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Citations de Alban Lefranc (53)


Vous avez quatorze ans en juin 1940, quand l’armée française est balayée en quelques semaines. Les hommes envoyés au S.T.O. en Allemagne, d’autres parqués dans d’imprononçables camps de prisonniers, d’autres encore en uniforme de la police française chargés de rafler les Juifs ou les réfugiés de toute espèce, un Maréchal octogénaire qui fait don de soi à la Nation : le mâle national range gentiment ses couilles à la cave.
L’enfant battu dissimule des jouets, déploie des trésors de ruse. Aucun adulte ne peut venir à bout des ruses de l’enfant, tarir ses gerbes de malice, étouffer ses petits gestes virevoltants dans les bosquets. Ouh ! ouh ! chuchote l’enfant chauve-souris pendu aux branches. L’enfant marche puis court et court bientôt plus vite que le fouet et court bientôt plus vite que les hurlements. L’enfant s’échappe dans le jardin, grimpe aux arbres, escalade les falaises. L’enfant fait le mort dans la baignoire, micro-baleine échouée dans les bulles de savon.
Est-ce que vous triomphez ?
Non mais l’enfant reste en vie, ce n’est pas rien, c’est énorme dans ces circonstances.
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D’autres commandos continuent d’agir depuis l’arrestation en 1974 des membres fondateurs de la Fraction Armée Rouge. "On évalue à 1 200 le nombre de personnes potentiellement dangereuses qui sont passées dans la clandestinité", déclare devant une commission parlementaire le docteur en droit Horst Herold, président de la police fédérale allemande, début septembre 1977. "On évalue à plus de 6 000 le nombre de sympathisants prêts à leur fournir une aide passagère, à les cacher pour quelques jours. Il n’y a aucun capitaliste qui n’ait pas son terroriste prêt à agir dans le cercle de ses proches ou de ses connaissances. Il n’y a aucun milieu, le plus select soit-il, qui ne compte parmi ses membres un terroriste à l’affût du moment propice", confie le docteur Herold aux députés allemands. En 1979, il annonce que ses services ont enregistré l’identité de 4,5 millions d’individus et de 3 100 organisations, les empreintes digitales de 2 millions de personnes, la graphie de près de 60 000 suspects.
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On ne peut pas en parler, dit sa mère au petit gros, c’est comme pendant Hitler, les gens ont peur de parler de ça, peur de passer pour des sympathisants, peur en critiquant le gouvernement d’être mis dans le même sac que les terroristes. Les gens sont à bout. On ne peut pas en parler."
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On voit d’abord une vingtaine d’hommes en armes, un pied à terre, debout, certains casqués, d’autres tête nue : ils s’abritent derrière des voitures avant de riposter à une menace hors champ, dans une rue exhibant tous les signes de la plus parfaite normalité urbaine (arbres en fleur, passants qui passent, poubelles de couleurs différentes pour le tri des déchets, chaussée et trottoirs impeccables, ciel bleu infrangible, dentelle de nuages, etc.). On sait, on récite son catéchisme, on est un bon petit soldat des repères historiques, on a vérifié : le déchaînement de violence en Allemagne de l’Ouest dans les années 1970, la vitrine brisée du fameux miracle économique qui avait vu le pays renaître de ses cendres, un groupe de terroristes diaboliquement photogéniques contre un État pris de frénésie répressive. On sait le triple barrage opéré sur les faits et leur sens, le ronronnement des doxas. On regarde toujours. Plusieurs tanks circulent également mais dans une autre plan, et on pense alors montage, montage forcément, collage de séquences initialement étrangères l’une à l’autre, on pense reconstitution, fiction plus ou moins documentée parmi d’autres consacrées à la période, à ces années dites de plomb, inconcevables dans ce pays devenu profondément allergique à la violence d’État, et qui eurent lieu pourtant, sous les yeux de tous. Mais il n’y a pas tellement de films sur le sujet, une dizaine tout au plus, on les connaît tous, même les plus infâmes. Et puis on aperçoit deux hommes, le second d’un roux presque rouge est évacué sur une civière dans la cinglante lumière de juin, le premier très maigre avance en slip au milieu des uniformes, et on comprend alors que les images ont été prises sur le vif car les visages sont bien ceux qu’on a vus sous les chiffres de la récompense promise pour leur capture, on comprend que des dizaines de caméras filmaient en direct l’arrestation des deux terroristes les plus recherchés d’Allemagne, que des photographes dans la très belle lumière de juin avaient peut-être le temps de choisir l’angle épique approprié, que les couvertures des gazettes n’ont eu que l’embarras du choix le lendemain, et sur l’écran s’affichent ces quelques mots qui authentifient tout : arrestation d’Andreas Baader et Holger Meins, juin 1972."
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On entre dans un mort comme dans un moulin. On s’est introduit d’abord par effraction, la nuit, en forçant une porte de derrière, une vieille porte oubliée qui n’intéressait plus personne. Et on s’est plu dans les lieux, on y a même très vite gagné l’impression qu’on était seul à les connaître. On s’est surpris à croire qu’on les connaissait mieux que le mort lui-même, qui ambitionnait justement de construire une maison avec des films, après avoir mis le feu au pays. Il faillit bien réussir, avec pour viatique essentiel le Berlin Alexanderplatz de Döblin, bestiaire féroce où faire ses armes.
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Parler avec une femme effacerait les carcasses, effacerait les miroirs.
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Les hommes boivent pour se donner le courage de torturer et d’assassiner : D’autres hommes, parfois les mêmes, boivent pour pleurer sur les hommes qui tuent, et ils pleurent à chaudes larmes, à larmes de veaux emmenés aux abattoirs, et leurs larmes sont trempées de gnôle, et ils finissent couchés confondus dans la boue de leurs larmes impuissantes.
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À quoi bon des êtres liquides errant entre ciel et terre ? Autant se répandre à tous les vents comme les Blancs qui fondent aux premières chaleurs, qui se calfeutrent aux premiers froids, qui changent de couleur et d’humeur à chaque écart de température.
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Les Noirs se ressemblent tous et ils avaient tous la même manière de fuir son regard, de baisser le front vers la terre.
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Le respect consiste à tracer des lignes claires, infranchissables. Et tout commence dans les yeux. On doit tenir là-dessus. Si on cède sur le regard, si on autorise les ramasseurs d’épis à lever les yeux sur leurs maîtres, si on autorise les ramasseurs d’épis à lever les yeux sur les femmes de leurs maîtres, on n’ose même pas imaginer ce qui se passera ensuite, on n’ose pas.
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Un sourire serait une circonstance aggravante, quelles que soient les paroles prononcées. Un sourire sur les lèvres du jeune Noir ressemblerait terriblement à l’aveu de sa faute et justifierait la suite.
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Un Noir de Chicago par principe se méfie, n’avance pas.
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Tous, les soumis comme les séditieux, qu’ils aient brandi le poing ou la bannière étoilée au sommet des podiums, la rumeur a fini par les broyer, inexorablement.
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