Alain Héril

Nous possédons toutes et tous une médiathèque interne de souvenirs sexuels marquants. Tous ces moments où notre sexualité est sortie des sentiers battus, ces émois, ces situations qui défient les règles... Ce sont des moments passés auxquels nous pouvons nous référer lors de nos fantasmes. C'est une manière de se rappeler combien notre sexualité peut être multiforme et combien ce sont des instants singuliers qui créent les instants de grâce.

Sans faire d'analyse de ce qu'est la pornographie, je peux affirmer qu'elle ne peut en aucun cas concurrencer les fantasmes des uns et des autres. L'imaginaire pornographique est pauvre et il n'est dévolu qu'à l'excitation génitale directe. Le fantasme sexuel est plus vaste et ses scénarios sont le plus souvent incontrôlables et chargés d'une émotion particulière qu'aucun film ou vignette pornographique ne viendra remplacer.

La pensée contemporaine semble s'organiser autour d'une vision quantitative de nos ébats. Les médias abondent dans ce sens. Le nombre édicte la norme. Lorsque les femmes se demandent "Suis-je normale ?", elles s'efforcent d'évaluer si elles en font trop ou pas assez. Où se situe le curseur ? Comment savoir si on est conforme ou pas à cette injonction de la sphère sociale : jouissez le plus possible et vous serez heureuses !

Les fantasmes s'amusent avec nos culpabilités parce qu'ils nous proposent des mondes où tout semble possible sans aucune restriction. Nous savons que cela n'est pas réalisable et si ces images nous heurtent et nous déstabilisent il vaut mieux les regarder en face, en trouver la signification plutôt que de chercher à les fuir.

Il faut oser écrire. Il faut dons apprendre à oser. L'écriture est un pari et un courage. Enorme pour beaucoup. Nous savons presque tous écrire dès l'âge de six ans. Mais nous ne savons pas forcément écrire pour dire qui nous sommes (de façon directe ou indirecte). C'est la raison pour laquelle la notion de jeu est essentielle. Le jeu permet le rire -" écRIRE" contient d'ailleurs le mot "rire"...

A celle qui voulut connaître la différence entre
la vie et la mort, la vieillesse et le ruisseau, le
silence et l'amour.
Celle qui voulut connaître
La différence entre la vie et la mort
La souffrance et la joie
Et qui repose désormais
Un doux pétale sur le sein.

Je lui fit part de mon enthousiasme et de l'idée de territoires inconnus.
-"Attention ! nous ne sommes pas des colonisateurs, dit-il. Je ne fais qu'indiquer ce que le corps de la femme contient comme possibilités. Vous parlez de territoire inconnus (...)

* L’homme meurt dans le sexe, la femme s’y déploie. La femme est un être sexuel, tandis que l’homme se cantonne à une fonction de sexualité. D’un côté l’existentiel, de l’autre l’économique.

* Lorsque l’homme est face à la nature, il cherche à la comprendre pour mieux l’utiliser. Le fait masculin est de considérer la nature comme la femme : belle, incompréhensible et toujours à conquérir, cadenasser, exploiter, prendre… L’attitude féminine est plus participative. Face à la nature, la femme cherche à se fondre, elle trouve les correspondances, elle entre en appartenance. La femme est nature dans son désir sexuel. Elle est tout entière tournée vers cette participation au monde vers ce besoin d’englober, de happer, de saisir l’intégralité, la totalité.

* Tout est intérieur chez la femme et tout cherche à l’être. L’homme s’érige, la femme se dilue dans les ondes et les énergies.

* Le sexuel est un abandon. Il y a dans la recherche sexuelle un processus qui vise à apprendre à perdre. Apprendre à perdre le contrôle. Apprendre à perdre la pudeur. Apprendre à perdre la peur de l’autre. On se défait. Pas seulement de ses vêtements mais aussi de soi-même. Dans ce rapport étroit entre le narcissisme et la sexualité se trouve l’apprentissage d’un autre rapport à soi-même. Un rapport plus ample, plus profond. Un rapport à soi où l’entrée en sexualité est une entrée en apprentissage. Une initiation.

* Une femme ne cherche pas à jouir, elle veut s’éprouver dans la jouissance. Celle-ci est un moyen, un élément d’un accomplissement.

Une fête va son chemin
et mes brodequins luisent
là où une larme est tombée.