Peu importe l'éloignement géographique, un départ est cruel s'il fabrique un passé. L'aube vécue dans le secret de la chambre, le hi-han quotidien de l'âne des voisins ou le goût d'une tartine à la fleur d'oranger ne sont que merveilleux souvenirs. Ce n'est pas d'eux que viendra la blessure, mais de ce qui est irrémédiablement englouti. L'oubli surtout fait mal.
Bruno se souviendrait toute sa vie de ce vol, sa femme, et quelle femme, endormie derrière lui, le désert tranquille sous l'avion, les loupiotes au loin qui le dirigeaient. S'il n'avait eu peur de la réveiller ou qu'elle ne se fasse mal, de bonheur il aurait volontiers fait un looping. Même deux.