Ces jours emblent irréels. J'ai l'impression de voyager dans mon sommeil. Quand je me réveille, je suis ailleurs mais toujours en voiture.
J'adore la voiture. C'est là que sont tous mes jouets.
(...), la température baissant , il posa son manteau sur mes épaules. La laine qui grattait un peu et la doublure soyeuse évoquaient tous les clichés que j'avais vu dans tant de films romantiques. Le type qui pose son manteau sur les épaules d'une fille est toujours un mec bien. Les mecs bien vous donnent leur manteau, les sales types vous déshabillent.
Cela dit, je ne suis pas sûre qu'il comprenne réellement. Bobby est né et a grandi ici. Les arbres auxquels il a grimpé, la maison où il a vécu, tout est là. Sa vie est un livre ouvert, alors que la mienne est une chambre forte dont ma mère détient la clé.
Sur le mur qui sépare les toilettes, je vois une affiche avec des photos d'enfants de tous âges, accompagnées de la phrase : " Chaque seconde compte".(…) Je fais le calcul. Quatre- vingt quatre pages en tout. Chacune d'entre d'elles porte la photo d'un enfant, avec nom, sexe, taille, poids, couleur des yeux et des cheveux. " Cet enfant a été vu pour la dernière fois le" suivi d'une date, parfois une description des circonstances ("disparu alors qu'il rentrait chez lui après l'école" ou " n'est pas revenu de chez son copain") et pour certains, une image supplémentaire vieillie par ordinateur. En regardant les dates des disparitions, je m'aperçois que certaines ont plus de dix ans. Seules quelques -unes de ces photos sont barrées par un bandeau "Retrouvé".
Ce secret est dans le souffle de ma mère, dans ses os. Dans les miens.
Quelque chose ne tourne pas rond.
Il y a certaines choses que je ne peux pas dire à voix haute. C'est comme si je portais une armure.
(...) quand je pense à Jack aujourd'hui, je le vois toujours en train de mettre ou d'ôter son manteau, en train d'entrer ou de sortir, mais jamais vraiment présent.
En passant devant la vitrine d'un magasin, je vis du coin de l'œil une femme qui observait ses mains comme si elle ne les avait pas vues depuis longtemps.
Pendant ce bref instant de lucidité, je me rendis compte que ces mains étaient peut-être celles d'un monstre.
Ce n'était pas censé se terminer ainsi.
Je suis désolée.
Chronologiquement, mes premiers souvenirs sont le vent et la poussière. Juste ça, de la poussière et du vent. J'ai envie de vous dire qu'on était sans abri, mais ce n'est pas un souvenir en soi, je revois seulement la poussière. Le genre de poussière qui se soulève quand vous courez et qui forme un nuage derrière vous. des tornades, des tourbillons, des nuées, peut importe le nom qu'on leur donne. Ça dépend d'où on vient.