'âme et le cerveau », « Versions officielles »]
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La mécanique des passions

Poursuivant ses études des formes de l’individualisme contemporain, le sociologue Alain Ehrenberg s’intéresse dans «la Mécanique des passions» aux neurosciences cognitives, devenues le «baromètre» de la modernité.
Lien : http://next.liberation.fr/li..
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L'Individu incertain

On retiendra une des grandes thèses d'Alain Erhenberg : ce n'est pas parce que les choses sont plus individuelles qu'elles sont moins sociales. Autrement dit, l'individualisme de nos sociétés est bien un bien un phénomène de socialisation.
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La fatigue d'être soi : Dépression et société

La première chose que j'ai envie de vous dire c'est : ENFIN. C'est un tel soulagement d'avoir terminé cette lecture qu'écrire la chronique, qui habituellement me permet de faire un point sur ma lecture avant de passer à la suivante, n'est pas nécessaire pour moi. Mais par habitude, je vais partager avec vous mon ressenti (vous l'aurez compris, je pense, il ne sera pas positif).

Ce livre étant écrit par un sociologue, je m'attendais à lire des choses sur la dépression d'un point de vue sociologique et non pas psychiatrique ou médicale comme c'est le cas pendant la majeure partie de la lecture. Certes, des données sociologiques sont dispersées au milieu du charabia médical mais elles sont tellement noyées qu'elles ne sautent pas aux yeux.

J'ai trouvé ce livre vraiment indigeste. Lire plus de dix pages d'un coup était assez compliqué. En fait, je me perdais non seulement dans le langage médical utilisé mais aussi entre les diverses thèses. Ce livre n'est vraiment pas à la portée de tous...

Voilà bien longtemps que je n'avais pas écris un avis aussi court mais ces quelques lignes suffisent largement pour écrire ce que j'ai ressenti pendant cette lecture qui a duré presque deux semaines, oui plus de dix jours pour lire moins de trois cents pages...
Lien : http://mabiblio1988.blogspot..
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Le culte de la performance

Célèbre essai d'Ehrenburg qui s'efforce de démontrer comment le culte de la performance s'est installé dans la société moderne de la fin du XXème siècle. L'auteur dresse tout d'abord un portrait précis et très juste du supportérisme et du hooliganisme. Il fait également un détour par l'histoire du sport avant d'expliquer que les hommes performants sont les sportifs, les entrepreneurs et les consommateurs. Un essai critique qui met correctement en exergue le comment mais explique trop peu les causes de ces maux à mon goût. Cependant un essai emblématique qui donnera suite à la Fatigue d'être soi qui est la conséquence de ce qui est expliqué dans l'ouvrage.



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La fatigue d'être soi : Dépression et société

quel bouquin....

Un superbe essai en prenant la dépression comme point de repère pour aborder l'histoire de la psychiatrie et l'évolution de la société. Oui l'homme malade évolue, le regard qu'on lui porte également mais surtout les lunette à travers lesquelles on l'observe.

La clinique du sujet en tentant d'être exhaustive n'en reste pas moins subjective..

Je conseille vivement cette plongée dans l'espprit humain et la société dans laquelle il se débat
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La fatigue d'être soi : Dépression et société

Pour moi c'est une oeuvre majeure pour comprendre aussi bien la psychologie que la sociologie de la fin du XXème siècle.



A lire en complément :

La Culture du Narcissisme : La vie américaine à un âge de déclin des espérances de Christopher Lasch

Accélération : Une critique sociale du temps de Hartmut Rosa

Résonance. Une sociologie de la relation au monde de Hartmut Rosa
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La mécanique des passions

Ce livre dense et richement documenté, rendu plus digeste par la clarté du propos, montre en quoi les neurosciences « offrent des figures de l’action » tout en invitant l’homme à dépasser ses limites, sinon à les repousser en concordance avec les pouvoirs de son cerveau dont on méconnait encore les limites, cerveau que certains qualifient d’insaisissable.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Le culte de la performance

Ce livre retrace les grandes lignes du "comment la société française a basculé dans le culte de la performance". Il se permet d'analyser cette réalité à travers trois types de "héros" que sont devenus le sportif de haut niveau, le chef d'entreprise et le consommateur.

L'analyse est bien complète, mais malheureusement à mon sens se contente trop du "comment" et trop peu du pourquoi. Il est évoqué que ces grandes mutations sont dues au passage de la référence de la collectivité à la référence de l'individualisme, mais sans expliquer ce qui a permis ce passage vers l'individu. Parce qu'en soi, des hommes "héros", il y en a eu à toutes les époques. Qu'est-ce qui a fait que maintenant ils sont plus mis en avant qu'à une autre époque, ce n'est pas expliqué. Et en même temps, il en aurait été difficilement autrement, puisque le livre se borne à analyser le paysage français. Là où l'apologie de l'individu est une tendance continentale, voire mondiale (du moins dans la sphère d'influence occidentale).

Bref, lecture intéressante pour la culture générale, mais trop limitée pour véritablement mériter sa lecture en dehors de son périmètre Hexagonal.
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