Pot-Pourri d'Alain Gerbault Ecrit par Sacha Guitry pour Yvonne Printemps. Compositeur Albert Willemetz :
Bonsoir, Madame la Lune, Bonsoir (bis) C'est votre ami Gerbault qui vient vous voir, Bonsoir, Madame la Lune. Sur mon bateau, au fil de l'eau, Je m'en vais là-bas vers le large, Je navigue en rêvant où me pousse le vent, Devant moi et toujours en avant, Pourquoi je fuis Paris, son bruit, Pourquoi je me suis mis en marge, M'éloignant sans regret Voyageant sans arrêt...
Il ricane, semble conscient d'une supériorité imaginaire et considère avec le plus grands mépris ces monuments de ses ancêtres païens. Et pourtant ceux-ci avaient une civilisation, une culture, étaient de grands navigateurs et des artistes, et lui, comme tous ses contemporains dominés par la civilisation blanche, a perdu la science du passé, ne fait qu'imiter les blancs et ne crée plus rien.
J'ai pu constater qu'en Afrique, contrairement à ce qui se passe en Polynésie, la religion musulmane a su protéger la race indigène en lui conservant sa fierté. Et je préfère certes à l'attitude résignée des races qui se laissent mourir, celle de l'Arabe qui crache par terre quand passe le chrétien. Tant que subsiste la fierté, tout espoir n'est pas perdu.
Je suis seul. Seul entre le ciel et la mer.
La personnalité des citoyens d'une république qui porte une devise de liberté et d'égalité devrait être respectée par les gouvernants. Ceux-ci, au contraire, se sont mis eux-mêmes à l'abri des lois qu'ils appliquent, alors qu'ils devraient être responsables de la gestion du pays, comme un capitaine est toujours responsable de la marche de son navire et va même jusqu'à passer en conseil de guerre en cas de naufrage. Hélas ! les régimes parlementaires sont basés sur l'irresponsabilité des dirigeants, alors qu'il serait souhaitable d'avoir des chefs, ayant des comptes à rendre, et non placés au-dessus des lois.
Dans cette petite île n'existent pas tous les parasites de la justice des grands pays, justice lente et fort coûteuse, devenue une machine trop compliquée, dont la seule raison d'être, est, semble-t-il, de faire vivre une armée de fonctionnaires.
"Hors de l'eau est sortie la terre et là-dessus ont poussé les hommes."

Bien que je n’aie atterri que depuis quelques jours, j’aspire déjà à lever l’ancre et à reprendre le large et la vie de marin. Et, je me mets à rêver. Comment donc suis-je devenu marin ? Comment ce goût de la mer m’est-il venu ?
J’ai passé la plus grande partie de ma jeunesse à Dinard, près du port de pêche qu’est Saint-Malo, le pays des fameux corsaires, gloire de notre Marine, il y a deux cents ans. Lorsque mon père ne m’emmenait pas avec lui sur son yacht, je m’arrangeais toujours pour passer la journée sur la barque d’un pêcheur.
C’est à Saint-Malo que les rudes pêcheurs bretons équipent leurs bateaux pour les voyages périlleux aux bancs de Terre-Neuve, ou aux zones poissonneuses d’Islande.
Déjà mon ambition était de posséder une petite embarcation. Une fois, mon frère et moi avons économisé assez d’argent pour acheter un bateau dont un autre se rendit propriétaire avant nous.
J’enviais la vie des pêcheurs bretons et je frémissais au récit de leurs prouesses d’endurance et d’audace.
Dans une maison amie près de New York, une soirée calme, si calme que je me demande si mon extraordinaire aventure des mois derniers est bien arrivée. Par la fenêtre, j’aperçois le détroit de Long Island et le mât de mon petit Firecrest, à quelques centaines de mètres de là, le long de la jetée de Fort Totten. Ce n’est pas un rêve. J’ai traversé seul l’Atlantique et je suis maintenant aux États-Unis. Il y a moins d’un mois, dans les tempêtes au milieu de vagues immenses, j’avais à lutter à chaque instant pour défendre ma vie contre les éléments. J’ai là, sous la main, mon livre de bord que j’ai fidèlement tenu, même par les plus gros temps. J’en tourne les pages, où l’eau de mer n’a pas encore tout à fait séché, et mes yeux tombent sur ce passage de ma croisière.
Étant enfant, Joseph Conrad mit un jour le doigt sur une carte de la partie inexplorée de l’Afrique centrale et dit : « Quand je serai grand, j’irai là-bas. » Il réalisa son rêve. Il alla là-bas. Moins heureux que Conrad, je ne réaliserai jamais mon rêve d’enfant ; je subirai bien plutôt le destin du héros d’Edgar Allan Poe.
A gallant Knight
Had journeyed long
Singing a song
In search of El Dorado
But he grew old
This Knight so bold.
As he found
No spot of ground
That looked like El Dorado.
J'avais vécu trop longtemps dans un monde idéal et de rêve et toutes les exigences de la vie quotidienne dans une grande ville me blessaient profondément.