Alfonso Mateo-Sagasta

Désormais les prêtres avaient interdiction de confesser les fidèles en dehors d'une espèce de caisse pourvue de treillis sur les côtés à laquelle on avait donné le nom de confessionnal. Le Saint-Père semblait résolu à limiter la lascivité et à freiner la concupiscence du clergé, y parviendra-t-il? C'est une autre histoire, car, en fin de compte, les prêtres sont aussi des hommes et il n'est pas aisé de résister à la séduction de ce contact si intime que favorise le secret.

Quant à la calle de la Arganzuela, j'avoue qu'elle ne m'était pas inconnue, comme à tout bon Madrilène. La plupart l'appellent déjà Mancebias, à cause de deux grands bordels qui ont pignon sur rue, ce qui ne l'empêche pas de garder sa saveur d'antan et de demeurer le paradis des virtuoses du poignet, autant de femmes qui pour un cuarto vous font une simple ou , pour deux, une musicale, ce pourquoi elles s'ajustent audit poignet une courroie pourvue de grelots. On peut entendre certains jours dans cette rue un concert plus charmant que sur le paseo del Prado les jours de fête. Les harnais de tous les attelages des grands d'Espagne réunis n'ont pas autant de grelots, et leurs mules ne les secouent pas avec plus de grâce.

- Parle-moi de votre armée.
- Notre armée... dis-je d'une voix rauque, mal à l'aise. Les hommes portent des cuirasses en métal que vos flèches ne peuvent transpercer, et ils se servent d'épées et de lances en fer, armes face auxquelles vos défenses sont aussi inutiles que du papier. Et certains portent une arme appelée arquebuse, qui lance du feu et du métal, et qui peut tuer un guerrier à cinquante pas, et d'autres sont à cheval, un animal...
- Comme un cerf sans cornes...
- Comme un cerf sans cornes oui, et l'animal et son cavalier font trembler la terre, et il est presque impossible de résister à leur charge."
Kikan et Tekun me regardèrent avec une expression d'incrédulité.
"Avec de telles armes, vous n'aurez pas beaucoup d'ennemis", dit Kixan.
En un instant, je me remémorai tous les ennemis que j'avais connus ou contre lesquels j'avais lutté: la France, bien sûr, les Grenadins des Alpujarras, l'Empire Ottoman, les factions de Milan, la Toscane et Naples, la Navarre, le pape, et qui sait, à l'avenir, le Portugal, l'Angleterre ou l'Empereur d'Allemagne lui-même mais il me sembla impossible d'expliquer qui était chacun d'entre-eux et le poids qu'il pesait dans son propre pays.

Luis de Gongora soupçonné de faux :

Vous me croyez capable d’écrire ce genre d’ordure ? Vous croyez que je n’ai rien de mieux à faire ? Je suis un poète, monsieur, pas un comédien ni un auteur de romans à quatre sous. Mon œuvre se place au-dessus de ces oeuvrettes. Le Quichotte n’est rien d’autre qu’un petit roman sympathique qui a sa place toute trouvée sur les étagères des barbiers et dont le destin naturel est de finir effeuillé dans une boutiques d’épices…

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En cette nuit-là, veille du Noël de l'an 1491, mon père raconta autour du feu ses derniers jours dans le campement chrétien qui assiégeait Grenade, avant que la maladie ne l'oblige à se retirer. Il nous raconta qu'il vit partir Fernando del Pulgar la nuit où celui-ci trompa les défenses de la ville pour clouer sur la porte de la grande mosquée un écriteau avec les mots "Ave Marie" et qu'il fut témoin de la manière dont, le jour suivant, un des champions arabes sortit des murailles et, en guise de défi, traîna l'écriteau dans la poussière à la vue de tous.(...) dans un effort suprême, il nous raconta que le grand Garcilaso de la Vega alla à la rencontre de l'infidèle, le vainquit en combat singulier et lui trancha la tête pour châiter son audace.

Soudain, mon cœur bondit dans ma poitrine quand je vis qu'il était gaucher. Je suppose qu'il sait ce que l'on dit des gauchers, qu'ils sont gens faits à l'envers, certains doutant même qu'ils soient des gens, et tous s'accordant pour dire qu'ils sont de mauvais augure. Pour connaître l'origine de cette croyance, il n'est que de lire la Bible : les condamnés seront à la gauche du Seigneur au jour du jugement dernier, c'est écrit noir sur blanc et sûrement pas pour rien.
Or, en dépit de ce que faire affaire avec un gaucher est pire que de croiser un corbeau ou d'entendre une chouette, il se trouve que Pablo Cimorro possède une grosse et fidèle clientèle.
Ce qui le sauve, je crois, c'est qu'il n'est pas roux - un gaucher, roux de surcroît, ne survivrait pas à la peur de ses voisins.

- Tu n'as pas de sang dans les urines?
- Non ! répondis-je, effrayé.
- Alors, pisse donc dans la dame-jeanne.
C'est bon pour les dents.
- L'urine?
- Les Anciens le savaient déjà : l'urine de grand garçon est ce qu'il y a de mieux pour blanchir les dents.
- Ne me dis pas qu'il faut la boire?
- Non, on se rince la bouche. Si tu étais plus lettré, tu saurais que Strabon relevait déjà cette coutume des peuples ibériques de se laver les dents à l'urine..., coutume que Rome a adoptée, et l'urine espagnole y est devenue à la mode. Oui, monsieur, les pissades de nos aïeux se sont exportées au cœur de l'empire dans de riches vases d'onyx.

( plusieurs pages plus loin : Miguel de Cervantès vient d'uriner dans un flacon)
Le médecin se dirigea vers la fenêtre en agitant le flacon. Il le flaira et finalement le goûta comme on goûte l'huile pour savoir si elle est bonne, une petite gorgée qu'il recracha. Je savais maintenant pourquoi il avait les dents si blanches.

Les Français ne font pas de bons patients. Trop superstitieux. On voit que le contact avec les huguenots leur affaiblit le cerveau. Ils croient dur comme fer que la saignée peut certes sauver une vie, mais une seule fois, aussi la réservent-ils à la dernière extrémité. Il est souvent trop tard quand ils acceptent le coup de lancette.
-Quand avez-vous soigné des Français?
-Voyons!... Les Turcs et les Barbaresques ne capturent pas que des navires espagnols. Il y a plus de Français à Istanbul qu'à Marseille. Je ne sais pas pourquoi, et je ne crois pas qu'ils le sachent eux-mêmes, mais on peut le dire, ce ne sont pas les Français qui manquent.

"Si tu veux te lancer dans le métier, pourquoi tu ne vas pas dans un bordel? Ici, il peut t'arriver n'importe quoi.
- Je ne dis pas que ça me déplairait, répondit-elle d'un air boudeur. Mais je n'ai pas l'âge. Je dois attendre d'avoir douze ans pour que le juge m'autorise à exercer, et alors je serai très vieille. "
- Mais quel âge as-tu?
- Onze ans.
- Tes frères savent ce que tu fais?
- Ce ne sont pas mes frères.
- Allons bon, c'est la nuit des surprises. Pourtant tu habites chez eux...

Un certain Alfonso Fernandez de Avellanada a publié une Seconde Partie de l'Ingénieux Hidalgo don Quichotte de la Manche, dont le premier auteur fut Miguel de Cervantes Saavedra. Ledit Avellanada s'est embarqué dans une drôle d'histoire et ne craint pas les ennuis. On m'a chargé de le trouver et l'on m'a bien payé, trop bien pour simplement chercher un homme, je l'avoue, mais j'ai besoin de tout ce que l'on voudra bien me donner.

Les Cocomes ne mangent pas de chair humaine, mais cela est compensé par le goût raffiné avec lequel ils exposent les restes de leurs victimes. Contrairement aux Itzaes, qui empalent les têtes sur la pointe d'un bout de bois, ils transpercent celles-ci par la tempe et suspendent ensuite les bouts de bois avec une vingtaine de têtes sur des poteaux aux angles de la plate-forme. Cela offre le spectacle désagréable d'un mur de têtes plus ou moins décomposées.